Il a décidé de prendre position, de s’engager et de faire la différence. Mais va-t-il y arriver ?
Elle est infime, la différence. Mais elle est là. Cette semaine, elle a apporté son lot de commentaires. Que le président de la République ait des opinions et qu’il les exprime haut et fort, nombreux sont ceux qui ne s’y attendaient pas ! Avant cela, aucun chef d’État n’était sorti des sentiers battus des habituels discours stéréotypés. Bien sûr, sir Anerood Jugnauth, avant de claquer la porte du Réduit, s’était laissé aller à certaines libertés. Néanmoins, le contexte n’était pas le même et la portée politique non plus. C’est ce qui donne un caractère assez inédit à l’intervention de Kailash Purryag. Fraîchement nommé cinquième président de l’île, il a fait entendre sa voix…
Première sortie officielle. Première prise de position. Premier message fort. À l’occasion d’une cérémonie organisée par l’Arya Sabha au Rabindranath Tagore Institute à Îlot, le mercredi 15 août, l’ancien speaker de l’Assemblée nationale a donné une toute nouvelle dimension au rôle de président. «Je veux m’engager», a-t-il déclaré, précisant qu’il ne se contenterait pas de prononcer de beaux discours. Et dans son allocution, il a donné son point de vue – très critique – sur différents sujets.
Du renouveau… ou pas
Il s’est prononcé, entre autres, sur la jeunesse mauricienne, estimant qu’elle s’est égarée, mais aussi sur la décision de Cambridge d’enlever l’histoire de Maurice de son cursus au niveau du School Certificate, ce qu’il dit ne pas approuver. De plus, il a condamné «sans réserve» les dérapages communaux de ces dernières semaines : «L’unité de la nation mauricienne est une condition sine qua non pour le développement économique et social de ce pays, et il ne faut rien faire pour mettre cela en péril. J’espère que nous allons gérer ces écarts avec réserve, compassion et sagesse.»
Kailash Purryag sera-t-il celui qui redonnera un nouveau souffle à ce poste de prestige, où le détenteur du titre de «président» joue un rôle plus représentatif qu’actif ? En tout cas, après ses déclarations, nombreux sont les politiciens et observateurs politiques à l’attendre au tournant ! Quand on affirme vouloir s’engager, on y est un peu… engagé. C’est ce qu’estime un député mauve. «Il se doit de mener à bien sa mission. Il faut que ses points de vue, conseils et observations aient du poids dans les prises de décision au sommet. Mais bon, il faut être réaliste, je ne crois pas que cela soit possible.»
Du côté du MSM, on est encore plus sceptique. «Quand le Premier ministre le rappellera à l’ordre, li pu teygn. Avec le gouvernement travailliste, il n’y a aucune liberté», confie un membre de ce parti, proche de sir Anerood Jugnauth, président démissionnaire et donc très au courant de la «chose présidentielle», comme l’indique notre interlocuteur.
Bien évidemment, du côté de l’opposition, il était difficile de s’attendre à des réactions plus «positives» ! Néanmoins, au sein de la majorité gouvernementale, bien entendu, les avis sont, pour la plupart, favorables à l’action de Kailash Purryag, qui accomplit, selon un ministre rouge, son travail en prenant position et en donnant des avis «avisés» et «éclairés».
On espère, au niveau du gouvernement, que le nouveau président de la République ne dérape pas en voulant «trop faire». «On en a assez des drames !», confie un député bleu. Si cela arrive, c’est un Navin Ramgoolam en colère qui devra intervenir. Et ça, ça ne fera pas qu’une infime différence…