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Révocation de la licence dela Bramer Bank

Depuis hier après-midi, les clients de la Bramer Bank peuvent faire des retraits avec leur carte de débit aux guichets automatiques.

Leur vie a basculé. Le temps d’une journée. Avant que le gouvernement ne trouve les bonnes solutions. Ne plus avoir accès à son argent : un traumatisme qu’ils ont vécu.

Elle s’est assise. Et elle a pleuré. Des larmes, qui n’avaient rien à voir avec la joie ou la tristesse, ont inondé son visage. Elle a craqué devant son fils de 3 ans. Elle s’est laissée aller. Sans aucune retenue. Elle en avait besoin. Pour laver ces longues heures de tension, cette difficile journée où avoir de l’espoir était une question de survie. Chalini, cliente de la Bramer Bank, scotchée à sa radio, a écouté le ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo, lui assurer qu’elle pourrait avoir accès à son argent (et que la totalité de ses économies était en sécurité). Et le brouillard s’est dissipé. Un peu. Le nuage de panique qui assombrissait sa vie n’a pas totalement disparu :«J’ai peur. Ça nous a pris par surprise.»

 

Son salaire, ses économies, ses projets d’avenir, sa vie était, en quelque sorte, prisonnière de l’institution bancaire. Depuis que la licence de la Bramer Bank, filiale du groupe BAI, a été révoquée par la Banque de Maurice aux petites heures du matin, le vendredi 3 avril. Deux curateurs ont été nommés afin que la situation n’empire pas : André Bonieux et Mushtaq Oosman de PricewaterhouseCoopers.

 

Ces deux hommes sont également les «conservators» des biens et autres actifs de la BAI Co. (Mtius) Ltd, le pôle assurance du groupe BA Investment qui existe depuis 1969. Une décision prise par la Financial Services Commission (FSC) qui estime qu’il existe des «systemic risks» suite à la révocation de la licence. La Bramer Bank est passée sous le contrôle de la State Bank of Mauritius (SBM) – afin de sécuriser les avoirs des clients – suite à une Conditional Offer du gouvernement. Le rachat de la Bramer Bank par cette institution est au cœur des discussions entre la SBM Holdings Ltd et la SBM Bank.

 

Les différentes succursales de la Bramer Bank ne rouvriront leurs portes que demain, lundi 6 avril. Pour l’instant, les 4 000 employés, inquiets de leur futur, sont en chômage technique. Si le ministre des Finances a assuré que tous les employés – sauf ceux qui ont des postes d’Executive – garderont leur emploi, il est difficile de ne pas se faire du mauvais sang. D’ailleurs, deux employés de la BAI auraient fait un malaise cardiaque en apprenant que leur filiale était en danger, a-t-on appris. Ils sont actuellement hospitalisés.

 

Shabeer, caissier, se pose un million de questions. Il n’a rien vu venir. Son emploi et son argent ont été menacés d’un coup. Un traumatisme multiple. Comme une série de coups de poing qui l’a mis K.-O. : «Je dois faire quoi ? Faut-il aller chercher ailleurs ? Notre management nous a rassurés. Le ministre aussi. Mais est-ce qu’on peut y croire ? En plus, mon argent s’y trouve aussi.» Il ne veut pas prendre de décision hâtive. Il veut attendre et espérer le meilleur. Comme tous les épargnants qui ont confié leurs économies à cette institution bancaire, comme les travailleurs ou les pensionnaires dont le salaire y est versé.

 

Certains ont manifesté devant les locaux de la Bramer Bank et les bureaux du ministère des Finances quelques heures après l’annonce de la révocation de la licence de cet établissement financier. Des «rann nou nou kas» hurlés avec rage. Des esprits qui s’échauffent. De la douleur, de la peur. Des histoires partagées sur un bout d’asphalte : des économies de toute une vie pour construire une maison, de l’argent pour un fils qui étudie à l’étranger, quelques billets pour passer le week-end et pour «faire Pâques». La même envie, la même préoccupation. Que l’argent soit disponible au plus vite. La même interrogation : comment s’en sortir jusque-là ?

 

Drame

 

Comment aller au supermarché ? Comment payer son employé de maison ? Comment rembourser ses dettes ? Comment payer pour les médicaments ? Des actions quotidiennes, simples à faire. Mais qui ne l’étaient plus, le temps d’une journée. Un drame humain. Des vies complètement chamboulées en l’espace de quelques heures. Comme celle de Chalini. Avant que le ministre des Finances annonce que les retraits aux guichets de la Bramer Bank seraient possibles à partir de samedi après-midi, elle ne voyait pas la lumière au bout du tunnel.

