Jean-Michel Bénézet, ancien entraîneur de Maurice Espoir
Jean-Michel Bénézet, ancien sélectionneur de l’équipe de Maurice et entraîneur de Maurice Espoir, était à Maurice en compagnie d’Ashford Mamelodi ‘Development Officer’ du ‘Goal Project’ de la FIFA pour la région du Sud de l’Afrique, pour faire un constat de la situation de la formation chez nous. Satisfait du constat qu’il a réalisé à Maurice, il met le cap aujourd’hui sur l’Angola et l’Ouganda pour évaluer leur plan de dévéloppement. Jean-Michel Bénézet est d’avis que le CNFF a fait son temps et il est grand temps qu’il soit converti en un centre technique national.
Q: Quel est le but de votre visite à Maurice?
R: Le but, il est double. C’est d’accompagner Ashford Mamelodi qui a la responsabilité de la zone de l’Afrique Australe et de l’océan Indien en ce qui concerne le ‘Goal Project’. Pour ma part, je représente la commission technique de la FIFA pour la région Afrique. Ma mission était aussi de faire le point sur le ‘Goal Project’, et cela a vite été fixé et surtout de mettre en place, comme l’exige la FIFA maintenant dans l’ensemble des pays qu’elle aide financièrement, ce qu’on appelle un ‘long time planning’. C’es-à-dire, un plan de développement sur les quatre ans à venir, soutenu par la FIFA.
Q: Peut-on dire que vous repartez avec un bilan positif?
R: Oui, et je ne suis nullement étonné d’être satisfait car je sais qu’à Maurice, et depuis très longtemps, il y a une tradition de football, une organisation sur le plan technique, sur le plan des compétitions, un appui important du ministère de la Jeunesse et des Sports, une volonté des cadres techniques et qu’il y a aussi des directeurs techniques nationaux depuis longtemps. Donc, c’est un pays qui est bien en avance et bien structuré sur le plan organisationnel, il lui reste simplement maintenant peut-être à se donner des priorités avec un objectif à court et moyen termes.
Q: Dans les grandes lignes quels, sont les points saillants que vous avez discuté avec les autorités concernées?
R: Sur le plan du développement, il y a toutes les activités du football. La FIFA tient beaucoup à ce que le football féminin se développe, donc, à Maurice, le football féminin prendra un peu plus d’importance, c’est clair. En ce qui concerne, le deuxième point, c’est-à-dire, le football des jeunes, on sait très bien que des écoles de football destinées aux moins de vingt ans sont en place. Je crois que maintenant en ce qui concerne les compétitions de jeunes et les équipes de jeunes, l’île Maurice doit aller vers la structuration des clubs. Parce que les clubs, ce ne sont pas des clubs, mais des équipes. Donc, je dirais que la politique des huit prochaines années, c’est de reformer ces équipes, dans le cadre de la régionalisation qu’il y a eu, en véritable club. C’est-à-dire, la présence de toute les catégories de jeunes, allant de l’école de football aux -15 ans, -17 ans, -20 ans, et l’équipe senior. C’est un travail de longue haleine sur lequel on doit réfléchir. Puis, le dernier volet c’est la formation des entraîneurs qui doit être renforcée, avec en particulier la mise en place du niveau 3. C’est un niveau supérieur pour l’entraînement des seniors et puis comme on a l’idée de décentraliser la formation, il faut mettre en place un brevet de formation, c’est-à-dire, le spécialiste de la formation.
Q: La MFA a soumis un dossier sur la formation. Ce qui coïncide un peu avec avec votre visite. Quelle est votre appréciation de ce projet?
