Jane Ragoo trouve que les Rs 300 de compensation sont insuffisantes.
Clency Appavoo soutient que certaines entreprises auront du mal à faire face à cette augmentation des salaires.
Comme d’habitude, le quantum de la compensation salariale ne satisfait ni les syndicalistes ni le patronat…
Personne n’est content. «Une compensation dérisoire», scandent les syndicalistes. «Un fardeau trop lourd», estime le patronat. Le montant de la compensation salariale, rendu public, ce jeudi 13 septembre, par le ministre des Finances Xavier-Luc Duval et avalisé pas le Conseil des ministres, le vendredi 14 septembre, ne convient pas ! Trop important ou insuffisant. Après tout, ça dépend dans quelle perspective on voit les choses. Seul le grand argentier semble satisfait de ce quantum, estimant que le gouvernement a fait de son mieux en prenant en compte la situation économique difficile.
Les salariés du privé touchant moins de Rs 7 000 recevront une compensation de Rs 300 alors que ceux payés Rs 7 000 à Rs 8 000 obtiendront une majoration de 4,3% de leur salaire. Les employés touchant plus de Rs 8 000 obtiendront Rs 345. Un coup dur pour les employeurs, estime Clency Apavou, président de la Mauritius Employers Federation, qui regrette que les paramètres de calcul (la productivité, le chômage et la croissance) proposés par sa fédération n’aient pas été pris en considération : «Chaque année, c’est le taux d’inflation qui détermine tout.»
Désormais, il se demande comment feront les employeurs pour faire face à cette majoration des salaires «au-delà des attentes» : «Pour le secteur privé, c’est un fardeau de plus de Rs 2 milliards. Nous sommes en période de crise. La situation va s’aggraver. Il y a quatre secteurs clé – la construction, l’hôtellerie, le textile et le retail – qui seront en difficulté et qui vont avoir du mal à faire face à cette augmentation des salaires.»
Le représentant des patrons espère que le paiement de la compensation salariale ne provoquera pas la fermeture des PME et des licenciements : «Nous faisons un appel pour que le gouvernement apporte les mesures appropriées pour inciter l’investissement et permettre au secteur privé, de créer de la richesse et de l’emploi.» Shakeel Mohamed, ministre du Travail, a tenu, de son côté, à rassurer le patronat sur ce point : «Outre cette augmentation, le gouvernement viendra de l’avant avec une série de mesures dans le budget pour améliorer la productivité et répondre à d’autres aspirations.»
Du côté des syndicats, c’est, bien sûr, un tout autre discours qui est tenu. Si, dans la majorité, ils saluent la décision des autorités de rehausser le seuil du salaire minimum à Rs 8 000, ils estiment que ces fameuses Rs 300 (et quelques roupies) sont «insuffisantes» ! Jane Ragoo présidente de la Confédération des travailleurs du secteur privé, (CTSP) estime que «très vite, ces Rs 300 vont être absorbées» : «La perte du pouvoir d’achat est beaucoup plus importante. Selon nos calculs, le panier ménager a connu une hausse de Rs 900 de janvier à août 2012.»
La crise économique, les syndicalistes ne l’occultent pas. Mais ils sont encore plus conscients que le quotidien des Mauriciens, salariés du privé, est de plus en plus difficile. «Nous comprenons que le pays fait toujours face aux vagues de la crise qui ébranle l’Europe», concède Dewan Khedoo, du conseil des syndicats. Néanmoins, il estime que les employés font de nombreux efforts pour que les entreprises «traversent cette zone de turbulences» : «On leur doit beaucoup. Et une compensation adéquate salariale aurait été un juste retour.» C’est pour cela que le syndicaliste envisage «une éventuelle protestation de masse».
Ashok Subron, de la CSG-Solidarité, déplore, lui, un appauvrissement des travailleurs que cette compensation ne vient en aucune manière atténuer, bien au contraire : «En six ans, les salariés ont perdu plus de 20 % de leur pouvoir d’achat. Entre 2006 et 2012, un travailleur du secteur privé qui touchait Rs 6 500 en 2005 a perdu 21 % de son pouvoir d’achat soit Rs 1 369. Maintenant, après la compensation de Xavier-Luc Duval, ce même salarié perd 22 % de son pouvoir d’achat, soit Rs 1 446.»
Des arguments de poids, selon les syndicalistes. Le patronat estime, lui aussi, avoir avancé des points importants. Les deux camps sont pour une fois, d’accord sur un point : le quantum de la compensation salariale ne convient pas !