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MDTF : Des allégations et des répercussions

Ravi Yerrigadoo, Pravind Jugnauth et Roshi Badhain étaient  à une réunion nocturne le 16 février.

Deux ressortissants étrangers qui accusent trois ministres… Du coup, les questions sur la façon de fonctionner du gouvernement surgissent. 

Alerte mauvais temps. Selon un communiqué de la météo politique, des nuages sombres menaceraient les rayons de soleil de la région gouvernementale. Ce phénomène peu naturel – mais prévisible, selon certains observateurs – serait causé par un affidavit, juré par deux ressortissants étrangers, où l’on retrouve des averses d’allégations contre deux ministres, Pravind Jugnauth et Roshi Badhain, et l’Attorney General Ravi Yerrigadoo. Si ces dernières semaines, la bande à SAJ s’évertuait à «nettoyer» le pays, comme elle l’avait promis pendant la campagne électorale, cette affaire impliquant ces personnalités vient semer le doute dans la tête de nombreux Mauriciens. La gouvernement ne serait-il pas, finalement, celui du changement ? Même si les faits ne sont pas avérés, tout est parfois une question de perception.

 

Un vent froid souffle depuis le raz-de-marée provoqué par les propos de Thomas Axel Michel Galet et Simo Carevic, Deputy Chief Executive Officer du groupe Dufry AG et CEO de la Mauritius Duty Free Paradise (MDTF) respectivement. Des dénonciations faites dans un affidavit qu’ils ont juré un jour avant de quitter le territoire mauricien ont secoué l’île, cette semaine. Les dénonciations des deux hommes ont fait surface après celles du gouvernement Jugnauth sur les commissions que l’activiste travailliste Nandanee Soornack et son ancien partenaire en affaires Rakesh Gouljaury (désormais, proche du gouvernement en place) auraient reçues de la part de la compagnie suisse Dufry AG. Cette société est le fournisseur exclusif de la MDTF.

 

Dans ce document, il est question d’intimidation de la part des trois personnalités politiques pour bénéficier des mêmes avantages que le  tandem Soornack-Gouljaury en termes de commissions. Des allégations que réfute catégoriquement le ministre de la Bonne gouvernance, Roshi Badhain (voir hors-texte). L’affaire a été abordée à l’Assemblée nationale suite à une Private Notice Question de Paul Bérenger (voir texte plus loin), cette semaine. Sir Anerood Jugnauth a sorti le parapluie et a confirmé la tenue d’une rencontre nocturne entre Pravind Jugnauth, Ravi Yerrigadoo et Roshi Badhain et les deux ressortissants étrangers. Il a précisé que les trois membres de son gouvernement cherchaient ainsi à aider la police et qu’ils n’ont eu recours à aucune menace.

 

Faire preuve de prudence

 

Pour Jack Bizlall, les deux ministres et l’Attorney General seraient sortis du cadre de leurs fonctions ministérielles (si les allégations faites par les deux ressortissants étrangers s’avèrent justes, bien sûr) : «Il y a un problème quand l’exécutif se substitue à la police ou encore à l’Independent Commission Against Corruption.» Tenter d’obtenir des documents et des informations ne seraient donc pas du ressort des membres du Conseil des ministres, selon l’homme. Dan Maraye a, lui, une prise de position plus nuancée : «Je suis pour la justice. Je suis contre la corruption. Je suis pour la bonne gouvernance. Je suis en faveur de tout ce qui peut être fait dans cette optique. Néanmoins, les moyens doivent être légaux.»

 

Pour l’observateur politique, il faut faire preuve de plus de prudence quant aux déclarations de Thomas Axel Michel Galet et Simo Carevic : «Deux personnes ont juré un affidavit. Et elles ont quitté le pays. Normalement, elles doivent prouver leurs dires. Mais elles sont parties.  Ça soulève des questions.» Jack Bizlall, lui, estime qu’assister à cette réunion nocturne était déjà un faux pas de la part des membres du gouvernement. Une action capable de semer le doute dans l’esprit des Mauriciens sur l’honnêteté de ceux qui dirigent le pays. Cet observateur politique et militant anti-corruption dit connaître Roshi Badhain «de longue date» : «C’est pour cela que je me permets de dire qu’il a commis une grave erreur en ayant cette rencontre. Ce n’est pas son rôle de ministre. Il n’aurait pas dû se comporter comme un chasseur. Ses collègues et lui n’ont pas pris les précautions nécessaires.»

 

Il avance que l’affaire impliquant les trois ministres ne devrait pas occulter la première : «Les gens sont choqués par le vampirisme de l’ancien gouvernement. Ils réalisent que de grosses sommes d’argent ont été accaparées par Navin Ramgoolam et consorts.» Dan Maraye est du même avis : «Est-ce que nous ne sommes pas en train de nous éloigner du vrai sujet ? Celui de la corruption à l’intérieur de la MFPD ?» Pour lui, les Mauriciens attendent des réponses à des questions essentielles : qui sont les corrompus ? Qui sont les corrupteurs ? Combien de temps ce genre de pratique dure-t-il ? Qui sont ceux qui ont bénéficié de ces commissions ?