R: La philisophie générale c’est de dire que la formation jusqu’à maintenant était au niveau national ou régional. Par les petits centres, est-ce que ce ne serait pas intéressant de la pousser au niveau des clubs ? C’est sûr que c’est une bonne philosophie car, à l’époque, lorsque le centre de formation a été créé, puis avec mon arrivée plus tard au club Maurice Espoir, l’idée était de le faire jusqu’à dix ans. On était parti du concept que les clubs n’avaient pas les moyens de le faire eux-mêmes leur formation. Donc, il était nécessaire que ces joueurs soient formés et qu’à la fin de leur formation ils puissent rejoindre des clubs. Les Giovanni Jeannot, Christopher Perle, Orwin Castel, Gilbert Bayaram, ce sont tous ces joueurs qui ont brillé lors des Jeux des Îles. Les dix ans sont maintenant passés. On avait commencé en 1990 et maintenant on est en 2004, cela fait quatorze ans et il est temps de se pencher sur comment transférer la formation au niveau des clubs. Mais je dirais qu’il ne faut pas se fixer une date en disant qu’à la fin de la saison, Maurice Espoir et le CNFF c’est fini. Il faut que les clubs ont des structures d’entraînement, une organisation de travail, des entraîneurs qualifiés pour justement se lancer. L’idée c’est de donner une période de transition au CNFF et au Maurice Espoir, du moins c’est ce que j’ai préconisé, mais la décision finale revient à la MFA. Je pense qu’il faut donner une transition d’au moins deux ans et choisir peut-être deux ou trois projets-pilote. Je pense d’ailleurs aux clubs de Port-Louis, de la Savanne, de Rose-Hill, de Quatre Bornes, qui sont prêts à y aller la-dedans et peu à peu aller vers la formation des autres clubs. De toute façon, c’est l’avenir.
Q: Le CNFF est au centre des discussions. D’ailleurs, vous avez déclaré à nos confrères que le CNFF doit changer d’orientation. Pouvez-vous nous en dire plus?
R: Parler du centre pour moi c’était difficile. Si je laisse parler mon coeur, je dirais qu’il faut que le centre et que Maurice Espoir demeurent. Mais dans la vie, quand on est professionnel, on se doit avoir une certaine dose d’objectivité. Le passage de la formation du centre vers le club doit se faire, c’est irrémédiable. Simplement, je crois qu’il ne faut pas donner un couperet et qu’il faut se donner du temps et que la transition puisse se faire et que les joueurs ne se trouveront plus au CNFF et Maurice Espoir, mais dans les clubs. Ensuite je crois que le CNFF peut devenir un centre technique national, un peu comme Clairefontaine en France, c’est-à-dire où tous les regroupements se feront. De plus ce centre serait renforcé avec le fait que dans le cadre du ‘Goal Project’, il y aura bientôt trois terrains de football à Trianon, soit pas très loin de Réduit. Avec les trois terrains de Trianon et le terrain et un terrain d’échauffement qu’il y a à Réduit, je pense qu’on aura les conditions optimales pour réaliser de bons résultats. L’équipe nationale quand elle, aura besoin de se préparer et pourra le faire là-bas. À mon époque, j’avais fait installer la lumière, donc il y a des conditions de travail qui sont intéressantes. Voilà un petit peu comment le centre devrait trouver un deuxième souffle.
Q: Vous aviez eu plusieurs discussions avec les techniciens mauriciens. Qu’avez vous proposé pour que le football mauricien retrouve ses lettres de noblesse?
R : Je n’ai rien proposé de plus, parce que ce qu’il faut à Maurice existe déjà. Vous avez les compétitions au niveau des écoles de football, des -15 ans, -17 ans. Simplement je crois qu’il faut redynamiser tout cela et il faut un petit coup de booster à ces objectifs qu’on s’est fixés, comme par exemple pour ce groupe des -15 ans qui participera à la CJSOI. Dans la foulée, en 2006, ce groupe sera les -17 ans et pourra participer au championnat d’Afrique des -17 ans. En 2008, Maurice envisagera d’organiser la phase finale du championnat d’Afrique des moins de 20 ans comme cela avait été le cas en 92. Il faut se fixer des objectifs à travers le temps et à partir de là, tout va se mettre en place. Je suis très optimiste, il y a les moyens, la volonté, et surtout les cadres techniques et la qualité chez les footballeurs. Il ne faut pas qu’il y ait de rupture; le problème est là. C’est effectivement, quand on est passé des clubs traditionnels aux clubs régionalisés, qu’il y a eu une rupture et cela se traduit un petit peu dans l’activité et aussi au niveau du public. Il ne faut pas se leurrer, l’identification sera un petit peu plus longue au niveau du public, ce qui n’était pas le cas à mon époque. C’étaient les clubs de la première division qui attiraient beaucoup de monde au stade alors que l’équipe nationale n’avait pas de public, mais aujourd’hui c’est le contraire. L’équipe nationale a son public et c’est bien car c’est vraiment une identification mauricienne, et peu à peu, je crois que les gens vont commencer à s’identifier aux clubs régionaux. Le problème, je crois, c’est qu’il faut que chaque club puisse jouer dans sa région. Je suis sûr que si Port-Louis pourrait jouer à Port-Louis cela aurait été mieux. Par exemple Savanne SC est une équipe qui attire pas mal de spectateurs quand elle joue chez elle.
Steve How