Paul Bérenger aux côtés de Gilbert Espitalier-Noël et de Raj Makoond,
respectivement président et directeur de la JEC. Ils estiment que la baisse du taux d’intérêt contribuera à la reprise de l’économie
Depuis la semaine dernière, le ‘Lombard Rate’ est passé de 9,75% à 9,5%. Avec cet assouplissement de la politique monétaire, la Banque de Maurice veut “influencer positivement la croissance de l’économie” à travers, notamment, la relance de l’investissement. Mais cette baisse est-elle suffisante pour atteindre l’objectif fixé? Certains sont sceptiques.
Le ‘Lombard Rate’ est le taux auquel la Banque de Maurice prête aux banques commerciales pour leurs besoins en liquidités. C’est la quinzième fois depuis 1999 que le ‘Lombard Rate’ accuse une baisse - à l’époque il était de 14%. Le dernier changement dans le taux du ‘Lombard Rate’ a eu lieu en novembre 2003, il était passé de 10% à 9,75%. “Le ‘Lombard Rate’ est lié au taux d’intérêt pratiqué par les banques commerciales vis-à-vis de leurs clients. Quand il accuse une baisse, cela veut dire que le taux d’intérêt à l’emprunt devient moindre proportionnellement. Le taux d’intérêt sur les épargnes connaît aussi une baisse évidemment. Cette mesure favorise le développement de l’économie dans la mesure où les investisseurs peuvent emprunter à moins cher”, déclare un porte-parole de la Banque de Maurice. Cette institution explique, d’ailleurs, dans un communiqué émis le jeudi 29 janvier dernier, que cet assouplissement de la politique monétaire vise à réduire davantage les coûts des fonds et à influencer positivement la croissance de l’économie. Le Premier ministre, Paul Bérenger, ainsi que le vice-Premier ministre, Pravind Jugnauth, et le président du ‘Joint Economic Council’(JEC) sont aussi d’avis que la baisse du taux d’intérêt va favoriser l’investissement et relancer l’économie. Ils ont tous trois souligné, à l’issue de la rencontre gouvernement/secteur privé le samedi 31 janvier dernier, que c’est une des raisons de l’optimisme qui gagne le monde des affaires.
Scepticisme
Eric Ng, économiste, ne croit pas, pour sa part, que cette baisse du ‘Lombard Rate’ suffira à relancer la croissance économique à travers l’investissement. “Cela dépend de beaucoup d’autres facteurs tels que l’environnement des affaires, la politique économique et fiscale, la qualité des institutions, l’État de droit, la corruption, entre autres”, dit-il. L’économiste n’est pas le seul à être sceptique. Xavier-Luc Duval, ‘Senior Partner’ chez Nexia International et leader du PMXD, est également persuadé que la baisse du ‘Lombard Rate’ à 9,5% ne suffira pas à relancer l’investissement. “D’abord, c’est une mesure qui arrive trop tard car la zone franche a déjà fait 14 000 chômeurs faute de fonds; ensuite le taux Lombard n’est pas assez bas pour encourager les gens à investir. Si on emprunte en dollars, par exemple, le taux d’intérêt est de 2,5% alors que pour l’euro il est de 6 ou 7%. Le ‘Lombard Rate’ devrait baisser à 5 ou 6% pour que cela ait un impact positif sur la croissance économique”, déclare-t-il. Par ailleurs, il estime que les banques préfèrent prêter à l’État qu’au secteur privé : “Le gouvernement emprunte beaucoup aux banques commerciales pour combler son déficit budgétaire. Les banques préfèrent lui prêter de l’argent car il emprunte de grosses sommes et représente la sécurité”. Xavier-Luc Duval est aussi d’avis que la différence entre le taux d’intérêt à l’emprunt et le taux d’intérêt à l’épargne est trop grande, “ce qui est un des gros problèmes du secteur bancaire”.
D’autre part, pour Eric Ng, si les banques baissent le taux d’intérêt sur la plupart des dépôts, ce n’est pas le cas en ce qui concerne les emprunts qui ont été faits antérieurement, car il y a les emprunts dont le taux d’intérêt est fluctuant et qui est influencé par le Lombard Rate et d’autres dont le taux est fixe - cela dépend du type d’emprunt et du contrat fait avec la banque. “D’une part, les banques sont gagnantes car le ‘net interest income’ - la différence entre ce qu’elles gagnent sur le taux d’intérêt à l’emprunt et ce qu’elles perdent sur le taux d’intérêt à l’épargne - demeure conséquent mais, d’autre part, elles deviennent perdantes sur le long terme car cela décourage l’épargne”, explique Eric Ng. Selon lui, les gens préfèrent dépenser leur argent, ce qui relance la consommation, ou investir en Bourse, ce qui dope le marché boursier dont le taux de rendement devient plus attrayant que le taux d’intérêt de la banque. Il souligne qu’actuellement le taux d’intérêt réel à l’épargne, qui est la différence entre le taux d’inflation (3,9%) et le taux d’intérêt pratiqué par les banques (4,5) est d’environ 0,5% : “Le taux d’intérêt à l’épargne doit être supérieur au taux d’inflation, sinon cela résulte en un taux d’intérêt réel négatif”.