 

Rendre des comptes

 

Et une enquête approfondie devrait logiquement les fournir : «Nous passons tous par l’aéroport. Nous avons payé des produits plus chers. Ce n’est pas normal. Il faut rendre des comptes désormais.» Néanmoins, Jack Bizlall est d’avis que l’actuel gouvernement ne se démarque pas forcément de son prédécesseur. La promesse de changement n’était qu’un effet d’annonce. Une embellie éphémère. Et l’affaire impliquant les trois membres de l’Alliance Lepep arriverait comme une vilaine averse afin de laver toute impression de nouvelle vision.

 

Pour lui, le cycle ne s’est pas rompu. La gestion du pays est en mode, «on prend les mêmes idées et on recommence» : «Qu’est-ce qui occasionne les détournements et les pratiques douteuses ? Le fait que ceux au pouvoir s’entourent, dans des postes clés, des membres de leur famille, de leur amant, de leurs proches, de leurs amis. Et c’est ce qui est en train de se passer.» Si les Mauriciens ont vire mam, selon la célèbre formule, la façon de faire de la politique et de réagir face au pouvoir n’a pas évolué, estime-t-il. Roshni Mooneeram, leader de Ensam, a la même lecture de la situation : «Après l’euphorie initiale des élections, nous voilà dans une situation où nous avons tous les jours de nouvelles raisons qui nous font perdre confiance en nos politiciens.»

 

En «moins de 100 jours», estime-t-elle, la bande à SAJ a déjà «démontré ses vraies couleurs.» Une impression partagée par Jack Bizlall : «Les gens le réalisent. La perception que le changement n’est pas là est bien présente. Entre la vraie différence et la vengeance, il y a un énorme fossé.» D’ailleurs, Jack Bizlall dénonce la participation de Rakesh Gooljaury aux récents événements sur la scène politique : «Le gouvernement Jugnauth a fait la monumentale erreur de s’associer à lui. Il sait tout. Il est la clé de cette histoire. L’enquête policière aurait dû le concerner lui, en premier lieu.»

 

Mais Jack Bizlall dit analyser, sans problème, le but de cette association «malheureuse». L’affaire de mœurs de Roches-Noires et celle des millions retrouvées chez Navin Ramgoolam ne serviraient qu’à un objectif. Le clan Jugnauth aurait une mission, celle «d’en finir» avec Navin Ramgoolam : «Le MSM n’est pas un parti populaire. Il est arrivé au pouvoir grâce aux erreurs de Navin Ramgoolam et de Paul Bérenger. Sir Anerood Jugnauth sait que son avenir se trouve avec le MMM. Il n’a pas forcément confiance en le PMSD ou le ML.» Sur la route du pouvoir, il vaut mieux donc circonscrire l’ennemi dès que possible.

 

Alors le mauvais temps, estime-t-il, devrait perdurer…

 

L’affidavit remis en question

 

Des allégations et rien que des allégations. C’est ce qu’affirme Roshi Badhain. Pour lui, l’affidavit juré par les deux ressortissants étrangers doit être pris avec des pincettes : «Le contenu d’un affidavit ne doit pas être pris pour parole d’Évangile. Pourquoi avoir choisi cette voie ? Pourquoi ne pas avoir porté plainte à la police ? (…) Nous avons un mandat clair. Ce genre de manœuvres ne nous arrêtera pas. Nous rendrons publics d’autres dossiers concernant cette affaire (…) Je n’ai rien à cacher. On est en train de faire notre travail en toute transparence pour avoir des documents afin de prouver ce
que Mme Soornack a reçu comme commissions : Rs 100 millions au détriment des contribuables. Et maintenant, nous devenons les accusés.»

 

De Dufry à Frydu…

 

Dufry AG : basée en Suisse, cette entreprise est le fournisseur exclusif de la Mauritius Duty Free Paradise (MDFP). Airports of Mauritius Limited étudie actuellement son contrat. Rumeurs autour des commissions distribuées obligent !

 

Frydu : ce serait une compagnie, basée en Suisse, dont les actionnaires principaux seraient Nandanee Soornack et Rakesh Gouljaury. C’est à travers elle que le tandem aurait touché des commissions sur le chiffre d’affaire de Dufry et sur le contrat de gestion de la MDFP. Roshi Bhadain a annoncé que la femme d’affaires aurait transféré une partie de ses actions chez Frydu à la compagnie Wigam Holdings Ltd, basée à Chypre. Rakesh Gooljaury ne toucherait plus de commissions depuis plusieurs mois.

