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Le textile mauricien en péril

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Avec le démantèlement de l’Accord multifibre, l’avenir du secteur textile est incertain

Le 1er janvier 2005, l’Accord multifibre arrivera à échéance et le marché du textile et de l’habillement sera complètement libéralisé: autrement dit, les exportations des produits textiles de nos concurrents vers les pays industrialisés (nos marchés préférentiels) ne seront plus limitées par un système de quotas.

Toutefois, plusieurs producteurs internationaux, dont la Turquie et les États-Unis, ont adressé une lettre au directeur de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), Supachai Panitchpakdi, pour demander un délai supplémentaire de deux ans avant l’entrée en vigueur du démantèlement de l’accord multifibre. Maurice soutient cette démarche.


Les autorités mauriciennes ont exprimé leur solidarité à la démarche de ces producteurs car le démantèlement de l’Accord multifibre constitue une menace dangereuse pour l’industrie mauricienne du textile . Toutefois, le ministre du Commerce international a déclaré, lors d’une conférence et exposition sur le textile qui s’est tenue à Johannesburg la semaine dernière, que “même si Maurice soutient une telle démarche, il nous faut être réaliste et nous préparer à la fin de l’Accord multifibre dans quelques mois”. Pour certaines personnes, ce délai demandé par certains producteurs ne sera qu’une extension de la situation actuelle, un leurre. “Ce qu’il faut, c’est prendre des actions pour faire face au démantèlement et il n’y a pas eu beaucoup d’initiatives concrètes dans ce sens jusqu’ici à Maurice”, déclare une source proche des milieux du textile. Pour d’autres, ce sera un temps supplémentaire pour peaufiner la stratégie de la restructuration déjà enclenchée pour faire face au démantèlement.
L’Accord multifibre a été conclu en 1974 entre les pays développés d’Europe, les États-Unis et les pays sous-développés dont le secteur textile commençait à se développer. “Les pays développés avaient encore à l’époque un secteur textile florissant qui employait beaucoup de personnes. Cet accord visait à protéger leur industrie et celui des pays sous-développés”, explique le Dr Vinaye Ancharaz, ‘Senior lecturer’ en économie à l’Université de Maurice. Cette protection s’est manifestée à travers l’imposition de quotas quantitatifs pour l’exportation des produits du textile et de l’habillement des pays sous-développés vers les pays industrialisés. “Maurice n’était pas l’un des signataires de cet accord; son secteur textile n’était pas encore très développé et, à l’époque, elle n’exportait pas vers les États-Unis”, déclare le chargé de cours. L’Accord multifibre a été bénéfique pour Maurice car  cette dernière est membre des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). “Grâce à la Convention de Lomé - remplacée par la suite par l’Accord de Cotonou - les pays ACP sont autorisés à exporter leurs produits textiles vers les pays européens ‘duty-free’ et ‘quota-free’ contrairement aux pays sous-développés qui devaient respecter un quota”, soutient Rajiv Servansingh, secrétaire-général adjoint de la Chambre de Commerce et d’Industrie.  Ce sont ces avantages qui ont contribué au développement du secteur textile à Maurice, selon nos interlocuteurs. “Beaucoup d’industriels étrangers, principalement les Hongkongais, les Thaïlandais et les Chinois se sont implantés à Maurice pour bénéficier des avantages que Maurice offrait : elle n’était pas affectée par l’Accord multifibre et sa main-d’oeuvre était bon marché. Les industriels étrangers voyaient en Maurice un tremplin pour exporter principalement vers les États-Unis”, affirme le Dr Ancharaz.
Maintenant, selon lui, avec le démantèlement de l’Accord multifibre qui approche, ces mêmes entrepreneurs hongkongais, thaïlandais et chinois commencent à quitter Maurice pour des destinations plus attrayantes : “Ils vont s’implanter dans des pays où la main-d’oeuvre est à meilleur marché et le coût de production moindre”. Ces départs, dûs au démantèlement prochain de l’Accord multifibre, qui ont notamment pour résultat un nombre important de personnes se retrouvant au chômage, constituent une perte importante pour l’industrie mauricienne. “Mais le pire, c’est que la Chine, qui est membre de l’OMC depuis récemment, sera parmi les pays exportateurs de textile vers l’Europe. Par rapport à ce que la Chine et d’autres géants du textile comme l’Inde ou le Bangladesh peuvent produire, Maurice ne fait pas le poids. De plus, ils ont une main-d’oeuvre bon marché et leurs coûts de production sont beaucoup plus faibles que les nôtres”, ajoute le secrétaire-général adjoint de la Chambre de Commerce et d’Industrie. Par ailleurs, selon lui, parmi les industriels mauriciens, certains sont mal préparés à faire face à ce démantèlement. “Certains se sont restructurés, ont diversifié, mais d’autres sont restés les bras croisés comme s’ils ne savaient pas que cela allait arriver alors que ça fait dix ans que le démantèlement de l’Accord multifibre a été annoncé”.


