Vinay Deelchand a l’air débonnaire, un peu triste. Comme s’il porte sur ses épaules tous les malheurs du monde. Pourtant une accusation de “ drug dealing with aggravating circumstances” pèse sur ce notaire. Ses détracteurs font valoir qu’il a une tête de contre-emploi. Autrement dit, la tête qui convient.
Pour l’heure le notaire est présumé innocent. Ses droits doivent être respectés mais en même temps les enquêteurs devraient le serrer de près pour savoir de quoi il en retourne exactement au sujet d’allégations de meurtres, de tentatives de meurtres et de crime d’incendie entourant cette affaire dans laquelle maintenant des noms d’avocats sont cités.
Un notaire est la confiance incarnée. Un acte notarié est d’ordinaire considéré comme irréfutable. Un notaire présumé trafiquant de drogue est assez perturbant pour nombre de Mauriciens. Ce qui accroît la perception que toutes les sphères de notre société sont gangrénées par des trafics illicites. Cette perception est dangereuse pour deux raisons : 1. Parce qu’elle est source de frustration pour les honnêtes gens qui arrivent difficilement à gravir les échelons de la société à cause d’une mobilité sociale déloyale induite par tous ceux qui arrivent, moyennant des complicités, à contourner la loi pour s’enrichir et 2. Nombre de Mauriciens pourraient être tentés de prendre un raccourci pour accéder à l’argent facile. Dopant ainsi la dynamique de la corruption.
Un sondage commandité par l’ICAC à la firme Stra Consult indique que les Mauriciens souhaitent que cet organisme anticorruption cible en priorité la douane, la police et le bureau des impôts. Tous les douaniers, les policiers et les employés affectés au recouvrement d’impôts sur les revenus ne sont pas des pourris. Mais les pourris dans ces secteurs d’activités doivent être mis hors d’état de nuire afin que le public puisse avoir confiance dans ces services. Le slogan ‘Ils sont tous pourris, ils sont tous pareils’ ne mène à rien. Il faut séparer le bon grain de l’ivraie et être impitoyable envers les indélicats.
L’économie informelle, autrement dit celle qui n’est guère ou pas du tout réglementée, occupe une place importante à Maurice. Ce sont des activités qui échappent plus ou moins au contrôle des autorités publiques. Les Mauriciens sentent maintenant que les trafics illicites gagnent du terrain alors que la fraude et la corruption semblent faire partie de nos moeurs, c’est devenu même quelque peu acceptable car des Mauriciens sont disposés à se muer en corrupteurs. Stra Consult écrit ceci, à cet égard : “31,5% of respondents could bribe the traffic warden in case their vehicle is about to be towed away, even if only 16,3% considered this as quite or highly acceptable. Similarly, 27,6% of respondents could end up paying to get their child in the best school. As many as 42,8% of persons interviewed could also pay a doctor to operate a relative more quickly”. Il y a donc un gros travail à faire pour redonner aux Mauriciens le sens civique.
L’exemple doit impérativement venir d’en haut. C’est pourquoi la classe politique devrait projeter une image de probité, d’intégrité et de rectitude morale. Il est temps de réglementer le financement des partis politiques. Des signes extérieurs de richesses ostentatoires devraient faire l’objet d’enquête.
La corruption appauvrit un pays. En outre, des forces financières considérables mais occultes peuvent contribuer à affaiblir l’autorité de l’État. Elles peuvent même se substituer à l’État. À un moment, une partie de la Colombie était sous l’autorité de la Mafia. À Maurice nous ne sommes pas encore là. Mais soyons sur nos gardes. Car ce serait la loi de la jungle et les petites gens seraient pénalisés, même terrorisés.
Quand ceux qui sont chargés de faire respecter la loi se prévalent de leur position pour s’enrichir illégalement, cela interpelle.