 

 

Pour mieux comprendre…

 

Des révélations qui font l’effet d’une bombe. Nandanee Soornack aurait touché des commissions dans le cadre de deux contrats signés entre la Mauritius Duty Free Paradise et la société suisse Dufry AG. C’est le ministre de la Bonne gouvernance, Roshi Badhain, qui l’a annoncé lors d’un point de presse, cette semaine. Néanmoins, l’affaire a vite pris une autre tournure, avec l’apparition d’un affidavit que deux ressortissants étrangers ont juré avant de quitter le pays, et qui fait état d’événements troublants qui auraient eu lieu le 16 février. 

 

■Qui cette affaire implique ? Trois personnalités du gouvernement Jugnauth. Le ministre de la Technologie, Pravind Jugnauth, et celui de la Bonne gouvernance, Roshi Bhadain. Ainsi que l’Attorney General, Ravi Yerrigadoo.

 

■Ce qui leur est reproché ? Une présumée entente avec Rakesh Gouljaury, l’ancien ami de Navin Ramgoolam, afin de faire tomber ce dernier. Comment ? En demandant à deux ressortissants étrangers, Thomas Axel Michel Galet et Simo Carevic, de fournir des preuves concernant les commissions que Nandanee Soornack et Rakesh Gooljaury auraient reçues. Ces deux hommes, dont les noms ne vous disent certainement rien, sont respectivement Deputy Chief Executive Officer du groupe Dufry AG (fournisseur exclusif de la Mauritius Duty Free Paradise) et Chief Executive Officer de la Mauritius Duty Free Paradise. Ils ont raconté ce qui s’est déroulé dans un affidavit juré en Cour suprême le 26 février 2015.

 

■Ce que ces deux hommes racontent dans cet affidavit ? Lors du dîner : Rakesh Gouljaury les aurait invités dans un hôtel de Balaclava pour un dîner. Au cours du repas, il aurait proposé que les deux étrangers rencontrent Pravind Jugnauth, en précisant que le nouveau gouvernement serait «even more flexible» s’il est mis en présence du même «deal» qui aurait été offert à l’ancien régime.

 

■L’après-dîner : Après avoir quitté l’hôtel, les trois hommes se seraient dirigés vers Quatre-Bornes. Destination : l’appartement de Ravi Yerrigadoo à Kensington Palms afin de rencontrer celui-ci, Pravind Jugnauth et Roshi Bhadain. Là, le ministre de la Bonne gouvernance aurait questionné Thomas Galet sur Dufry et sur la possibilité que des partenaires et/ou actionnaires de la compagnie aient été impliqués dans des transactions suspectes. Il aurait également déclaré que la compagnie Dufry aurait versé des pots de vin à Navin Ramgoolam à travers Frydu, une entreprise dont les actionnaires principaux seraient Nandanee Soornack et Rakesh Gouljaury. Les deux étrangers nient que ce soit le cas.

 

■Tout ça pour quoi ? Selon les deux étrangers, on les aurait menacés de faire éclater cette affaire au grand jour, de résilier les contrats de Dufry et de les empêcher de quitter le territoire mauricien, s’ils ne collaborent pas. Ils doivent remettre des documents incriminant Navin Ramgoolam «and his mistress» et sont poussés à contacter leur top management pour les obtenir le soir même. Mais aucun document n’est fourni, car il n’en existe pas, précisent les deux étrangers. Rakesh Gooljaury leur aurait dit qu’il est nécessaire de proposer le même deal que l’ancien gouvernement au nouveau gouvernement. Dufry AG aurait alors remporté un contrat de dix ans comme fournisseur de la boutique duty free de l’aéroport.

 

■Quelle est la version de sir Anerood Jugnauth ? Suite à une Private Notice Question de Paul Bérenger, le chef du gouvernement a précisé qu’une rencontre avait bien eu lieu au domicile de Ravi Yerrigadoo entre les protagonistes de cette affaire. Néanmoins, le but unique était d’obtenir des informations et des documents – afin d’aider la police – prouvant que des commissions sur les ventes de la Mauritius Duty Free Paradise auraient été reversées à Nandanee Soornack à travers l’entreprise suisse Frydu. Suite à la soirée, Simo Carevic et Thomas Galet font l’objet d’une objection to departure. C’est ce qui aurait poussé les dirigeants de Dufry AG à remettre des documents au gouvernement mauricien, a précisé le Premier ministre. C’est à ce moment-là que les autorités mauriciennes auraient obtenu des informations concernant les commissions reversées à Frydu. D’autre part, le vendredi 6 mars, Me Rama Valayden a déposé au CCID une copie de l’affidavit juré par les deux étrangers, car le Premier ministre avait déclaré à l’Assemblée nationale ne pas être en possession de ce document.