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“Il ne faut pas donner l’impression que l’Église va s’occuper des pauvres et l’État des autres”

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Mgr Maurice Piat et le père Hervé de St Pern, le directeur du BEC, lors de la messe à Bel Air le 1er février

C’est avant de partir pour le Ghana où il doit participer à une rencontre des évêques africains que Mgr Piat, par le biais d’une lettre, s’explique sur sa déclaration de Bel Air, la situation dans les écoles catholiques depuis 1977, la “volte-face du gouvernement” et l’avenir des collèges catholiques.

L’évêque affirme qu’“il faut faire très attention de ne pas donner l’impression que dorénavant l’Église va s’occuper des pauvres et l’État va s’occuper des autres.” L’Église veut bien participer à l’effort national qu’il y a à faire et militer pour qu’une éducation de qualité soit donnée aux pauvres. “Mais cette participation sera toujours très modeste par rapport à l’ampleur du problème. C’est dans ce sens que j’ai parlé des 4 petits cailloux de David à Bel Air. Pour l’évêque, si l’église veut s’occuper de l’éducation de pauvres, il faut d’abord respecter les pauvres”, souligne l’évêque.  “On n’a pas le droit de mettre des enfants pauvres dans une salle de classe - même neuve et bien équipée - leur donner un uniforme, des livres et un transport et puis prétendre qu’on leur a donné une éducation”.


Au début de sa lettre, l’évêque place la situation des écoles catholiques dans un contexte historique. Il fait d’abord état de la demande du ministère de l’Éducation, en 1977, pour une collaboration Église-État. Il se réfère ensuite au ‘Select Committee’ de 92 où l’Église proposait alors que “ les collèges catholiques donnent seulement 50% de leurs places au gouvernement et qu’ils admettent 50% des élèves selon leurs propres critères afin d’avoir, en tout, à peu près 50% de catholiques dans nos collèges. Il précise que le ‘Select Committee’ accepta la proposition et l’Exécutif décida de la mettre en pratique graduellement. “C’est cette politique d’admission, approuvée officiellement par le gouvernement, qui est attaquée en Cour entre 1994 et 2002 par trois fois: par M. Dinnoo une première fois et les deux autres fois par M. Tengur”,  lit-on dans la lettre.


“Le gouvernement fait volte-face”
L’évêque explique également qu’à chacun de ces procès, le gouvernement et les collèges catholiques étaient co-accusés parce qu’ils étaient tombés d’accord sur cette politique d’admission. “À chaque fois dans ces 3 procès, le gouvernement déclare ( dans sa déclaration officielle qui dit dans quel sens il va plaider) que la politique d’admission dans les collèges catholiques est conforme à la Constitution et qu’il va la défendre avec nous”, lit-on dans la lettre.


Maurice Piat rappelle également qu’en juin 2002 “le gouvernement signe un accord avec les collèges catholiques (MOU) où il approuve encore une fois la politique d’admission 50%-50% dans les collèges catholiques. Cet accord est visé par les hommes de loi du parquet.”  Et c’est en octobre 2002, lors du 2ème procès intenté par Tengur, “que le gouvernement fait volte-face contre toute attente et en contradiction avec ce qu’il avait mis par écrit quelques jours auparavant; il déclare que la politique d’admission des collèges catholiques est anticonstitutionnelle”, écrit l’évêque.  Le gouvernement, explique-t-il, a agi comme un “full back” dans une équipe de football : “lorsque l’adversaire attaque, au lieu de passer la boule au goalkeeper comme il a l’habitude de le faire, il prend le goalkeeper à contre-pied et socre un goal dans le camp de son partenaire.” En 2003, devant le Privy Council, le gouvernement va encore plus loin, écrit l’évêque. “Le gouvernement déclare que la politique d’admission qu’il avait lui-même approuvée en 1992 est ‘excessive’ et discrimatoire ; il renie ainsi l’accord fait avec nous après le Select Committee de 1992. Le gouvernement se reconnaît coupable d’avoir agi de manière discriminatoire et anticonstitutionnelle en allouant des grants aux collèges  catholiques pendant 9 ans; il reconnaît que l’accord signé avec nous en juin (MOU) est anticonstitutionnel et qu’il le renie.”


C’est après avoir pris connaissance de ces faits, dit l’évêque, qu’il s’est exprimé à Bel Air. “Je vous laisse le soin de juger si ma déclaration ce jour-là était justifiée ou non.”

Que peuvent faire maintenant les collèges catholiques, se demande Maurice Piat. “Après le procès devant le Privy Council, nous connaissons clairement nos droits.  Quant à l’avenir, de plus en plus de personnes s’expriment pour dire que les collèges catholiques devraient profiter de l’occasion pour s’ouvrir aux plus pauvres. Je le pense moi aussi et notre réflexion va dans ce sens. Mais il y a quelques remarques à faire pour aider la réflexion et arriver à de bonnes décisions” , écrit l’évêque.


L’Église veut participer à l’Éducation
Selon lui, les pauvres dans l’éducation sont “les 30% à 40% d’enfants qui échouent au CPE, les 25% d’enfants qui abandonnent le secondaire. Ces deux groupes ajoutés ensemble donnent, en chiffres absolus, 50% des enfants mauriciens. Ce qui veut dire en clair que notre système d’éducation actuel n’est pas adapté à ces 50%  d’enfants mauriciens. Ce problème est le problème de l’Éducation nationale. C’est l’État qui est responsable de l’Éducation Nationale et c’est à l’État que revient la responsabilité de donner une éducation de qualité à tous et d’abord aux pauvres. L’Église veut bien apporter sa contribution ; elle veut bien s’ouvrir davantage aux pauvres. Mais n’oublions pas que les collèges catholiques ne contrôlent que 4,5 % des places au secondaire et qu’il y a 50% d’enfants mauriciens que le système n’accueille pas comme il faut. Comment voulez-vous mettre 50% d’enfants dans 4,5% de places?”

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