Le père Roger Cerveaux
Le Comité diocésain Premier Février, conjointement avec la paroisse de Grand-Gaube, organise aujourd’hui une série d’activités dans le cadre de la Journée internationale de la langue et de la culture créoles. Au programme : une messe et le lancement de Konvention-kreol pour l’année 2013. Celui qui a été le premier à parler du malaise créole et qui présidera la cérémonie à 10 heures, répond à nos questions.
Le 31 janvier 1993, vous avez été le premier à avoir énoncé le terme «malaise créole». Qu’est-ce qui vous a emmené à faire ce constat à l’époque ?
À l’époque, j’évoluais dans des régions où je côtoyais des familles créoles. J’ai pu être témoin de leur désarroi, de leur détresse, de leur souffrance, de leur mal-être de se sentir à la traîne. Je regardais, j’observais et j’écoutais aussi beaucoup les gens parler autour de moi et j’ai alors ressenti un grand malaise : le sentiment de ne pas être écouté. Quand on m’a donné la parole, il y a 20 ans, au forum de l’Organisation des créoles et Afro-Mauriciens à Grand-Gaube, je n’ai pas pu rester tranquille et ne pas exprimer ce malaise de la communauté créole.
Presque 20 ans plus tard, pensez-vous que ce terme est toujours d’actualité ?
On ne peut pas se voiler la face. En 20 ans, il y a eu beaucoup d’évolution et de progrès. Combien de jeunes créoles sont maintenant diplômés et comprennent l’importance de l’éducation. Je fais donc un bilan positif concernant ces 20 dernières années car bien du chemin a été fait. Il y a la Commission Vérité et Justice qui fait un excellent travail, la cause créole a beaucoup avancé. La langue créole a maintenant sa graphie et a été introduite à l’école, c’est forcément positif. Toutefois, tout n’est pas rose. La communauté créole a toujours le sentiment d’être discriminée, surtout par rapport à ce qui se passe sur le marché du travail. Mais je tiens à préciser : il existe une relation extraordinaire entre les différentes communautés à Maurice. Néanmoins, le problème se pose sur le plan économique, comme dans beaucoup de pays où il y a une minorité.
Qu’en est-il de l’identité créole aujourd’hui ?
La culture d’une personne traduit ce qu’elle est, d’où elle vient et le milieu où elle vit. Malheureusement, beaucoup n’assument pas cette identité ou ignorent tout simplement leur histoire. C’est pour cette raison que je dis qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire pour arriver à changer cette façon de penser. Pour moi, c’est à travers l’éducation qu’on arrivera à un progrès dans ce sens.
Quelle est l’importance de la journée d’aujourd’hui ?
C’est une journée importante car c’est une invitation à venir en famille pour vivre un bon moment, baigné dans la culture créole.