Doit-on avoir peur de la ‘menace chinoise’ - terme qui nous deviendra de plus en plus familier - au sujet de nos exportations en produits textiles? Si les choses dans ce secteur d’activités à Maurice demeurent en l’état, on ne peut que répondre par l’affirmative.
On connaît les déboires de Ère Lingerie, on a relevé cette semaine des incidents à World Knits et, plus grave, il est question que Novel Garments, un groupe où émargent six mille employés, quitte Maurice. Ce sont des signes inquiétants et c’est peu dire que la situation dans notre zone franche devient de plus en plus préoccupante.
Si l’État et les entreprises de la zone franche elles-mêmes décident de multiplier les mesures pour que ce secteur devienne davantage performant, serons-nous quand même assez performants pour conjurer la ‘menace chinoise’? La Chine, la géante, ne sera plus corsetée par l’Accord Multifibre dont le démantèlement est programmé pour décembre de cette année. Autrement dit, à l’aube de 2005, elle ne sera plus astreinte à un système de quotas – et ce, pour notre malheur – et elle pourra donc inonder le marché mondial de ses produits textiles bon marché. Il n’y a pas que la Chine qui nous menace, il y a aussi des pays comme l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh. Que faire? Ne rien faire, c’est condamner tout de suite la zone franche. Ce ne serait pas sage dans la mesure où elle demeure un de nos plus grands employeurs. Il faudrait, à notre sens, la maintenir en vie pour au moins une quinzaine d’années encore afin que nous puissions, entre-temps, développer d’autres activités - surtout dans les secteurs des services et de l’informatique - qui pourraient donner du travail aux Mauriciens. À terme, la zone franche est appelée à devenir une collection de niches à haute valeur ajoutée mais avec une intensité de main-d’oeuvre moindre : parce que dans les produits bas de gamme, Maurice n’est pas suffisamment armée pour combattre ses concurrents. La zone franche ne serait plus alors un gros employeur.
Il faudrait donc organiser, dès maintenant, les états généraux sur la zone franche pour qu’on puisse savoir comment la sauver pour les quinze prochaines années et comment l’aider dans sa transformation souhaitable en un secteur haut de gamme. De tels états généraux devraient se pencher, aussi, sur l’AGOA III pour savoir comment gérer la situation au cas où cette loi ne serait pas approuvée par le gouvernement américain surtout dans la perspective réelle d’un changement d’équipe à la Maison-Blanche.
L’avenir économique de Maurice n’est pas très brillant et comme pour faire bonne mesure, les attaques contre le Protocole Sucre - autre filet protecteur pour Maurice - se multiplient alors que l’Accord Cotonou n’est pas éternel. Et si l’insécurité s’installe dans le monde, des touristes pourraient réfléchir à deux fois avant de prendre l’avion pour une lointaine destination comme Maurice. Un communiqué émis par le département d’État américain le 12 mars dernier avise les Américains d’être vigilants quand ils voyagent dans les pays de l’Afrique de l’Est dont, précise le communiqué, fait partie notre pays. Même si les autorités mauriciennes tentent, avec raison, de minimiser cette affaire, il est clair que celle-ci ne nous fait pas du bien en tant que destination touristique.
Il va falloir, dans les années à venir, faire preuve de beaucoup d’imagination afin que Maurice puisse continuer à prospérer.
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