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“Aujourd’hui, on parle plutôt d’une alliance bleu-blanc-rouge que d’une alliance PTr/MMM”

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Le nouveau leader adjoint du Parti Travailliste, le Dr Rashid Beebeejaun, estime que son ascension est synonyme du bon travail qu’il a abattu pour les rouges et avance, selon lui, qu’une alliance bleu-blanc-rouge est plus d’actualité que celle rouge-mauve.

Q. Comment expliquez-vous l’ascension d’un ex-MMM que vous êtes au sein du PTr ?

R : Navin Ramgoolam m’a fait confiance et je suppose qu’il a agi à partir de mon ‘track record’. Quand j’ai quitté le MMM en 1997, je ne me suis pas joint au Labour car je suis demeuré indépendant. Les collègues avec lesquels j’ai travaillé alors et qui, peut-être, avaient des réserves à mon égard ont su très vite que j’étais un atout pour les Travaillistes. À la partielle de Flacq, j’ai pu démontrer que je pouvais influencer l’électorat et à celle qui a vu l’élection de Xavier-Luc Duval à Beau-Bassin, j’ai fait une nouvelle démonstration de ma force électorale - pas communale - dans le sens large du terme. Je suppose qu’au No 7, où j’ai passé presque tout mon temps à faire campagne, j’ai pu démontrer que j’avais une force. À l’Assemblée nationale, je participe aux débats. Du MMM au PTr, c’est une expérience politique acquise depuis 1970 et, quand j’ai quitté mon ancien parti, de vrais et anciens militants m’ont suivi. Ceci pour vous dire que c’est une accumulation de facteurs qui ont contribué à mon ascension au sein du PTr.

Q : Comment arrivez-vous à éclipser ce militant que vous étiez pour vous joindre au PTr, un parti que le MMM n’a cessé de combattre durant des années ?

R : Je réalise qu’au fil des années, c’était plus une question de personnalité que des débats d’idée qui a existé. Je n’étais pas officiellement au MMM avant 1994, mais je soutenais le parti et je pouvais conserver une indépendance d’esprit vis-à-vis de ses dirigeants. Le MMM a trop changé. Moi, je conserve l’idéologie du MMM des années 70 tout en étant un grand partisan de Guy Rozemont, Seeneevassen et Anquetil. J’avais surtout une grande admiration pour Rozemont. À un moment donné, quand le MMM avait quitté le gouvernement Jugnauth, je me suis senti mal à l’aise au MMM quand je suis entré officiellement au parti. Il y avait des faiblesses fondamentales dans son fonctionnement. À titre d’exemple, ce qui se disait en privé et ce qui se disait au Comité central n’était pas la même chose. Une fois que j’ai adhéré au MMM, j’ai ressenti une animosité des anciens membres du Comité central. Paul Bérenger n’avait même pas pris la peine d’expliquer à nos membres que j’ai passé 23 ans à l’aider inofficiellement, ce qui avait poussé Mario Venkatasamy, qui est un bon ami à moi, à demander au leader comment et pourquoi je faisais partie du panel qui discutait alliance avec le Parti travailliste alors que j’étais nouveau au parti. Mais, ce qui m’avait le plus déçu, c’était l’attitude de mon colistier pendant la campagne 1995. Ma présence gênait. J’ai eu le malheur de sortir en tête de liste à ces élections.

Q : Vous faisiez tellement de l’ombre à votre colistier que vous lui avez chipé son poste de ministre ?

R : Le mardi suivant les résultats, Paul Bérenger m’a approché pour me dire que je passais mal dans le parti et que j’avais mené campagne contre mon colistier. Je lui ai répondu que c’était lui qui m’avait demandé d’entrer contre une promesse que je serais ministre et No 5 du gouvernement PTr/MMM. Il m’a demandé qui serait le deuxième ministre musulman MMM. Je lui ai répondu que ce serait Ahmad Jeewah et Paul Bérenger m’a dit que ce serait Sam Lauthan parce que le MMM avait besoin d’un ministre au No 3 pour contrer le Hizbullah qui faisait une percée. Je lui ai alors dit que si ce n’était pas Jeewah, le choix devait se porter sur Zeel Peerun qui attendait depuis longtemps. Bérenger a fait comprendre à Jeewah qu’il y avait un lobby en ma faveur et à Zeel Peerun il a dit que je lui avais mis le couteau sous la gorge pour que je fusse ministrable, sinon je démissionnerais comme député. Nos relations n’ont, depuis, plus été comme elles l’avaient été avant. Au Cabinet, Bérenger favoriserait les ministres travaillistes à mes dépens. Ce qui m’a aussi attristé, c’était que pour les élections du Comité central, il y a eu une campagne menée contre moi; c’était une journaliste qui m’a mis la puce à l’oreille quand elle a passé la remarque suivante : “Beebejaun pou guetté ki pou passé la, Beebeejaun pou coné”. Je n’ai pas été élu en raison du magouillage du leader mais j’ai été nommé au Comité central parce que j’étais ministre.

