La fermeture de leur usine, sa mise sous administration judiciaire et les salaires payés à moitié sont les raisons qui ont provoqué la colère des ex-ouvriers de l’usine de textile Ère Lingerie vendredi dernier à Pointe-aux-Sables.
Selon les syndicalistes Reeaz Chuttoo et Jane Ragoo qui étaient présents sur les lieux en compagnie d’Atma Shanto, autre syndicaliste, c’est aux alentours de 16h45 que les incidents ont débuté lorsque Sattar Hajee Abdoulah a annoncé aux ouvriers que leur usine était sous administration judiciaire et qu’il était le ‘receiver manager’. Il a aussi annoncé que la direction de l’usine ne pouvait plus payer ses employés car elle est endettée à hauteur de Rs 10 millions. Il a aussi expliqué que les ouvriers, qui sont au nombre de 330 travailleurs mauriciens et 61 travailleurs étrangers, auraient leurs salaires complets aussitôt que l’usine aura bénéficié d’un prêt des banques. Mais cette nouvelle n’a pas fait l’unanimité chez les employés. Ces derniers réclament leurs bonis de fin d’année 2003 et leurs bonis de production pour les mois de décembre et de janvier derniers qui n’ont pas encore été payés à ce jour. Ils réclament aussi leur ‘meal allowance’ pour la même période. C’est alors que les employés - majoritairement des femmes - ont exprimé leur mécontentement et ont voulu avoir une rencontre avec Denis Rivet, directeur d’Ère Lingerie. Elles ont constaté qu’elles n’avaient obtenu que la moitié de leurs salaires. Un officier du ministère du Travail, qui était aussi sur les lieux, n’a pas pu intervenir en raison de la violence et l’agressivité qui y régnait, et a dû quitter les lieux sous escorte policière. Lors d’une conférence de presse hier après-midi, le ministre Soodhun a expliqué que c’est le 4 février dernier que son ministère a été informé de la situation de cette compagnie. Le ministre Jeewah, ministre suppléant, avait eu une rencontre avec les syndicalistes après que Denis Rivet leur aurait fait mention de la situation financière difficile de l’usine. Selon Denis Rivet, Ère Lingerie nécessitait une somme de Rs 12 millions pour être renflouée. Il avait proposé un plan de restructuration et, entre autres, les employés devaient renoncer à leurs années de service – ces années de service seraient rétablies après deux ans - aussi au remboursement de leur ‘sick leaves’.
Soodhun en colère
Le ministre Soodhun explique que son ministère a essayé de contacter le responsable de l’entreprise vendredi mais qu’il n’y avait personne au bout du fil : “Je n’ai plus confiance en Denis Rivet. Je vais prendre les sanctions nécessaires après une rencontre avec les syndicats demain (Ndlr : aujourd’hui). Un comité sera aussi mis sur pied décider de la somme qui sera allouée comme compensation. Ma ‘Permanent Secretary’ préside aussi un ‘redeployement Committee’ en urgence pour voir où l’on va trouver de l’emploi pour les 330 employés de cette usine”. Quant aux travailleurs étrangers, le ministre a expliqué qu’ils auront leurs billets retour après avoir reçu leurs compensations. Nous avons appris qu’ils ont été autorisés à reprendre le travail demain alors que les ex-ouvriers mauriciens vont, pour leur part, se renconter le même jour à 6h45 devant l’usine pour une grande mobilisation. Ils sollicitent une réunion avec leur ex-directeur pour le paiement de leurs dus.
La version de Denis Rivet
Pour Denis Rivet, directeur d’Ère Lingerie : ‘’C’est de la foutaise de dire que les employés ont reçu 50 % ou Rs 1000 de leurs salaires. Car le paiement des ouvriers de Curepipe et ceux de Plaine Lauzun ont été effectués dans les mêmes conditions que celui de Pointe-aux-sables. Je ne comprends pas pourquoi les employés se sont révoltés”. Il ajoute “qu’ils n’ont même pas perdu leurs dus comme ils le prétendent. Ils ont pillé et saccagé tout le materiel alors qu’il y avait une commande de Rs 2.6 millions qui aurait pu subvenir à leurs besoins Ils n’ont pas su saisir cette occasion”. Selon lui toujours, “nous avons travaillé sur un dossier depuis quelque temps afin de trouver une solution pour que l’entreprise ne ferme pas ses portes mais malheureusement les conditions ne nous ont pas permis de continuer de rouler. Donc il fallait prendre une décision’’. Et de poursuivre : “Cela devenait de plus en plus difficile de produire car la montée du dollar américain a créé une tension énorme sur la zone franche”. Il soutient que la marche à suivre c’est la liquidation : “Il nous faudra remettre de l’ordre et liquider le matériel qui n’a pas été endommagé”. Par ailleurs, Rama Valayden a condamné hier, lors d’une conférence de presse, la manière d’agir de la police dans les incidents survenus à Ère Lingerie : “Cette façon d’agir est très grave”. Le PM, Paul Bérenger, a lui aussi commenté ces incidents hier : “Violence couma fine ena dans Ère Lingerie pa pu résourdre narnié. Ène tel violence pa pu toléré par gouvernementt sirtout syndicalistes bisin agir ek responsabilité”. Il a aussi expliqué que “le comportement des syndicalistes ne leur a pas fait honneur et que la police a eu beaucoup de retenue”.
Jean-François Joseph/Jean Marie Gangaram