La question que le Parti travailliste puisse travailler avec le MSM dans le cadre d’une alliance électorale ne se pose même pas, selon Arvin Boolell...
La question que le Parti travailliste puisse
travailler avec le MSM dans le cadre d’une alliance électorale ne se pose même
pas, selon Arvin Boolell
Q : Le Parti travailliste dit que le pays est dans une situation
catastrophique. Quelle est votre analyse personnelle ?
R : La situation devient de plus en plus difficile, car le gouvernement ne
gère pas l’économie du pays et ne définit pas les problèmes auxquels on a à
faire face et la compétition au niveau international devient féroce. En
politique internationale, il n’y a jamais de ‘permanent friends, but only
permanent interests’. Le gouvernement doit dire ce qui va se passer avec notre
secteur d’exportation de thon, ce que sera la production de sucre pour
l’exportation et pour la consommation locale. Ce qu’on entend, c’est que Maurice
va diminuer la production sucrière à 350 000 tonnes et qu’en 2006, le prix de ce
produit chutera de 30% par tonne. Concernant l’exportation du
textile-habillement, les Hongkongais disent que le gouvernement a failli dans sa
tâche et que si on n’obtient pas le ‘third country fabric’, 30 000 personnes
perdront leur emploi. Le secteur offshore est fragile et notre image a été
ternie par les scandales qui ont secoué les banques. La politique, en termes
touristiques, a été un échec, si l’on croit ce qu’a dit le nouveau ministre du
Tourisme qui a parlé de baisse dans les recettes. Si on lit entre les lignes ce
que Gilbert Gnany, économiste de la MCB, a dit, c’est qu’à force d’imposer
l’impôt, on tue l’impôt et le développement. Quand on se réfère aux indicateurs
socio économiques,on constate que la situation est apocalyptique et que nous
allons vers une explosion sociale.
Q : Vous ne voyez que du noir.
R : Puisque la confiance est ébranlée entre les deux partenaires de
l’alliance MSM/MMM et que la bataille sournoise est devenue une guerre ouverte,
nous n’avons pas d’autre choix que d’avoir des élections anticipées. L’île
Maurice a besoin d’une nouvelle économie, d’une nouvelle politique et d’une
nouvelle société avec la participation de la population dans le domaine
socio-économique.
Q : Venons-en à l’Appointments Committee de l’ICAC. Il semble qu’il y ait
divergence ?
R : La première question à poser est celle-ci: qui est le président de
l’Appointments Committee ? Sir Anerood Jugnauth, ex-leader du MSM et ex-PM. Il
est diamétralement opposé au PM, Paul Bérenger, et au VPM, Pravind Jugnauth,
quand il s’agit de prendre une décision pour que l’ICAC puisse retrouver sa
crédibilité. Navin Ramgoolam attend la convocation de la réunion de
l’Appointments Committee et qu’il ait toutes les données avant de prendre
officiellement position. Par ailleurs, je tiens le gouvernement entièrement
responsable, car c’est lui qui a jusqu’ici donné une coloration politique à
cette institution.
Q : Quand la motion de ‘no confidence’ a été à l’agenda du Comité
parlementaire, devait-elle être obligatoirement débattue ?
R : La motion était une priorité à l’agenda. Il y a eu une atteinte pour
qu’elle n’y figure pas, mais le secrétaire du comité parlementaire, de par son
expérience légale, et le Speaker ont jugé bon que la motion devrait figurer à
l’ordre du jour. Puisque la motion allait être prise, et ce n’est pas Ivan
Collendavelloo - je salue en passant sa lucidité puisqu’il sait avec beaucoup de
pertinence que Me Daureeawoo a failli dans sa tâche - qui va me contredire. The
guy had to go. Me Daureeawoo, s’il était un homme d’honneur, aurait dû ‘step
down’ et laisser la place à un autre pour la présidence. Au lieu de cela, il a
choisi la confrontation. La Section 29 des Standing Orders stipule qu’il n’y a
pas lieu de donner ‘notice’ et que la motion doit être débattue. Ce n’est pas
parce qu’il n’y a pas de provision dans la loi pour destituer un président qu’il
a le droit moral de siéger.
Q : Justement, Me Daureeawoo avance qu’aussitôt qu’il avait ajourné les
travaux, rien de ce qui a été décidé après ne comptait. Vos commentaires ?
R : Il y a eu un début de débat sur la motion, mais Me Daureeawoo et
certains parlementaires ont décidé d’effectuer un walk-out, prétextant que la
motion ne tenait pas. Xavier-Luc Duval a eu raison d’insister pour que la
réunion continuât; il y avait un président de séance, le secrétariat était
présent et la motion a été votée. Dans un souci de transparence, il fallait
dénoncer les manoeuvres , le ‘colourable device’ du président destitué. On ne
peut politiser une institution qui doit être au-delà de tout soupçon. La
transparence et l’‘accountability’ doivent être de mise, car Rs 150 millions ont
été votées aux frais des contribuables. L’explication légale a été donnée par Me
Madan Dulloo en se référant à la section 29 des Standing Orders et à Erskin May,
la Bible des parlementaires. Il a réfuté les déclarations faites par Me
Daureeawoo.
Q : SAJ a fait savoir, selon notre confrère l’Express, qu’il ne compte pas
révoquer les commissaires, prenant à contre-pied le leader du MMM qui avait dit
“time is running out” pour l’ICAC. Vos commentaires ?
