Collen, le père de Selvina, défend sa fille bec et ongles.
Sila Devi, la mère de Yogen, n’était pas en bons termes avec ce dernier.
Il n’était un secret pour personne que le couple battait de l’aile depuis plusieurs années. Mais nul ne s’attendait à ce que leur histoire se termine en drame sanglant. Les proches de Selvina et Yogen témoignent d’une relation qui aura connu une bien triste fin.
Ils s’aimaient éperdument, mais leur histoire d’amour était vouée d’avance à l’échec. Faisant fi des appréhensions de leurs proches, Yogen, 27 ans, et Selvina Seeneevassen, 24 ans, se sont mariés il y a environ huit ans. Mais le dimanche 23 septembre, Yogen aurait été tué par son épouse (voir hors-texte). Comment Selvina et Yogen en sont-ils arrivés là ? Qu’est-ce qui a occasionné ce drame ? Au milieu de toutes ces interrogations, il y a les trois enfants du couple, âgés de 5 ans, 3 ans et un an. Ces derniers ont été confiés au père de Selvina, à sa demande. Mais leur avenir semble incertain.
Selon les proches du couple, tout laissait présager que la relation entre Yogen et Selvina finirait mal. Car ils venaient de milieux sociaux différents. Lui vient d’une famille modeste de Batimarais. Elle d’une famille de la classe moyenne habitant Mahébourg. Sila Devi Seeneevassen, la mère de Yogen, avance que son fils a rencontré Selvina lors d’une nuit de prières.
Collen, le père de la jeune fille soutient, lui, que les tourtereaux se sont rencontrés aux fiançailles d’un proche. Bien qu’ils ne s’accordent pas sur ce point, Sila Devi et Collen avouent que leurs enfants «ont eu le coup de foudre l’un pour l’autre immédiatement et ne se sont plus quittés malgré le mécontentement des parents».
Yogen et Selvina ont fait fi de la désapprobation de leurs proches et ont décidé de se fiancer. À l’époque, Yogen collectionnait les petits boulots, tandis que sa dulcinée avait déjà mis fin à ses études. «Nous ne nous sommes pas opposés aux fiançailles de ma fille pour ne pas lui déplaire. Elle n’arrêtait pas de nous dire qu’elle aimait Yogen à en mourir», se souvient Collen. Selon lui, le jeune homme venait souvent voir Selvina à Mahébourg, jusqu’au jour où il a décidé de l’emmener chez lui.
Sa mère s’y est d’abord opposée, arguant que le couple devait se marier avant d’habiter ensemble. Mais Sila Devi a vite changé d’avis pour ne pas déplaire à son fils. Elle a même libéré une chambre pour les amoureux. «Tout s’est très bien passé la première semaine. Puis, les proches de Selvina ont débarqué chez moi pour parler mariage. Je leur ai dit que j’étais veuve et que je n’avais pas les moyens. Ils sont partis sans rien dire. Mon fils est allé vivre chez eux à ma grande surprise. J’ai, par la suite, reçu une carte d’invitation au mariage de mon fils. Mes filles et moi n’y avons pas assisté car Yogen avait quitté mon toit après une grosse dispute, voulant récupérer toute la maison.»
Alcool et jeu
Le père de Selvina donne une tout autre version. Il affirme que sa fille et son gendre sont partis de Batimarais par obligation : «La belle-mère de ma fille avait coupé l’électricité dans leur chambre. Ils devaient se servir d’une bougie. Un soir, le lit a failli prendre feu. Prise de chagrin, ma belle-mère a alors loué une maison à Ville-Noire pour eux. Peu de temps après, nous avons trouvé du travail pour Yogen comme steward dans un hôtel de la région.»
Quelque temps plus tard, Yogen et Selvina se sont mariés. De cette union naîtra un premier enfant. La famille nage en plein bonheur jusqu’au jour où Yogen contracte un emprunt bancaire de Rs 60 000. «Il nous avait dit qu’il allait se servir de cet argent pour financer la construction de deux chambres en dur. On l’a tous cru, mais il a dépensé cette somme dans des maisons de jeux. Il a également perdu son travail car il avait commencé à boire», raconte Collen. Il souligne que sa fille a commencé à vivre un véritable calvaire. «Un soir, Yogen est rentré à la maison sous l’influence de l’alcool et a tenté de sodomiser Selvina. Elle a d’abord porté plainte avant de retirer sa déposition, estimant que sa fille allait souffrir sans son père. La vie du couple a commencé à dégénérer car Yogen battait ma fille lorsqu’il était saoul. Elle avait même bénéficié de plusieurs protection orders. À l’époque, elle trouvait refuge soit chez mon beau-père, qui habite également à Ville-Noire, ou alors chez nous», confie-t-il.
La situation du couple empire lorsque le propriétaire de la maison les met à la porte pour loyer impayé. Yogen et Selvina font le va-et-vient entre Batimarais et Mahébourg, jusqu’à ce que le grand-père maternel de Selvina leur donne une maison à La Clémence, Rivière-du-Rempart.
De fréquentes disputes
À ce moment-là, Sila Devi avait déjà coupé les ponts avec son fils et sa belle-fille. «J’ai eu trop de problèmes avec eux lorsqu’ils vivaient chez moi. Ils ont, entre autres, brisé plusieurs vitres de ma maison. J’ai porté plainte à la police plusieurs fois. J’avais des soucis à chaque fois que mon fils ou ma belle-fille buvait. J’ai aussi bénéficié d’un protection order contre eux. Mon fils n’a plus jamais été le même après sa rencontre avec cette fille.»
Collen, lui, défend sa fille bec et ongles. «Ma fille a commencé à boire à cause de son mari. Elle était battue. Elle faisait constamment le va-et-vient entre Rivière-du-Rempart et Mahébourg. C’est mon épouse qui allait la chercher en voiture avec mon frère. Selvina retournait toujours auprès de son mari. Elle n’arrêtait pas de nous dire qu’elle l’aimait trop», dit-il.
Selon lui, Yogen était un bon garçon lorsqu’il était sobre, mais il se transformait en véritable monstre lorsqu’il buvait. «Ma fille se plaignait toujours de n’avoir rien à donner à manger à ses enfants. Son mari buvait et la battait. Li ti fer cuma dan wrestling ar li ek li bat li ek so koud ek zenou. Leurs voisins ont été témoins de leurs fréquentes disputes», souligne Collen.
Et le soir du 23 septembre, la cuisine du couple s’est transformée en scène de crime après une énième dispute. Une dispute qui, selon Collen, aurait éclaté parce que sa fille voulait partir de la maison. Yogen et Selvina se sont aimés, mais à quel prix ?
Elle plaide la légitime défense
Dans sa déposition, Selvina Seeneevassen explique qu’elle n’avait pas l’intention de tuer son mari et qu’elle aurait agi en légitime défense. Selon ses dires, Yogen serait rentré à la maison complètement ivre ce soir-là. Après une énième dispute, ce dernier aurait pris un tesson de bouteille et aurait tenté de l’agresser avec. Selvina raconte que son époux l’aurait appuyée contre l’évier avec une main, tenant le tesson dans l’autre.
Elle aurait alors saisi un couteau de cuisine et aurait assené un coup à la jambe de Yogen. L’artère fémorale ayant été atteinte, le jeune homme s’est vite vidé de son sang. Mandés sur place, les policiers de Rivière-du-Rempart ont recueilli des morceaux de bouteille sur le lieu du drame. Selvina Seeneevassen a été présentée devant le tribunal de Mapou où elle fait l’objet d’une charge provisoire d’assassinat.