Rachel Constantin
Alors que l’association PILS (Prévention information lutte contre le sida) vient de rendre public son rapport annuel, nous donnons la parole à Rachel Constantin, la présidente de l’organisme.
Depuis un an, vous êtes la présidente de PILS. Comment s’est passée cette première expérience à la tête de l’organisme ?
Je suis chez PILS depuis plusieurs années. En 1997, j’ai été parmi les premiers volontaires à intégrer le service d’écoute de l’organisme pour Sida-info. Cela fait donc 14 ans que je chemine avec PILS. J’ai fait de l’écoute pendant plus de 10 ans et me sentant prête à faire autre chose, j’ai demandé à siéger sur le comité où j’ai été membre pendant cinq ans. En 2011, j’ai été élue présidente. Cette première année a été surtout une période de découverte, car il y a un monde de différence entre le fait d’être membre, et celui d’être présidente du comité.
Toutefois, cette année a été riche en apprentissage. Je prends ce rôle très au sérieux mais je dois aussi souligner que l’opérationnel de PILS est très solide. On a une belle et bonne équipe qui est jeune, soudée et très dynamique. On peut donc dire que PILS n’a pas vraiment besoin du comité pour opérer, mais le comité essaie surtout d’apporter un regard externe, un regard neutre sur tout ce qui se fait dans la lutte contre le sida.
Dans le rapport d’activités de PILS, qui vient d’être rendu public, vous dites que 2012 est une année décisive. Pourquoi cela ?
L’année dernière, l’association PILS est devenue le récipiendaire principal, pour la société civile, du Fonds mondial pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Cela a été un grand pas en avant pour l’organisme. C’est une reconnaissance de notre travail, et cet apport de financement donne une force de frappe accrue à l’organisme de par le fait que nous allons pouvoir orienter la riposte nationale dans la lutte contre la propagation et l’évolution du sida à Maurice.
Est-ce que le regard des Mauriciens a évolué par rapport à ce fléau qui continue à faire beaucoup de victimes ?
Je dois dire qu’il y a eu une grosse évolution au fil de ces quinze dernières années. L’État fait un très bon travail pour faire reculer les chiffres, et les mentalités ont beaucoup évolué, même si nous constatons qu’il existe encore beaucoup de tabous autour du virus. Il reste, certes, encore un long chemin à parcourir mais nous avons constaté que c’est beaucoup plus facile, aujourd’hui, de parler du sida qu’il y a quelques années. Les mentalités ont quand même changé et les personnes qui vivent avec le sida sont mieux acceptées et de moins en moins jugées.
Comment expliquer que les chiffres soient toujours alarmants malgré toutes les campagnes de prévention contre le sida durant ces dernières années ?
Ce n’est pas le fait de faire des campagnes qui va régler le problème ou stopper les ravages causés par le sida. À Maurice, l’épidémie reste très concentrée chez les consommateurs de drogues injectables, en milieu carcéral ou encore parmi les travailleuses du sexe. Jusqu’à récemment, les chiffres ont démontré que le mode de transmission le plus fréquent est l’injection, notamment chez les usagés de drogues injectables. Par contre, les chiffres actuels démontrent que le nombre de contaminés par voie intraveineuse est en baisse. En parallèle, le mode de transmission par voie sexuelle est en hausse. Cela démontre que tous les programmes – dont celui de l’échange de seringues – qui ont été mis en place, portent leurs fruits, et que le travail qui est en cours rapporte des résultats.
Les derniers chiffres démontrent aussi une féminisation du sida. C’est-à-dire qu’il y a de plus en plus de femmes qui sont infectées. Qu’est-ce qui explique cela ?
On assiste à une féminisation parce qu’il y a une importante population de consommateurs de drogues injectables. Ces patients ne sont pas faciles à gérer de par leurs addictions. Ils échappent ainsi aux circuits médicaux. Du coup, ils représentent un pont entre la communauté des consommateurs de drogues et la population féminine.