 

Contrainte de demander une aide financière à ses parents, elle était au bord de la crise de nerfs. Pourtant, cette jeune mère de famille gagne bien sa vie. Son mari aussi. Sa petite famille est à l’abri du besoin. Normalement, elle a une vie confortable. Mais là, brusquement, les choses ont
changé : «Comment je vais faire vivre mon fils ? C’est l’horreur. Ma vie s’écroule. Pourtant, c’était une banque. N’y avait-il pas de moyens de prévenir ça ?» se demandait-elle. Désormais, elle n’a qu’une hâte : faire des retraits rapides de tout son argent. Impossible, malgré l’assurance du ministre des Finances, qu’elle fasse confiance à cette banque plus longtemps : «Pour faire des cauchemars et me demander tous les jours si je vais tout perdre ? Pas question ! C’était l’enfer, je ne veux pas revivre ça.»

 

Yash Ramchurn, lui, hésite encore. La SBM est une institution solide et les assurances du gouvernement pourraient le convaincre. Néanmoins, il doit y réfléchir encore un peu, confie-t-il : «Ce n’est pas normal ce qui se passe. Je crois que le gouvernement a tout planifié. Et qu’il y aura d’autres problèmes avec cette banque. Même si le service était top, qu’il y avait des avantages certains, il me faut un temps de réflexion.»

 

Son compte à la Bramer Bank lui sert principalement pour ses dépenses courantes. Il a de l’argent dans une autre banque : «Je suis un jeune entrepreneur, je ne viens pas d’une famille riche. J’ai trimé pour avoir cet argent-là.» Ce qui l’inquiétait (et l’inquiète toujours) : que ses chèques soient désormais considérés comme des chèques en bois et qu’il se retrouve avec un police case. Sa colère est palpable. Il se moque des raisons politico-financières de ces récentes décisions : «Aucune raison n’est assez forte pour bloquer une banque et pour pénaliser toutes les personnes qui y ont des comptes. Nous n’avons pas de coffre pour garder notre argent, nous.»

 

Que les gens disent qu’il s’agit d’une vendetta politique, cela ne l’intéresse pas. Que l’incapacité d’une banque à payer ses clients puisse ébranler tout le système financier d’un pays, cela ne l’interpelle que très peu. Il pense surtout à ces clients de la Bramer Bank qui, comme lui, se retrouvent dans l’impasse. Il espère que la récupération de la totalité de son argent ne se transformera pas en une route longue et tortueuse.

 

Rishi Sookdawoor, CEO de BAI Co. (Mtius) : «Nous collaborons pleinement avec les autorités»

 

Ils ne communiquent que très peu. Les dirigeants de la BAI et de la Bramer Bank estiment qu’il est trop tôt pour se lancer dans un exercice de communication. Les informations évoluent trop vite. Néanmoins, Rishi Sookdawoor, Chief Executive Officer (CEO) de BAI Co. (Mtius) nous a fait la déclaration suivante : «La BAI a toujours eu l’intérêt de ses assurés et de ses employés à cœur. Même s’il s’agit d’un moment difficile pour beaucoup de personnes, nous continuons à œuvrer dans ce sens. C’est pour cela que nous collaborons pleinement avec les autorités.»

 

Polices d’assurances  Une nouvelle entité créée

 

«Les 135 283 polices d’assurances de BA Insurance seront garanties totalement par le gouvernement.» C’est ce qu’a déclaré le ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo lors d’un point de presse hier, samedi 4 avril. Un engagement pris pour rassurer ceux qui ont contracté des polices d’assurance à la BAI. Il a été aussi question que les employés du pôle assurance ne perdent par leur emploi. Ils devront reprendre le travail demain, lundi 6 avril. Roshi Badhain, ministre des Services financiers, de la bonne gouvernance et des réformes institutionnelles, a, lui, fait part de la création d’une nouvelle entité qui sera appelée à gérer les 135 283 polices d’assurances.

