«Si je devais m’en aller, j’aimerais que mon fils garde un excellent souvenir de sa maman»
En ce mois rose qui débute demain – octobre étant le mois de la mobilisation mondiale contre le cancer du sein –, nous donnons la parole à Valérie Sénèque, enseignante, qui nous raconte son combat au quotidien contre ce mal qui la ronge…
Pourquoi, selon vous, est-ce important d’avoir ce mois rose ?
Il est important de sensibiliser les gens au cancer du sein, car c’est un sujet encore bien trop tabou. Il faut susciter l’intérêt des gens étant donné que, trop souvent, le cancer est considéré comme symbole de mort pour la plupart des gens, qui ne voient pas les possibilités de guérison. Il faut miser sur la recherche. Ce mois rose doit être symbole d’espoir pour tous les malades et leurs proches. Il faut que le tabou autour du cancer explose et disparaisse. Il faut arriver à en parler librement et sans crainte. La guérison d’une personne passe par la parole, le soutien moral et psychologique. J’ai une pensée spéciale pour mon amie et ex-collègue du Rodrigues College Fabienne, qui est décédée récemment. Je pense du fond du cœur à mes sœurs dans la maladie, quatre femmes battantes, qui se sont éteintes ces derniers mois, Stéphanie, Connie, Nadine et Julie. Elles ont été pour moi des modèles et j’espère avoir le courage de me battre comme elles et arriver à vaincre la maladie en leurs noms.
Vous êtes vous-même atteinte d’un cancer. Comment vivez-vous depuis l’apparition de la maladie ?
Cela fait seize mois et demi que je me bats contre le cancer du sein. Je dois dire que je le vis plutôt bien, même si pas mal de choses ont changé dans ma vie. Cela, grâce à ma grande foi en Dieu qui est toujours présent dans ma vie et qui m’aide à combattre la maladie et à qui je rends grâce d’être en vie. Je suis aussi tellement bien entourée, par ma famille, mes élèves, mes collègues et mes amis, que je suis portée par toute cette affection et j’oublie la maladie. Comme dit la chanson : «Quand on n’a que l’Amour à offrir en partage... » C’est sûr que je peux faire moins de choses qu’avant car il y a des gestes qui me sont proscrits vu la fragilité de mes os. Et puis, il y a la fatigue constante suite au choc que subit le corps après les chimios. Mais dans l’ensemble, j’essaye de mener une vie tout à fait normale dans la mesure du possible. Je pense que le plus grand changement, c’est ma philosophie de la vie. Je savoure davantage la vie et je vois toute sa beauté et sa fragilité depuis ma maladie. Je valorise les rencontres familiales, tous les petits bonheurs de la vie, des plaisirs simples partagés avec ceux que j’aime et principalement avec mon fils de 8 ans à qui je voudrais transmettre l’amour de la vie. Si je devais m’en aller demain, j’aimerais que mon fils garde un excellent souvenir de sa maman qui l’a aimé plus que tout et qui s’est battue jusqu’au bout.
Quel est aujourd’hui votre état de santé?
Malheureusement, les dernières nouvelles ne sont ni positives ni très encourageantes. Mais je veux croire en ma guérison. Je m’accroche donc à toute alternative qui s’offre à moi. Au dernier bilan, j’ai appris que les métastases aux os se sont propagées car les chimios n’ont pas agi comme on l’espérait. J’ai un cancer très agressif, donc il sera très dur de le combattre et de l’éliminer. Je m’accroche et je ferai tout pour gagner cette bataille et éliminer ce mal qui me ronge.
Comment se passe votre traitement ?
J’ai dû recommencer un nouveau protocole de chimio et cela va durer encore quatre mois. Je devrai ensuite refaire de la radiothérapie. Cela a été dur de recommencer tout à zéro mais je dois me battre, je n’ai pas d’autre choix ! Si je veux vivre et voir mon fils grandir, je ne dois pas abandonner, même si c’est très dur physiquement et moralement. Par contre, je suis déçue du système hospitalier à Maurice. Je vais à l’hôpital pour mes soins, mais le système a grandement besoin d’une réforme urgente. L’usine qu’est devenue le département de cancérologie n’aide pas du tout les malades.
Vous racontez votre combat sur votre profil «Facebook». Pourquoi ce besoin ?
Je pense qu’il est de mon devoir d’informer tous ceux qui me soutiennent moralement et dans leurs prières quotidiennes de l’évolution de ma maladie. Je pense à tous ceux, élèves, collègues, parents d’élèves et amis, qui se sont mobilisés en 2011 pour le mémorable concert LCC All for one - Stand up for cancer ainsi qu’à mes amis de longue date du Rodrigues College qui ont organisé le Compassion concert pour me venir en aide et qui m’ont surtout fait un bien fou moralement. Et puis j’avoue que, plus j’en parle, mieux je me sens.
Avez-vous un message en ce mois spécial ?
J’aimerais surtout dire à tous ceux atteints du cancer d’en parler à leurs proches, de ne pas s’enfermer dans la spirale infernale du silence car la guérison se trouve en grande partie dans le mental. J’aimerais aussi dire à tous ceux qui côtoient des cancéreux de leur prêter une oreille attentive, de les soutenir, de les accompagner et de ne pas avoir peur de leur parler de la maladie.
De plus, j’aimerais conseiller à toute jeune fille et femme de se faire dépister du cancer du sein le plus tôt possible car c’est une maladie dont on peut guérir si elle est détectée tôt. Que ce mois soit surtout un mois d’espoir pour les cancéreux. Je pense à toutes celles que j’ai rencontrées à l’hôpital et avec qui je nourris une amitié sincère, mais plus spécialement à mes deux jeunes amies, Giani et Mélanie, qui se battent contre le cancer comme moi et qui souffrent atrocement, mais qui malgré tout, gardent le sourire et l’espoir de guérir.