Emmanuel Leung Shing
Alors que les membres du MSM et ceux de l’Opposition, siégeant au sein du comité d’élite ayant travaillé sur une formule pour l’introduction d’une dose de représentation proportionnelle dans notre système électoral, ont refusé de signer le rapport final présenté au Speaker par le président de ce comité et secrétaire général du MMM, Me Ivan Collendavelloo, ce dernier affirme que “le rapport a été adopté à l’unanimité”.
Déjà, les membres du MSM avaient laissé savoir qu’ils n’étaient pas d’accord avec la formule proposée par le président du comité d’élite qui est le secrétaire général du MMM, Ivan Collendavelloo. “Nous avons refusé de signer le rapport Collendavelloo où il y a un germe d’une instabilité qui peut mener à des troubles sociaux, surtout en tenant en ligne de compte l’hétérogénéité de la société mauricienne”, nous dit le ministre Emmanuel Leung Shing. Sollicité pour une déclaration, il prend, donc, clairement position contre le rapport Collendaveloo en avançant des arguments et en prenant exemple sur des cas où si la formule Collendaveloo est appliquée, dit-il, une forte majorité peut finir par devenir une simple majorité, voire même une minorité, prenant comme exemple le scrutin de 1987.
Quand le rapport était fin prêt, les membres du MSM, à savoir le ministre de la Justice, Emmanuel Leung Shing, le ministre Ravi Yerrigadoo et Leila Devi Dookhun et ceux de l’Opposition, à savoir Madan Dulloo et Siddick Chady (Nicolas Von Mally étant absent) ont proposé que soit mise au vote l’acceptation de la formule préconisée par Ivan Collendavelloo en présence de Veda Baloomoody alors qu’Ajay Guness n’était pas présent. Mais le président du comité d’élite a refusé, arguant qu’il n’est pas prévu qu’un vote soit pris pour accepter un rapport émanant d’un tel comité (voir hors-texte la version de Me Ivan Collendavelloo). Ce qui fait que Ivan Collendavelloo a été le seul signataire du rapport avant qu’il ne soit soumis au Speaker, Dev Ramnah, vendredi dernier.
Ce refus du MSM s’explique par le fait que la formule que les membres de ce parti avaient proposée n’a pas été acceptée même si, selon le ministre Leung Shing, “cette formule correspond au mieux à nos attentes et demeure la plus simple, la plus juste et la plus efficace de toutes les formules existantes”. Ce Senior Minister du MSM estime “qu’il n’y a pas de désaccord dans le fond” avec son partenaire du MMM sur l’introduction d’une dose de proportionnelle dans notre système électoral, car “cela permet de donner de la voix à un électorat qui a voté parfois jusqu’à concurrence de 27 % et qui se retrouve injustement privé de représentant au Parlement”. Pour le ministre de la Justice, “c’est dans la forme depuis le début des travaux du comité d’élite parlementaire et non sur le tard” que certains membres ne sont pas sur la même longueur d’onde que le président (ndlr : Ivan Collendavelloo) qui propose une formule “où il y a un germe d’une instabilité qui peut mener à des troubles sociaux, surtout en tenant en ligne de compte l’hétérogénéité de la société mauricienne”. Il dit qu’il “n’y a pas de division mais tout simplement une divergence d’opinions. Cela existe dans toute démocratie et il faudra qu’on s’y habitue une fois pour toutes”.
Le cas de Rodrigues fait tiquer
En quoi la solution de Ivan Collendavelloo pour une dose de proportionnelle est-elle mauvaise puisqu’il propose la formule du mathématicien ‘D’hondt’ (voir hors-texte) qui est le nombre de votes obtenu par un parti sur le plan national, divisé par le nombre de sièges obtenu par ce même parti plus un siège ? Emmanuel Leung Shing répond : “Dans la formule proposée par le président du comité d’élite, il y a le dépouillement des votes après les élections qui donne une majorité à un parti ou à une alliance. Ensuite, il y a l’application de la formule D’hondt. Si un plus grand nombre de sièges de la proportionnelle va au parti qui a perdu le jour du scrutin, on passe à une troisième étape connue comme les ‘Corrective Measures’. Toujours est-il que le parti qui a obtenu une majorité confortable ne pourra pas conserver cette majorité et n’obtiendra qu’une mince majorité, contrairement au voeu de l’électorat”.