Q : Aviez-vous pris votre décision de claquer la porte au MMM le jour de la cassure ou après ?

R : Le soir de la cassure, j’avais prévenu Alan Ganoo qu’il se tramait des choses et je lui avais demandé d’aller prévenir Navin Ramgooolam et de lui demander de ne pas limoger Paul Bérenger. J’étais malade ce jour-là et je suis rentré à la maison. Puis, un coup de fil : un planton m’a appelé pour me dire que le leader avait besoin de moi. Cela ne m’a pas plu. Puis Paul Bérenger m’a appelé pour me dire qu’il avait un problème et qu’il me fallait venir. Je lui ai répondu que j’étais malade et que le lendemain je ne pourrais, non plus, participer à la réunion du Comité central. Le soir, Bérenger annonça à la télévision que j’avais choisi de ne pas être présent. C’était la ‘last drop’. Le lendemain, des militants, dont Raffick Goolfee et Georges Piow, sont venus chez moi pour me demander de ne pas partir. Mais ma décision avait déjà été prise de quitter le MMM et de rester au gouvernement. Ce choix n’a pas été facile car il y avait d’autres travaillistes qui attendaient d’être ministres.

Q : Pensez-vous que votre nomination en tant que leader adjoint est dans la droite ligne d’une politique d’ouverture de Navin Ramgoolam à l’égard de la communauté musulmane ?

R : Certainement. Navin Ramgoolam a dû voir que je commande un certain respect. Pour la communauté musulmane, je suis le Dr Beebeejaun, et surtout le fils de Haroon et le petit-fils d’Ibrahim Beebeejaun. Le leader du PTr rassure les musulmans. On est arrivé à un moment de notre histoire où il faut que toutes les communautés se retrouvent dans un parti et la campagne de 2000, orchestrée par Harish Boodhoo, était anti-musulmane. Je n’ai jamais entendu Paul Bérenger condamner cette campagne. Lui, qui dépendait beaucoup des votes musulmans, n’a jamais exprimé sa désapprobation. Navin Ramgoolam a voulu envoyer un message d’unité nationale. On parle beaucoup de cette nomination d’un musulman comme le No 2 du Parti travailliste, mais moi, je suis un Mauricien avant d’être un musulman. Je suis musulman chez moi, je suis musulman dans ma vie privée, mais je crois dans le mauricianisme.

Q : Vous aviez dit à notre confrère ‘Star’ qu’une fois l’électorat musulman tourne le dos à un parti, il n’y revient jamais. Vous faites là une analyse ethnique de la politique.

R : C’est un constat. La politique à Maurice a été une politique basée sur les communautés. Le MMM a basé sa politique sur les minorités, les musulmans. Le MMM a exploité à fond la communauté musulmane et, à un certain moment, réalisant qu’il fallait brasser large, le MMM a éloigné les musulmans pour rallier autour de lui d’autres communautés et cela n’a pas marché. On avait l’impression que le fait d’avoir trop de musulmans autour de lui embarrassait Bérenger et, d’après son calcul communal scientifique, il s’est dit que si une partie des musulmans le quittait, il aura des gens des autres communautés qui vont se rallier à lui, en particulier les hindous.

Q : Pensez-vous qu’une grosse majorité de musulmans a déserté le MMM et en faveur de quel parti ?

R : Les musulmans ont été déçus par le MMM. C’est difficile à dire quand c’est arrivé, mais une très grosse partie des musulmans a déserté le MMM. Aux Nos 2 et 3, le MMM seul obtenait plus de 70% de votes et aujourd’hui ce chiffre avoisine les 38 %. Beaucoup se sont tournés vers le Hizbullah, faute d’alternative. Aujourd’hui, c’est le PTr qui représente l’alternance. La politique du MMM à Port-Louis a été celle qui concerne à prendre ses mandants pour acquis. Le PTr s’ouvre désormais aux musulmans

Q : Navin Ramgoolam a dit qu’il a placé un adjoint qui ne pourrait jamais faire une révolution de palais visant à le renverser. Est-ce à dire que vous n’êtes qu’une marionnette en tant que No 2 du PTr?

