C’est Mgr Maurice Piat qui a présidé la cérémonie d’hier. En arrière-plan : le leader de l’opposition, Paul Bérenger.
Le père Labour accueillant le Premier ministre
Navin Ramgoolam.
Comme chaque 25 août, le diocèse de Port-Louis a célébré le saint patron de la ville de Port-Louis hier. Et cette année, lors de la traditionnelle messe en la cathédrale, c’est le lien entre la religion et la politique qui a été au cœur de l’homélie du père Jean-Claude Véder.
Un mot : laïcité. Le principe de séparation dans l’État, de la société civile et de la société religieuse. Un mot qui a été plusieurs fois cité, lors de la messe de la Saint-Louis célébrée hier. Un terme qui a récemment été porté au Parlement par la députée Nita Deerpalsing. Un mot qui a de tout temps suscité de nombreuses interrogations : les religieux doivent-ils intervenir sur des sujets qui touchent au domaine public ? Quel est le rôle que doivent jouer les religions par rapport à la chose publique ? La religion doit-elle forcément être relayée au placard des sacristies ?
C’est autour de ce mot, devant une assistance qui se composait de plusieurs personnalités politiques, notamment le Premier ministre Navin Ramgoolam et le leader de l’opposition Paul Bérenger, entre autres, que le père Jean-Claude Véder a axé son homélie lors de cette célébration dédiée au saint patron du diocèse et de la ville de Port-Louis.
«Alors que nous célébrons notre histoire liée à un passé très différent de celui d’aujourd’hui, de quelle société nous voulons ? Une société laïque oui ! Mais de quelle laïcité s’agit-il ? Notre pays n’est-il pas mûr pour aborder avec l’apport de la raison ces questions vitales pour une démocratie pluraliste ? Saurons-nous différencier les religions qui veulent travailler pour une société moderne et laïque et les groupuscules sectaires qui se trouvent dans toutes les religions et veulent utiliser les politiciens pour un quelconque gain ?», a déclaré, hier, le père Véder lors de la cérémonie religieuse.
Selon lui, les récents débats autour du projet de loi sur l’avortement ont permis de se poser certaines questions, notamment celle portant sur la place des religions au cœur de notre société. «Les religieux doivent-ils prêcher uniquement pour leurs adeptes ? Même si le mot laïc n’est pas inscrit dans notre Constitution, la République mauricienne repose sur des valeurs de la laïcité : liberté de religion, libre exercice des cultes et neutralité de l’État par rapport aux religions», a fait ressortir Jean-Claude Véder dans son homélie.
Parlant de la «pertinence du discours de l’Église catholique dans les débats de notre société», le prêtre a souligné que la «laïcité est une valeur autant pour la société qu’un principe fondamental conforme à l’esprit de l’Évangile» : «Dans le débat démocratique, ce sera, pour les chrétiens, de défendre la dignité de chaque personne et donc le droit de chacun d’user pleinement de sa conscience éclairée. La cause de Dieu et la cause des humains sont intimement liées. Ces deux causes sont indissociables. En raison même du caractère unique de l’incarnation de Dieu dans le monde. Toute personne intéresse Dieu. Tout combat pour la dignité humaine est constitutif de la foi chrétienne.» Citant le défunt Jean-Paul II et l’actuel pape Benoît XVI, le père Véder a souligné le fait que la laïcité n’est pas forcément en opposition à la religion : «L’Église ne sort pas de sa responsabilité quand elle interpelle les pouvoirs publics lorsque l’être humain ou les droits de la personne humaine et son aspect transcendant ne sont pas respectés. Le combat de l’Église se situe sur le versant du combat humain. Les récents débats autour de la légalisation de l’avortement se situent dans cette perspective. L’Église continuera toujours à défendre la dignité de la vie humaine dès le moment de sa conception jusqu’à la fin de cette vie.»
C’est sur un souhait que le prêtre a conclu son homélie : «Nos hommes et femmes politiques auront-ils le courage et la liberté de conscience pour séparer le politique du religieux ? L’enjeu est de taille. Il mérite qu’on puisse en parler dans toutes les religions de manière dépassionnée et de l’aborder chez nos parlementaires et avec les hommes et les femmes politiques. Je propose que cette question fondamentale de la laïcité puisse être abordée de manière sereine et sérieuse par tous les groupes et personnes qui veulent aujourd’hui d’une mauricianité basée sur le respect de la dignité humaine. Ouvrons le débat pour un meilleur vivre ensemble, dans notre société mauricienne. J’ai exposé ici le point de vue de l’Église. Que d’autres hommes et femmes de bonne volonté puissent à leur tour exprimer leur conception de la laïcité.» Un mot qui n’a pas cessé de faire parler de lui…