Le ministre MSM prend pour exemple Rodrigues pour étayer, avec des chiffres, ses dires : “Prenons l’exemple de Rodrigues où la même formule avait été adoptée. La victoire de l’OPR avec 8 sièges contre 4 au MR s’est soldée, après l’application de la proportionnelle, en une majorité de 10 sièges contre 8 au MR après la démission de Spéville et l’élection de Serge Clair. Imaginons un seul instant que Serge Clair avait perdu. Le résultat aurait été une Assemblée régionale avec 9 sièges à l’OPR contre 9 au MR. Peut-on imaginer quelles auraient été les conséquences d’un tel revirement à Rodrigues et, surtout, à Maurice le lendemain des élections ?” Avec la formule préconisée par le MSM : A= B x C divisé par D (voir hors-texte), quels auraient été les résultats ? “Ils auraient été 11 députés pour l’OPR et 7 pour le MR et même en cas de défaite de Serge Clair, la majorité de l’OPR n’aurait pas été en péril et aurait été 10 contre 8 et l’OPR aurait conservé une majorité suivant le voeu de l’électorat”, explique le ministre de la Justice.
Résolument contre la formule Collendavelloo
Pour expliquer davantage que la formule préconisée par Ivan Collendavelloo n’est pas bonne, Emmanuel Leung Shing prend l’exemple des élections générales de 1987 : “En 1987, après le dépouillement, l’alliance MSM/PTR et le PMSD avait 39 sièges contre 21 au MMM/MTD/FTS, soit une majorité de 18 sièges. Si l’on avait appliqué la formule préconisée par le président du comité d’élite, cette majorité aurait fondu comme neige au soleil et le résultat aurait été une majorité de 2 sièges en faveur du MMM/MTD/FTS”. Mais, ajoute-t-il, afin de prévenir qu’une minorité devienne finalement une majorité avec une dose de proportionnelle, une ‘Corrective Measure’ est proposée par Ivan Collendavelloo . “Après le dépouillement, il y a l’application de la formule Dhondt. Si la minorité devient par la suite majorité, on introduit la ‘Corrective Measure’ pour corriger ce qui a déjà été corrigé afin de rétablir le parti victorieux à la place qui lui a été légitimement et initialement octroyée à la sortie des urnes. Si ce n’est pas ‘Alice in Wonderworld’, je me demande ce que c’est ! ” Il se demande si l’on peut parler d’une formule équitable et juste. “Est-ce qu’on peut, par un tour de magie, transformer une majorité en minorité ? Peut-on, par un exercice de passe-passe comptable, porter atteinte à la décision de l’électorat et, pire encore, renverser le voeu de l’électorat qui, dans sa sagesse, a accordé une majorité sans appel de plus de trois quarts et la réduire à une majorité simple ? ”
Emmanuel Leung Shing avance que si la formule Collendavelloo avait été adoptée en 1991, “l’île Maurice n’aurait jamais été une République parce qu’on n’aurait jamais pu avoir une majorité de trois quarts pour procéder à l’amendement constitutionnel” . Le ministre dit que le MSM est résolument contre la ‘Party List’. “La Party List est un pas en arrière et nous ramène à l’époque coloniale des députés nommés pour représenter des secteurs d’intérêt ou des composantes de la société mauricienne”, dit-il. Ainsi, pour lui, il ne croit pas qu’il soit juste que des personnes “aussi brillantes qu’elles soient entrent à l’Assemblée nationale alors qu’elles sont restées dans leur salon lors de la bataille électorale”. Ce membre du MSM estime qu’il “faut mériter de s’asseoir à l’Assemblée naitonale. C’est dans la boue et dans la m... qu’on acquiert le droit d’avoir une place au Parlement et c’est pour cela que certains collègues et moi-même pensons qu’il serait préférable que ces candidats courageux battus, parmi lesquels il y aura un certain nombre de femmes, soient d’abord nommés à l’Assemblée nationale. L’adage ‘À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire’ n’est pas sans signification”.
Le ‘Party List System’ est applicable dans beaucoup de démocraties pourtant. Pourquoi cette résistance ? À cette question, Emmanuel Leung Shing répond : “C’est seulement dans le cas extrême d’une majorité écrasante que le ‘Party List System’ entre en vigueur”.
Et quid de la présence des femmes en plus grand nombre à l’Assemblée nationale ? Le ministre rétorque en citant une femme qui intervenait dans une conférence internationale : “Cette femme avait dit : ‘We want equality and not charity’ ”. Pour lui, tout se résume à respecter le choix de l’électorat : “Entendons-nous bien. Nous sommes dans une démocratie où la ‘vox populi’ doit impérativement demeurer la ‘vox dei’. C’est aussi simple que l’a.b.c.d.”.