R : Le président du Comité parlementaire a osé faire une déclaration
publique à certains journalistes pour dire qu’il ne va pas convoquer
l’Appointments Committee et qu’il maintient le statu quo. C’est quoi son agenda
? Deuxièmement, pourquoi le secrétaire général du MMM, qui certainement n’a pas
agi seul, a-t-il demandé la révocation immédiate de Navin Beekharry et de son
adjoint, Gérard Bissasur, et pourquoi, ensuite, a-t-il dit que Moosa Taujoo
devait partir. Le président de l’Appointments Committee, sachant très bien que
l’ICAC ne fonctionne pas, donne une interprétation étroite à la section 61 (1),
c’est-à-dire ‘to monitor and review the function of ICAC’. Pourtant, on sait que
le Parliamentarian Committee aurait dû être le chien de garde mais au lieu de
donner des ‘clear guidances’, l’ancien président Rashid Daureeawoo a entravé le
bon fonctionnement du comité. Les membres du comité parlementaire, opposition et
gouvernement confondus, ont réagi. Vous n’avez qu’à demander à Megduth Chumroo,
il va vous dire que la motion de Xavier-Luc Duval était fortement justifiée.
Q : On se souvient que SAJ, en tant que président de la République, avait
fait sortir un communiqué pour démentir le Parti travailliste qui l’accusait de
faire de la politique active lors de la partielle. Mais, pour ce qui est des
divergences de vues entre SAJ et Paul Bérenger sur la révocation des
commissaires de l’ICAC étalées dans la presse, point de communiqué de la
présidence pour démentir l’information. Quelle est votre lecture de cette
situation?
R : Les divergences de vues entre SAJ et le PM ne sont pas d’aujourd’hui. Il
y a eu des menaces quant à la façon dont le MMM avait ‘handled’ le dossier
Mauritius Telecom/France Telecom. Deuxièmement, l’ex-PM a dit qu’il n’allait
jamais accepter un système électoral avec une dose de proportionnelle à la
rodriguaise et si Paul Bérenger persiste à venir de l’avant avec la
proportionnelle taillée sur mesure pour le MMM, il y aura une réaction au MSM et
certains ont dit qu’ils n’allaient pas voter le projet de loi. Troisièmement,
l’analyse faite par le Bureau politique du MSM de la cuisante défaite au No 7
démontre clairement que Bérenger et Bhagwan sont responsables de la défaite. Je
ne sais pas quelle page le MSM a tournée avec l’épisode Gayan, mais la
dissension existe, la confiance est ébranlée, les deux partis sont à couteaux
tirés. La présidence a vu d’un mauvais oeil les relations privilégiées entre
Cehl Meeah et Paul Bérenger. Ce dernier, sachant que Pravind Jugnauth a été
réduit à néant, va davantage humilier le MSM. Vous constaterez que les
backbenchers du MMM n’hésitent pas à critiquer et à dénoncer les ministres du
MSM.
Q : Vous ne répondez pas à ma question.
R : À la lumière des exemples que je vous ai donnés plus haut pour illustrer
les divergences de vues entre SAJ et le PM, si le président de la République
voulait vraiment tourner la page, il aurait dû envoyer un démenti formel. La
machinerie de la rupture entre le MSM et le MMM a été mise en marche.
L’inévitable se produira; c’est une question de temps. La population attend
cette cassure.
Q : Il y a un débat qui risque d’être passionnant quand le projet de loi
viendra à l’Assemblée nationale : la Muslim Personal Law (MPL). On connaît la
position du PTr qui dit attendre d’avoir copie des recommandations de Me Hamid
Moollan. Arvin Boolell, êtes-vous pour ou contre la MPL ?
R : La première chose est qu’il faut vraiment qu’on soit en présence du
rapport. Il faut qu’on l’étudie avec l’aide de légistes avant de faire tout
commentaire. Il faut prendre en ligne de compte que le débat est sensible. Il ne
faut pas oublier que nous sommes dans un pays laïque.
Q : On parle de tractations entre le PTr et le MMM. Va-t-on nous revendre une
alliance rouge-mauve au nom de la main de l’histoire ?
R : Il n’y a ni tractations ni rencontres entre le PTr et le MMM, ni entre
le PTr et le MSM. Par contre, nous faisons un appel quotidien aux déçus du MSM
et du MMM pour qu’ils se joignent à nous. L’appel nous est favorable, eu égard
au nombre grandissant qui adhère au parti. Le leader du parti et le Bureau
politique élaborent en ce moment même un programme de travail pour consolider
davantage notre proximité avec l’électorat et nous nous préparons pour notre
prochain congrès et la journée internationale de la Femme. Nous nous préparons
pour des élections générales anticipées. La décision du gouvernement de renvoyer
les élections municipales démontre la mollesse de leur gestion.
Q : Vous pourriez retravailler avec le MMM?
R : L’objectif principal du PTr est de démontrer que nous représentons
l’alternance. Le PTr est aujourd’hui devenu incontournable sur l’échiquier
politique. C’est l’électorat, le bureau politique, le leader du parti et de
l’alliance sociale qui peuvent prendre une décision de travailler avec n’importe
quel parti..
Q : Et avec Pravind Jugnauth et son MSM ?
R : Pour le PTr et l’alliance sociale , l’essentiel est de minimiser les
risques et de mettre toutes les chances de notre côté pour gagner les prochaines
élections, car nous sommes l’alternance. Pour ce qui est de Pravind Jugnauth,
nous le condamnons pour sa politique de bassesse menée au No 7. Il avait voulu
faire de cette partielle un référendum et il a voulu se mesurer à Navin
Ramgoolam. Il a échoué lamentablement. La question de travailler avec Pravind
Jugnauth ne se pose même pas. En politique, il y a un décorum et une éthique à
respecter. L’élection de Rajesh Jeetah est la preuve que l’électorat ne tolère
pas ceux qui n’ont pas une culture politique.