R : Je ne suis pas au courant de ça. L’électorat n’est pas aussi idiot que cela. Le PTr voulait un musulman pour assumer un rôle important. Moi, j’ai la prétention d’être cette personne. Je n’étais pas demandeur, mais s’il y avait le moindre signe de réticence, j’aurais refusé.

Q : Et la fronde Arvin Boolell ?

R : Soit je suis en train de dire des balivernes, soit Arvin Boolell ne m’a pas dit le fond de sa pensée. Avant le congrès, j’ai rencontré Arvin et il m’a dit qu’il fallait ouvrir le Ptr à toutes les communautés. C’est pour cela que j’ai demandé que les musulmans et autres aient la place qui leur revient au sein du PTr. Je ne comprenais pas trop pourquoi il me disait cela. Mon nom était mentionné pour le poste d’adjoint au leader. Au Parlement, j’ai dit à Arvin Boolell que je me voyais difficilement accepter une telle offre, pris que je suis par mes engagements professionnels. Il m’a mis la main sur l’épaule et m’a dit que je n’vais pas le droit de refuser.

Q : Navin Ramgoolam promet de geler ou d’annuler le projet du groupe IBL à Agaléga s’il prend le pouvoir. Le PTr veut-il vraiment d’une démocratisation de l’économie?

R : Avant d’approuver le projet IBL, le gouvernement aurait dû l’annoncer, donnant ainsi droit à d’autres qui seraient intéressés l’occasion de ‘compete’. Quand Madan Dulloo et Xavier-Luc Duval ont souligné les faiblesses du projet IBL, Paul Bérenger était en colère. C’est la façon de procéder qui est totalement inacceptable dans l’affaire IBL, en l’occurence le privilège que ce groupe aura sur la pêche et l’hôtellerie. Ce n’est pas IBL qui chiffonne, mais la façon de faire du gouvernement. Navin Ramgoolam va ouvrir le projet à tout le monde et si IBL devrait avoir le projet, ‘why not ?’ Nous luttons pour avoir la transparence

Q : Paul Bérenger serait-il l’homme du secteur privé au sein de tout gouvernement auquel il participe ?

R : Bérenger n’a pas le choix et si on regarde son parcours et le financement de son parti, on saura la réponse. Aujourd’hui, le leader du MMM donne un boeuf pour avoir un oeuf; il renvoie l’ascenseur au secteur privé pour services rendus.

Q : Le PM a ajourné les travaux au 13 avril prochain, alors que les travaux de l’Assemblée nationale aurait dû avoir lieu le 6 avril. Quel commentaire cela vous inspire-t-il ?

R : Le pauvre Pravind Jugnauth, No 2 ! Je ne sais pas pourquoi il avale toutes ces couleuvres. Il y a trois projets de loi à l’agenda, dont un au nom de Sangeet Fowdar, et une motion. C’est un manque d’égard envers le leader du MSM. Bérenger a fait cela avec tout le monde. Cela ne m’étonne pas quand je considère qu’au Cabinet, en 1996, il avait dit qu’il a une solution pour combattre le sida.

Q : Quel regard jetez-vous sur votre ancien leader qui a accédé au poste de PM ?

R : Je suis chagrin. On a sacrifié toute notre jeunesse à la lutte en faveur du petit peuple. Quand il a remporté les élections de 2000 et quand il est devenu PM, je lui ai souhaité bonne chance car il a beaucoup milité. Mais depuis qu’il est aux commandes, ce n’est plus le même Bérenger.

Q : Croyez-vous que seul contre tous, le PTr peut l’emporter aux prochains législatives ?

R : Pas seul, mais avec nos partenaires. Valeur du jour, on peut gagner seul les prochaines élections. D’ailleurs, l’électorat des Nos 2 et 3 m’a fait comprendre qu’il serait mieux que le PTr ne s’allie pas avec qui que ce soit pour ne pas avoir des emmerdements après.

Q Dans quelle alliance vous sentiriez-vous mieux ?

R : Si alliance il y a, je n’aurai pas de choix personnel à faire; tout dépendra des discussions. Je ne vois pas Paul Bérenger accepter de travailler à un poste autre que celui de Premier ministre. S’il est disposé à occuper d’autres fonctions, c’est à lui de voir. Au MSM, il y a des personnes qui sont très valables.

Q : Une alliance rouge-mauve est-elle plus possible que le bleu-blanc-rouge ?

R : Ce n’est pas mon opinion personnelle, mais aujourd’hui, on parle plutôt d’une alliance bleu-blanc-rouge que d’une alliance PTr/MMM.

jc.dedans@5plusltd.com

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