Ivan Collendavelloo : “Le rapport a été adopté à l’unanimité”
Selon Me Ivan Collendavelloo, président du comité d’élite sur la proportionnelle, le rapport qu’il a soumis au Speaker a été unanimement “adopté”, alors que le ministre de la Justice, un député duMSM, affirme que “nous avons refusé de signer le rapport Collendavelloo”, laissant comprendre que le MSM n’a pas adopté le document..
Q : Le MSM est contre le rapport de votre comité. Vos commentaires ?
R : Le point de vue du MSM sur la réforme est connu de tous, car il a été rendu public. Par contre, la recommandation d’Albie Sachs a fait l’unanimité. Le MSM a voté en faveur de la recommandation de Sachs alors que sir Anerood Jugnauth était Premier ministre. Au sein du comité parlementaire, ce n’est que très tard qu’il y a eu une deuxième proposition. Au niveau du comité d’élite, il n’y a pas de parti, il y a des membres. Le rapport a été adopté à l’unanimité, mais il était juste que le rapport fasse état de la proposition qu’a faite un de ses membres (ndlr : en annexe B la proposition du MSM). Suite au rapport, chacun sera libre de prendre la position qu’il veut, mais je verrai cela très étrange si après avoir voté une motion pour qu’un Select Committee mette en pratique les recommandations de Sachs, on venait subitement changer d’opinion. Admettez que ça ne fait pas très sérieux.
Q : Le MSM dit aussi qu’il avaient demandé un vote avant la soumission du rapport.
R : Il n’y a eu aucune proposition de vote. Le rapport, après discussion, a été adopté à l’unanimité des membres présents, car un consensus s’était dégagé. Pour ce genre de question, surtout s’agissant d’un mode de scrutin, la majorité ne peut abuser de la minorité. Et il n’a jamais été question qu’il y ait un vote, car cela aurait été malsain de voter sur un sujet d’une aussi grande importance. C’est pour cela que tout le monde a oeuvré vers un consensus.
Q : On dit aussi que la proposition Collendavelloo est ‘tailor made’ pour le MMM. est-ce vrai ?
R : Bien au contraire. La proposition fétiche du MMM a été rejetée; elle qui consistait à allouer des sièges par palier de 5% ou de 10% avec un maximum de 20 députés. La proposition du comité est une proposition juste, équitable et démocratique. Elle n’est pas ‘tailor made’ pour le MMM; elle l’est pour la démocratie du pays.
Le MSM ne votera pas la formule Collendavelloo
La formule étant considérée comme une taillée à la mesure du MMM, un éventuel projet de loi à l’Assemblée nationale pour l’introduction d’une dose de proportionnelle avec la formule Collendavelloo n’obtiendrait pas l’apport des élus du MSM.
C’est ce que nous avons appris des milieux proches du Sun Trust. On a également appris que le MSM est tellement contre ce qu’a proposé Ivan Collendavelloo que si jamais le MSM doit quitter son partenaire, le MMM, au nom d’un principe, une telle possiblité serait envisageable. Le MSM est aussi contre le chiffre de 30 députés pour la proportionnelle. Ce parti en propose une dizaine à tout casser.
La formule Collendavelloo
Selon la formule d’Hondt (un grand mathématicien) préconisée par Ivan Collendavelloo, président du comité d’élite sur la proportionnelle, un parti ayant droit à un ou plusieurs sièges à partir d’une liste de proportionnelle qui en compte 30 doit avoir un minimum de 10 % de votes sur l’ensemble du pays. La formule est : A divisé par (1 + B). À titre d’exemple, pour un parti qui a obtenu 20 sièges au niveau national : la Commission électorale prend le nombre total de votes obtenus par ce parti au niveau national (A) et le divise par le nombre de sièges obtenu (B) + 1.
La formule du MSM
Le MSM a proposé la formule suivante : A = B x C divisé D et qui fait élire le quatrième candidat battu, qu’importe son parti et son appartenance ethnique.
A est le bénéficiaire du siège à la proportionnelle, B représente le nombre de sièges proposés à la proportionnelle (30), C représente le nombre de votes obtenus par un candidat le jour des élections et D représente le nombre total de votes obtenus par le parti dudit candidat. Exemple : si un candidat a obtenu 240 000 votes, ce nombre est multiplié par 30 (proportionnelle) et divisé par 960 000, qui représente le nombre total de votes obtenus par le parti de ce candidat battu. Ce parti obtient alors 7,5 candidats. Si après répartition, il reste 3 sièges sur les 30 à pourvoir, le parti qui aura obtenu le plus fort taux en termes de fraction obtient le premier siège, ainsi de suite.