Le député du MMM, Dev Hurnam, est derrière les barreaux dans un centre de détention à Moka. Deux accusations provisoires pèsent sur lui : celles d’avoir donné des instructions à Antoine Chetty de couper le bras droit du juge Bernard Sik Yuen et d’assassiner deux policiers, notamment l’inspecteur Ghoorah. Les présumés forfaits n’ont pas été commis si tant est que les instructions fussent réelles.
Même si un complot n’est pas suivi d’acte, c’est un délit, si l’entente délictueuse est avérée. Dev Hurnam, qui est toujours présumé innocent, est, par conséquent, dans de beaux draps surtout que Me Ashley Hurhangee - selon nos informations un des ‘star witnesses’ de la Poursuite’ - est venu confirmer une partie de la version d’Antoine Chetty, l’ex-garde du corps de Veenay Deelchand. Autre témoin à charge vedette.
Il est intéressant de savoir comment le gouvernement va gérer l’affaire Hurnam qui est venue se greffer sur l’affaire Deelchand.
Les leaders de l’alliance MSM/MMM ont donné des indications vendredi lors de deux congrès à Rivière du Rempart. Faisant écho à une décision du Cabinet, Paul Bérenger a dit qu’il n’y aurait pas de “cover-up”, autrement dit qu’on ne tenterait pas d’étouffer l’affaire. Pravind Jugnauth a déclaré qu’il n’y aurait aucune interférence de l’exécutif : en d’autres termes que l’alliance MSM/MMM laisserait la justice suivre son cours selon la formule consacrée. Le cabinet est allé encore plus loin. “ La police étudiera de nouveau les dépositions faites par les victimes alléguées dans des cas précédents auxquels aucune suite n’avait été donnée”, peut-on lire dans le communiqué du Conseil des ministres. Les dirigeants de l’alliance prennent leurs précautions pour tenter de prévenir toute accusation de ‘cover-up’ d’autant plus que la perception est que le MMM a toujours voulu soutenir Dev Hurnam dans les multiples démêlés de celui-ci avec la justice. Mais qu’on le veuille ou non, Dev Hurnam, devenu une patate chaude depuis longtemps pour les mauves, éclabousse son parti par le seul fait qu’il est aujourd’hui derrière les barreaux. Paul Bérenger va gérer au plus près ce cas. Le MMM a commencé à prendre ses distances du député. Le Politburo mauve a pris la décision, hier, de suspendre Dev Hurnam des instances où il siège au sein du MMM. Autrement dit, le comité central et la régionale No 5. Un premier pas vers l’expulsion du député du MMM? Rien n’est garanti, à cet égard, du fait que c’est le profil sociologique de Dev Hurnam qui compte le plus pour ce parti. Le MMM craint peut-être aussi une partielle au No 5.
Personnage exubérant et extravagant. Forte tête et grande gueule, Dev Hurnam doit certainement se demander ce qui a cloché dans sa vie pour qu’il se retrouve derrière les barreaux. Le choix de ses clients l’a souvent mis en contact avec les milieux interlopes. N’a-t-il pas pris assez de précautions? Antoine Chetty par exemple est un de ses ex-clients.
L’Opposition est assez timide dans ses attaques contre le gouvernement après l’arrestation de Dev Hurnam. À la réunion du Bureau exécutif du PTr vendredi, Navin Ramgoolam n’a fait qu’effleurer le sujet, préférant se concentrer sur l’organisation du 1er Mai. Bien sûr, hier, lors d’une conférence de presse, le leader de l’Opposition a demandé à ce que Dev Hurnam démissionne de l’Assemblée nationale. Mais il n’a pas fait monter au maximum le curseur. Le profil de Dev Hurnam y est certainement pour quelque chose. Et puis, dans l’affaire Deelchand, Navin Ramgoolam n’est peut-être pas si rassuré quant à ses troupes. D’un autre côté, à l’approche des élections générales où tous les compromis restent possibles, pourquoi le PTr embarrasserait-il davantage le MMM?
Au moment où on emmenait Dev Hurnam en cellule policière, Jack Bizlall, lui, comme pour faire bonne mesure, s’en prenait au commissaire de l’ICAC. Il aurait détecté du blanchiment d’argent dans la vente de la voiture de Navin Beekarry. Cette affaire est préoccupante au plus haut point parce qu’il s’agit du chef de la brigade anti-corruption et de Jack Bizlall, le tombeur d’une brochette de personnalités dans l’affaire Air Mauritius. Jack Bizlall est un jusqu’au-boutiste et il a la réputation de bien préparer son coup. Navin Beekarry n’est pas au pays. Les Mauriciens attendent ses explications. Cette affaire le fragilise, vu qu’il n’est pas en odeur de sainteté à l’Hôtel du gouvernement. La preuve? L’organe de presse du MMM, ‘Le Militant’, écrit que “ le sondage, commandé par l’ICAC, qui a été réalisé par la firme Stra Consult sur la perception de la fraude et de la corruption à Maurice, n’a pas plu aux dirigeants du pays”. Et plus loin : “Ces derniers temps, on a fait remarquer que la commission anti-corruption est devenue une dévoreuse de fonds publics”. De petites phrases assassines à la Pravda. Il faut s’attendre donc à un nouveau bras de fer entre l’Hôtel du gouvernement et le commissaire de l’ICAC.
Un événement chasse l’autre. L’affaire Hurnam éclipse quelque peu l’affaire Deelchand, ce notaire présumé trafiquant de drogue et qui se serait, avec le concours de ses acolytes, approprié frauduleusement les terres d’autrui. Il est derrière les barreaux. L’ex-ministre des Terres, Mukesswur Choonee, s’est lui aussi retrouvé momentanément derrière les barreaux fin janvier 2003 dans une affaire de vente illégale de terres appartenant à l’État. Le public a eu droit aussi à l’affaire Air Mauritius, à l’affaire MCB.
Mais avec l’affaire Deelchand, le pire pourrait être devant nous.