Le swami Sharma et le prêtre italien Tiziano Marian
Il n’y a pas que la zone franche qui fait appel à la main-d’oeuvre étrangère. Dans le domaine de la religion aussi, nous avons recours à des étrangers. Ils sont swamis, pandits, prêtres ou imams. Ils viennent de l’Inde, de Sri Lanka, de France, d’Italie et officient à Maurice.
Le swami Agileswaran, un Sri Lankais, a été contraint de quitter le pays avec sa famille le 8 mars dernier après avoir été en fonction à Maurice durant 12 années. Son permis de résidence n’a pas été renouvelé par le Bureau du Premier ministre.
Le cas du swami Agileswaran est particulier du fait qu’il a une fille née à Maurice et non parce que son permis de résidence n’a pas été renouvelé. Cela arrive parfois aux religieux et autres professionnels étrangers en poste à Maurice.
Toutefois, ce cas a attiré l’attention sur un fait : de nombreux religieux étrangers occupent des fonctions à Maurice.
Une quarantaine de prêtres catholiques venant principalement de France, une quarantaine de mawlanas ou d’imams venant du Pakistan et de l’Inde, une soixantaine de swamis et une dizaine de pandits en provenance exclusivement de la Grande Péninsule. Cela fait donc quelque 150 religieux étrangers en poste à Maurice et ce chiffre tient seulement compte de ceux des principales religions de l’île. Sans compter les frères et les religieuses!
Adaptation aisée
Le swami Balasoopramanien Sharma, frère aîné du swami Agileswaran, est posté au temple tamoul de Kailasson depuis 25 ans.”J’avais été recruté par la société qui gère le temple à travers le gouvernement sri lankais et depuis, je suis resté à Maurice”, raconte le swami Sharma qui avoue n’avoir pas éprouvé de grosses difficultés à s’adapter à la réalité et à la langue mauricienne.
L’adaptation n’a pas, non plus, été difficile pour le prêtre italien, Tiziano Marian, qui est affecté à la paroisse de St-Paul depuis cinq ans et demi. “Je suis à Maurice parce que l’évêché avait besoin des frères de l’ordre de Notre-Dame de Mont-Carmel -, une congrégation missionnaire dont je fais partie -, pour leur spiritualité particulière et pour qu’ils assistent les carmélites”. Pour le père Tiziano, il est normal que Maurice fasse appel à des prêtres étrangers car il y a beaucoup de prêtres mauriciens également en poste dans d’autres pays.
Mohamed Jamal, mawlana de son état, s’occupe, quant à lui, d’une mosquée à la Caverne, Vacoas. Originaire de la province de Bihar en Inde, il est à Maurice depuis un an et demi. “Il est vrai que ce n’est pas le même environnement qu’en Inde mais je m’adapte petit à petit”, soutient Mohamed Jamal. Il ne parle que l’urdu et un peu d’anglais et connaît quelques mots de créole: “Comme la plupart des musulmans connaissent bien la langue urdu, je n’ai pas de mal à me faire comprendre durant les prières et les cérémonies”.
Encourager la vocation
Les religieux étrangers semblent plutôt heureux d’être en poste à Maurice et leur présence n’a pas l’air d’indisposer les Mauriciens. Toutefois, on peut se demander pourquoi les communautés religieuses ont recours à eux.
Entre autres raisons, il y a un manque de religieux qui se fait sentir dans notre pays où la religion est reine. “Il y a environ 120 temples tamouls à Maurice et pas assez de swamis et d’acharyas mauriciens; on est, donc, obligé de se tourner vers l’Inde ou le Sri Lanka”, déclare Rajen Narsinghen, président de la ‘Mauritius Tamil Temples Federation’. Le même problème se pose pour les autres religions : temples, églises, mosquées sont en grand nombre et les pratiquants sont légion mais il n’y a pas assez de religieux pour répondre à l’appel.
“Il n’y a pas beaucoup de jeunes actuellement qui veulent être prêtres et ce, pour diverses raisons. Mais je suis persuadé que c’est passager. Il y aura une reprise à l’avenir grâce au programme mis en place par l’évêché pour encourager les jeunes à se faire prêtres”, soutient le père Tiziano.
Du côté de la Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation (MSDTF), de la Mauritius Tamil Temples Federation et des sociétés musulmanes, des programmes ont aussi été mis sur pied pour encourager les jeunes à se consacrer à la religion. “Cela va nous coûter moins cher de former les Mauriciens que de faire venir des étrangers”, déclare Neerunjun Auckloo, vice-président de la MSDTF. Le mawlana Jameel Chooramun est aussi d’avis qu’il faut miser davantage sur la capacité des Mauriciens:”Ils sont aussi capables que les étrangers””.
Mais le manque de religieux mauriciens n’est pas la seule raison pour laquelle les communautés religieuses font venir des étrangers. Comme dans le cas du père Tiziano, c’est aussi pour faire connaître une autre spiritualité. C’est aussi pour que les Mauriciens profitent des connaissances plus étendues, surtout en matière de formation des jeunes et des moins jeunes aux sciences de la religion.
“Parmi les religieux hindous, par exemple, il y a ceux qui ont atteint un stade très avancé et certains grands temples veulent en profiter”, soutient Neerunjun Auckloo.