 

Pour que cela soit possible, plusieurs procédures doivent être enclenchées. Le processus débutera au courant de cette semaine. De plus, le ministre a dit son insatisfaction concernant le rôle du régulateur, la Financial Services Commission, dans toute cette affaire. Il a estimé qu’elle n’a pas su détecter le problème : «Les Ponzi Schemes ont un système très complexe qui font perdre de la transparence. Le chien de garde s’est emmêlé dans cette structure au lieu de suivre le money flow.»

 

Juanita a investi dans un plan éducation pour son fils. Malgré les assurances du gouvernement, elle s’inquiète : «Comment avoir confiance, maintenant ? Je ne suis pas dans la même situation que les clients de la Bramer. Mais j’ai quand même contribué environ Rs 30 000. Et si c’était de l’argent perdu au final ?» Elle envisage l’idée de se retirer de ce plan d’assurance, même si Vishnu Lutchmeenaraidoo a précisé que les premium seront payés si une assurance est arrivée à maturité. Le ministre des Finances a également rappelé qu’un contrat d’assurance ne peut être rompu aussi facilement qu’un compte en banque peut être vidé.

 

SAJ : «C’est un scandale financier sans précédent»

 

Face à l’ampleur de la contestation, le chef du gouvernement a organisé un point de presse express le vendredi 3 avril. Pour sir Anerood Jugnauth, la Banque de Maurice a des «preuves» que la Bramer Bank a agi «au détriment de l’intérêt de ses clients». Il a affirmé que son gouvernement irait «au fond» de ce «méga scandale» : «C’est un scandale financier sans précédent. Il y a eu un projet prémédité pour arnaquer les gens (…) Une full investigation est en cours.» Il a également parlé de Ponzi Scheme : «On est en présence d’un Ponzi Scheme très vaste, qui dépasse Rs 25 milliards. 23 000 personnes sont rentrées dans le piège et 160 000 policy holders sont concernés.»

 

Pour sauvegarder les intérêts de ces personnes, il a fallu prendre des décisions rapides afin d’éviter le «crash» de la Bramer Bank et de la BAI Insurance, a expliqué sir Anerood Jugnauth. Le chef du gouvernement a tenu à rassurer les Mauriciens : «Notre système financier reste solide (…) Nu pu sey fer tou nou posib pou defann lintere bann dimunn ki konserne.»

 

Quelques heures plus tard, le chef du gouvernement revient sur le sujet. Lors de la célébration de son anniversaire à l’hôtel Le Méridien, SAJ lance une phrase qui laisse planer le doute : «Certains ont mis des millions à la BAI et, pour ceux-là, je ne sais pas comment les sauver, l’argent a déjà quitté le pays.» Il déclare également qu’il agit dans l’intérêt national et qu’il s’engage à ce que les responsables répondent de leurs actes.

 

Lutchmeenaraidoo désamorce la bombe

 

La question était sur toutes les lèvres : comment le nouveau gouvernement s’y prendrait-il pour gérer la situation ? Ce vendredi 3 avril, Vishnu Lutchmeenaraidoo donne des éléments de réponse après une journée sous tension. Les mouvements de colère qui ont secoué la capitale ont fait réagir le gouvernement. Les réunions de crise se sont enchaînées dans la war room, spécialement aménagée pour gérer cette situation exceptionnelle. Les retraits sont autorisés, les clients de la Bramer Bank doivent être rassurés : leur argent est sauf. Les employés de la banque aussi peuvent pousser un «ouf» de soulagement. Ils peuvent reprendre le travail normalement demain, lundi 6 avril. Le ministre des Finances reprend les termes de sir Anerood Jugnauth. Il parle de Ponzi Scheme, de Madoff à la mauricienne, de Rs 22 milliards «ramassés» par la BAI à travers la One Time Endowment Policy, de «relations incestueuses» entre Navin Ramgoolam et Dawood Rawat, et annonce que la SBM prend le contrôle de la Bramer Bank. Il tient à rassurer les clients de cette banque : «Il est inutile que vous retiriez votre argent de cette banque. Ou kas pa an danze. Parole donnée, parole sacrée.»

 

Mail, Facebook et propos rassurants

 

Tout a commencé par la publication sur Facebook d’un courrier interne de la Bramer Bank. Ce document mentionnait que les retraits prématurés des dépôts fixes étaient interdits. Et il a fait le tour du célèbre réseau social, provoquant de nombreuses réactions. Deux jours plus tard (le 1er avril), la banque émet un communiqué pour rassurer ses clients et pour annoncer que des plaintes ont été déposées contre ceux qui ont proféré «certains propos malicieux et diffamatoires».