Libéralisation du commerce du textile
En effet, c’est en 1995 que les pays membres de l’OMC ont signé  l’‘Agreement on Textile and Clothing’. “L’idée derrière était de libéraliser graduellement le commerce du textile et de l’habillement en ligne avec la politique de l’OMC. Une période moratoire de 10 ans a été accordée pour la libéralisation du secteur et, donc, le démantèlement de l’Accord multifibre. Tous les pays pourront exporter ‘quota free’ et Maurice sera logée à la même enseigne que des géants du textile. Même si Maurice va continuer à exporter ‘duty-free’ pendant quelque temps, cela ne fait pas de différence car son coût de production est élevé”, explique le Dr Ancharaz. Pour ne pas sombrerm, Maurice devra, selon Rajiv Servansingh, se différencier à travers des produits ayant plus de valeur ajoutée, bref, des produits haut de gamme car les géants du textile fabriquent principalement des produits bas de gamme. “C’est notre seule planche de salut mais, malheureusement, il est difficile de le faire car certains entrepreneurs sont habitués à fabriquer des produits de base, à profiter du statut privilégié de Maurice. Il y a des initiatives de la part des institutions et du gouvernement, mais il faut aussi que les industriels bougent”, dit-il. Le Dr Ancharaz est moins pessimiste : “Maurice est l’un des rares pays à avoir tiré profit de ses privilèges et son secteur textile va survivre”.
Il analyse la situation à travers le SWOT (‘Strengh, weakness, opportunity, threat’). Les forces du secteur textile à Maurice sont, selon le Dr Ancharaz, dues au fait qu’il est solidement ancré après 30 ans d’existence, que les Mauriciens ont le savoir-faire et l’esprit d’entrepreneuriat, que le transfert des technologies des pays industrialisés a été fait rapidement et de manière efficace et que les entreprises mauriciennes qui se sont modernisées vont de plus en plus vers le haut de gamme. Quant aux faiblesses de la zone franche, elles sont : le manque de main-d’oeuvre qualifiée, le coût de production élevé, une productivité insatisfaisante ainsi que la distance qui sépare Maurice des pays importateurs. Les opportunités, pour leur part, sont: la vague de libéralisation qui va permettre un réajustement du textile à Maurice, une plus grande exploitation du marché régional surtout l’Afrique en profitant des accords régionaux genre SADC ou COMESA et l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) dont la deuxième phase est en train d’être discutée.
“Par contre, l’AGOA est un couteau à double tranchant qui facilite l’importation sous des conditions contraignantes. Les ‘rules of origin’ doivent être respectées et Maurice doit prouver que le produit est mauricien avec un taux de valeur ajoutée de 35%. Par ailleurs, la matière première doit venir exclusivement des pays africains ou d’Amérique. Maurice est en train de négocier un assouplissement de ces ‘rules of origin’”, explique le Dr Ancharaz. En ce qu’il s’agit des menaces, il affirme que la plus grande pour Maurice, avec le démantèlement, est sans aucun doute le géant chinois. Une autre est, selon lui, le remplacement de la Convention de Lomé par l’Accord de Partenariat entre les pays européens et les pays ACP. “Avec ce nouvel accord, tous les filets protecteurs vont tomber mais l’avantage est que les pays ACP vont pouvoir négocier un système de libre échange avec l’Europe”.
Pour le Dr Ancharaz, les efforts gouvernementaux pour aider ce secteur, les initiatives comme la ‘Textile Emergency Support Team’ (TEST) pour aider les entreprises en difficulté et la possibilité pour les entreprises de se délocaliser dans la région sont autant de facteurs qui empêcheront le secteur textile mauricien de mourir.

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