La Major Crime Investigation Team (MCIT) a-t-elle fait preuve d’amateurisme dans l’enquête sur l’assassinat d’Hélène Lam Po Tang ? C’est la question qui se pose depuis que Sanjeev Nunkoo a été acquitté par la cour d’assises la semaine dernière. Et il semble que la réponse est oui. C’est d’ailleurs en se basant beaucoup sur cette enquête mal fignolée que Rama Valayden, l’avocat de l’accusé, a réussi à semer le doute dans la tête des jurés lors du procès. Son client a finalement été reconnu non coupable à l’unanimité.
Le corps sans vie d’Hélène Lam Po Tang avait été retrouvé à son domicile, à Baie-du-Tombeau, le 14 octobre 2010. La victime avait reçu 33 coups de couteau. Sanjeev Nunkoo avait été arrêté par la suite et avait nié avoir commis le meurtre. Il avait toutefois avoué avoir reçu des directives de la part de son employeur, l’époux de la victime, pour se débarrasser du cadavre. Ce qu’il n’avait, dit-il, pas fait non plus. Selon lui, Gary Lam Po Tang, en voyage à l’étranger lors de la découverte macabre, a commandité le meurtre de sa femme, mais il ne sait pas, affirme-t-il, qui est le meurtrier. De son côté, l’homme d’affaires a toujours clamé son innocence.
Le jour de la découverte du corps et tout au long de l’enquête, les limiers auraient négligé plusieurs faits et détails importants – c’est ce qui est ressorti lors du procès aux assises –, se basant uniquement sur les confessions de Sanjeev Nunkoo pour boucler leur enquête. Des confessions qui ont été contestées par la suite, car elles auraient été obtenues sous la torture, tout comme dans l’affaire Harte.
Lors d’une rencontre avec la presse au lendemain de l’acquittement de son client, Rama Valayden a mis en lumière plusieurs manquements dans l’enquête policière. Il compte déposer un rapport bientôt afin d’aider la police à y voir plus clair. Ces manquements sont tellement évidents qu’on peut se demander si nos limiers de la criminelle ont des problèmes pour traiter certains high profile cases.
Durant le procès de Sanjeev Nunkoo, plusieurs faits troublants ont fait surface. Il y a, entre autres, le fait que la MCIT n’a jamais interrogé les voisins et les proches et que plusieurs objets importants n’ont pas été recueillis à des fins d’analyses. Parmi ceux-là, il y a le livre qui se trouvait à proximité de la tête de la victime et qui était taché de sang, le personal diary de la défunte, lui aussi souillé de sang et dont des pages avaient été déchirées, et le car mat retrouvé dans la pièce où gisait le corps. Plusieurs autres objets – une tasse de thé, le bassin de la cuisine et des sacs appartenant à la victime ainsi que ses lunettes et son porte-monnaie – n’ont pas été analysés.
Sur une photo prise par la police à l’intérieur de la maison, on voit un seul côté d’une paire de pantoufles. Les enquêteurs ne savent toujours pas où est l’autre côté. Il y avait du sang partout sur le mur et la porte d’entrée, dans la varangue et dans l’allée. Aucun examen n’aurait cependant été fait pour en connaître la provenance. Les enquêteurs n’ont pas trouvé nécessaire de relever des empreintes et de vérifier la cuisine, les chambres, les toilettes et les poubelles se trouvant dans la cour. Le tapis sur lequel était posé le corps de la victime et qui été tâché de sang n’a jamais été analysé non plus, tout comme les barres de fer retrouvées à proximité du cadavre. Autre fait troublant : un policier a utilisé le portable de la victime pour téléphoner au responsable de la MCIT.
En cour, le Dr Gujalu, ancien médecin légiste de la police qui travaille désormais à son compte, a expliqué que la victime avait été tuée avant 11 heures, le 13 octobre 2010. Mais visiblement, la police n’a pas pris la peine d’analyser les relevés téléphoniques de la défunte avant et après l’heure du crime. De plus, les enquêteurs ne connaissaient même pas les habitudes d’Hélène Lam Po Tang, contrairement aux avocats de Sanjeev Nunkoo qui ont mené l’enquête de leur côté. Le pire, c’est que la police a autorisé des proches d’Hélène Lam Po Tang à incinérer sa dépouille.
Par ailleurs, le couteau saisi chez les Lam Po Tang le jour de la découverte macabre et considéré par la police comme l’arme du crime n’a pas tenu ses promesses lors du procès. Il a fallu que Rama Valayden s’assène plusieurs coups avec cette arme en cour pour n’avoir qu’une petite blessure, alors qu’Hélène Lam Po Tang a reçu 20 coups mortels. Un gros couac de plus dans l’enquête de la MCIT et un élément déterminant dans la décision des jurés de déclarer Sanjeev Nunkoo non coupable.
Lors de sa conférence de presse, Rama Valayden a invité les enquêteurs à explorer la piste d’un compte bancaire à la HSBC qui pourrait permettre de déterminer le mobile du crime. Cet élément d’information serait lié aux nombreuses pages déchirées du personal diary de la victime. Aux enquêteurs de jouer maintenant.