 

Des posts officiels, venant de l’équipe de communication de la Bramer Bank, sur Facebook, seront multipliés afin de rassurer les clients de l’institution.

 

Pour y voir plus clair 

 

■ Ce qui est reproché à la Bramer Banking Corporation Ltd. Suite à une on-site examination que la Banque de Maurice a effectuée entre le 22 janvier et le 20 février 2015, elle a découvert un nombre de «deficiencies (going back to 2012)», peut-on lire dans un communiqué émanant de cette institution. Des retraits massifs de dépôts ont mis en difficulté cette banque qui est «seriously impaired».

 

C’est en ces termes que le ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo, a résumé la situation lors d’un point de presse : «La BoM a demandé à la Bramer Bank d’augmenter son capital parce qu’elle n’avait pas assez de liquidité. Elle avait jusqu’au 31 mars pour transférer les Rs 350 millions, mais elle ne l’a pas fait.» La situation était donc «sérieuse», a estimé le Grand Argentier : «Il y avait un risque réel que la Bramer Bank connaisse une crise de liquidité et qu’elle «collapse». Ce qui allait entraîner l’effondrement de la BAI. C’est un effet ‘‘domino’’ qui allait se produire.»

 

Ces importants transferts. Ils auraient fragilisé la Bramer Bank. Et il semblerait que, parmi les transferts importants, il y ait ceux de Nandanee Soornack (dont le compte aurait été gelé). Mais aussi ceux du nouveau gouvernement. La décision d’effectuer un retrait de plus de Rs 1,5 milliard appartenant à la Sécurité sociale n’aurait pas aidé le problème de liquidité de cette banque. Sur ce point-là, Vishnu Lutchmeenaraidoo a apporté la précision suivante : «La Bramer Bank a voulu faire croire que le gouvernement a effectué de gros retraits et c’est cela qui est à l’origine de ses problèmes de liquidité. Les institutions gouvernementales ont Rs 2,3 milliards à la Bramer Bank, dont Rs 800 millions pour la State Insurance Company Ltd.»

 

Une enquête en cours. L’enquête dont se charge le CCID concernant les soupçons de money laundering sera longue, apprend-on. Les protagonistes de cette affaire devront être interrogés dans les prochains jours. Dawood Rawat, qui serait en Europe, pourrait faire l’objet d’un Red Notice d’Interpol. Adeela Rawat serait la première personne à être interrogée. Plusieurs Notices of Arrest on Departure ont été logées contre les proches de Dawood Rawat.

 

Vous avez des questions et des réclamations ? Un desk spécial a été mis en place pour recevoir les plaintes des clients et pour répondre aux questions des clients de la Bramer Bank et de BAI Insurance à la Banque de Maurice. Mais attention, les files d’attente sont longues.

 

Effet domino. Quel sera l’impact de ces chamboulements sur les autres filiales de la BAI et sur les sociétés où ce groupe est l’actionnaire majoritaire (Iframac, Apollo Bramwell, Courts, entre autres) ? Tout dépendrait de leur cash flow et de leur capacité à exister sans le soutien de la Bramer Bank. Les deux curateurs nommés devront faire une analyse de la situation avant de se prononcer.

 

Une question de retrait. Tous les détenteurs d’une debit card de la Bramer Bank peuvent effectuer des retraits à travers les différents ATM de cet établissement bancaire depuis hier après-midi. Même si cette décision rassure de nombreux clients, elle soulève d’autres questions et provoque des discussions sur les groupes Facebook regroupant les victimes de cette banque. «Mais le ministre oublie que beaucoup de personnes ne se servent pas de carte ATM, comme les personnes âgées», peut-on y lire.

 

Paul Bérenger : en mode surveillance

 

Il estime que la situation, provoquée par ce «tremblement de terre financier», n’a pas été bien gérée. Le leader du MMM s’est exprimé sur le sujet hier, samedi 4 avril, lors d’un point de presse : «Selon moi, la situation a été très mal “handled”.» Pour Paul Bérenger, les mesures prises par le gouvernement sont arrivées trop tard. Elles auraient dû être partagées en même temps que l’annonce de la révocation de la licence de la Bramer Bank, afin que les choses se passent dans le calme. Désormais, le leader de l’opposition estime que le MMM a un rôle important à jouer : «Le MMM veillera à ce que les promesses faites par Lutchmeenaraidoo hier se réalisent.»