Et… dans trois mois, quand la fièvre de décembre se sera emparée des Mauriciens, quand une actualité encore plus croustillante aura fait les gros titres, quand d’autres histoires criminelles auront noirci nos colonnes de faits divers, que nous restera-t-il de l’affaire Gro Derek ? Des révélations fracassantes sans suite ? Quelques suspects en prison dans l’attente de leur procès ? Le souvenir de l’anecdotique ‘reine de Plaine-Verte’ se comparant à Lady Diana ? Oui, mais
encore ? Quelles décisions auront été prises pour revoir le système ? Car c’est surtout de ça qu’il s’agit. Au-delà des arrestations qui ont eu lieu grâce aux limiers de l’ADSU, quels enseignements tirons-nous des aveux de ceux arrêtés? Que le système dans lequel nous évoluons permet le blanchiment d’argent de la drogue.
Ce sont les suspects eux-mêmes qui ont avoué qu’ils n’en étaient pas à leur premier coup. Faut croire que leur procédé était, somme toute, bien rodé pour qu’ils aient pu penser qu’ils allaient une fois de plus pouvoir blanchir Rs180 millions. Vous vous rendez compte ? Rs180 millions ! Questions : comment ont-ils pu dans le passé, sans éveiller des soupçons, faire circuler leur big money ? D’ailleurs, où est passé l’argent ? L’on apprend aujourd’hui que le suspect Gro Derek, dont la maison de plusieurs étages et équipée de caméras de surveillance fait jaser, serait aussi propriétaire de voitures de luxe, achetées, semble-t-il, par ses amis. Tout ça sans être inquiété ? Est-il si facile de faire l’acquisition de grosses cylindrées, comme ça, d’un coup, sans justificatifs de revenus ? Alors que les honnêtes gens, eux, doivent justifier les moindres transferts à la banque, ou leurs achats de biens immobiliers auprès de la MRA. De son côté, l’imam Moossa Beeharry, lui-même, a révélé qu’il touchait des centaines de milliers de roupies pour ses voyages et qu’il en avait déjà fait plusieurs dans les pays d’Afrique. En quittant le pays ou en revenant, est-ce que personne aux services de l’immigration de Plaisance, n’a été attiré par ses allers retours ? Et comment expliquer que, par un étrange hasard, l’on retrouve le même Jimmy Colosso qui avait fait parler de lui récemment dans le sillage de l’enquête de M6 dans justement une affaire de drogue ?
Pire, le religieux affirme qu’il travaillait pour un trafiquant qui exerce depuis la prison. Donc, voilà un détenu, incarcéré pour trafic de drogue et qui continue, sans tracas, son business en passant ses commandes, en rencontrant ses contacts et en continuant à avoir accès à de fortes sommes d’argent au point de pouvoir organiser les voyages de l’imam et faire en sorte qu’il ait 12 000 euros ici, 10 000 euros là. Il y a ceux pour qui la vie est belle en prison. Ceux-là ont compris depuis longtemps que tant que le système sera maintenu et tant qu’il n’y aura pas une vraie collaboration entre les différentes institutions du pays : MRA, ICAC, ADSU, services de l’immigration, services portuaires, entre autres, ils n’auront aucune raison de s’en inquiéter.
À l’heure où il est question de certaines ramifications politiques dans l’affaire Gro Derek, les leaders des partis ont un devoir moral de favoriser la transparence sur la provenance de leurs sources de financement. Se pourrait-il, comme certains veulent le faire accroire, que l’argent de la drogue ait profité à des campagnes électorales ? Est-ce que les politiciens accepteront de l’argent provenant de la souffrance des victimes de la drogue ? Avec le retour du Premier ministre au pays, l’on s’attend à un engagement ferme de sa part sur ce dossier où le pouvoir de l’argent menace sérieusement la démocratie…