Nous débutons à partir de ce dimanche une nouvelle rubrique, ‘La loi et vous’, qui traite des affaires légales. Nos lecteurs peuvent donc solliciter des conseils de notre collaborateur Gilbert Noël.
Les questions peuvent être envoyées à gnattorney@yahoo.com ou encore à Gilbert Noël, c/o 5-Plus, Résidence des 5 Palmiers Beau-Bassin
Ces jours-ci, il semblerait que des cas de harcèlement sexuel soient monnaie courante. Le pire dans ces cas, c’est qu’on ne saura jamais la vérité. Sauf exception. Qui dit vrai ? C’est souvent une éternelle question sans réponse. Ce qui se passe réellement entre quatre murs on ne le sait jamais.
La préoccupation est de taille pour ceux qui veulent se protéger de fausses accusations. Certains se demandent si un compliment ou un commentaire un peu exagéré mais sans intention malveillante tomberait sous la définition juridique de harcèlement.
La loi en question se trouve sous la quatrième partie de la Sex Discrimination Act 2002. Il est écrit dans la section 20 du texte que
“(1) A person sexually harasses another person where, in circumstances in which a reasonable person, would have foreseen that that other person would be humiliated, offended or intimidated, he-
(a) makes an unwelcome sexual advance, or an unwelcome request for a sexual favour to that other person; or
(b) engages in any other unwelcome conduct of sexual nature towards that other person.’’
La non-définition de “sexual advance” pourrait pour certains donner lieu à toutes sortes de spéculations. Qu’est-ce qui, en fait, constituerait une avance ? Si une avance est acceptée elle ne serait donc plus “unwelcome” et ne tomberait plus sous la sanction de la loi ? Le fait cependant est qu’un tel terme qui pourrait être interprété de manière divergente est apte à créer des craintes et à crisper le monde de l’emploi. Cependant le terme “reasonable person’’ rassure, car le droit applique un critère objectif et non subjectif. C’est-à-dire qu’une personne qui interprète, déraisonnablement, tout compliment et commentaire comme du harcèlement sexuel n’irait pas très loin si cette même personne entame des démarches pour accuser une autre de harcèlement.
Un autre aspect qui peut bien être interprété de manière large est bien la définition de “unwelcome conduct of a sexual nature”. En fait, “conduct” dans ce cas inclut “making an outrageous statement of a sexual nature’’ même si c’est communiqué de manière orale ou écrite. Le terme “reasonable person” vient encore une fois à notre rescousse même si on peut percevoir ici tout un éventail de risques de possibilités d’interprétations. Ceci dit, le terme “unwelcome conduct of a sexual nature’’ aurait dû être plus spécifiquement défini afin de situer en clair et en termes spécifiques ce qui pourrait constituer un cas de harcèlement. Le législateur avait certainement comme intention de protéger les victimes avant tout. Mais les risques d’abus et de fausses accusations sont réels, surtout dans les cas de rapports entre employeurs et employés.
C’est en effet une offense sérieuse au cas où l’employeur enfreint les provisions de la loi. Les pénalités sont sévères, même si au préalable la Sex Discrimination Division de la Commission des Droits de l’Homme joue un rôle de conciliateur. Mais au vu des risques qui se présentent, des solutions pratiques s’imposent,
Pour l’employeur voulant se protéger de fausses accusations :
-Les patrons et patronnes doivent pratiquer la politique de la porte ouverte (open door policy). Si une personne du sexe opposé se présente à votre bureau, soit vous vous arrangez pour ne pas être seul, ou vous laissez tout le temps l’intérieur du bureau visible à travers soit la porte ouverte ou des murs vitrés.
-Optez pour l’espace ouvert (open space) ou tout le monde voit tout le monde tout le temps.
-Découragez l’utilisation des termes sexuels ou de faire des commentaires ou blagues sur les caractéristiques de l’autre susceptibles d’humilier ou d’offenser.
-Évitez des situations à risque surtout lors des heures tardives où vous vous retrouvez à un nombre réduit après les heures normales.
-Obtenez des références authentiques avant de recruter.
-Assurez-vous que les cadres supérieurs connaissent l’essentiel de la loi sur le harcèlement sexuel et les risques associés à certains comportements, surtout le risque de réputation même si les accusations sont fausses. Il est à noter que la loi insiste sur une relation hiérarchisée entre les deux parties concernées, comme employeur et employé, professeur et étudiant.
-Si le budget le permet, optez pour les caméras et l’électronique pour noter les entrées et les sorties des employés.
-Trop de vigilance tue la vigilance. Encouragez plutôt la courtoisie et le respect tout en adoptant une approche proactive envers ce nouveau phénomène de société.
Pour les employés victimes de harcèlement :
-Notez chaque détail de tout ce qui se passe tous les jours. Le comportement du supérieur hiérarchique doit être détaillé.
-Si vous êtes une victime et que vous voulez prendre des actions, il faut des preuves. Que ce soit des lettres, documents, appels téléphoniques etc.
-N’hésitez pas à prendre conseil, même auprès de vos collègues et de vos proches.
-Assurez-vous que vous êtes prêt à passer par des moments difficiles car suite à vos actions il y aura des contre attaques. C’est une bataille juridique difficile qui n’est pas gagnée d’avance.
-Documentez-vous sur vos droits.
-Renseignez-vous sur les antécédents de celui qui vous harcèle.
Mais la note pratique la plus efficace est, en fin de compte que l’employeur doit bien savoir choisir ses employés et vice-versa. Quant à ceux qui occupent des postes qui retiennent l’attention des médias : soyez davantage sur vos gardes car on n’est jamais trop prudent. Les accusations médiatisées, vraies ou fausses, ne ratent jamais, elles, leurs victimes qui sont sans recours à court terme.
Gilbert Noël