Les biens du jeune homme font actuellement l’objet d’une enquête.
Il est derrière les barreaux depuis plusieurs semaines. Si certains considèrent celui qui porte le sobriquet de Gros Dereck comme le nouveau parrain dans le milieu, son père ainsi que sa compagne balaient d’un revers de main cette allégation et dressent de lui le portrait d’un gentil garçon.
Qui est vraiment Dereck Jean-Jacques ? Est-il le nouveau parrain de la drogue, comme tendent à le démontrer ses récents démêlés avec la justice ? Ou le gentil garçon qui n’hésite jamais à jouer au Bon Samaritain en aidant ses voisins quand ces derniers viennent frapper à sa porte, comme l’affirment son père et sa compagne ? Ou bien est-il les deux à la fois ? Quoi qu’il en soit, bon garçon ou pas, l’étau se resserre autour de cet habitant de la cité Richelieu, Petite-Rivière, depuis son arrestation à son domicile, le 27 juillet. Il a été balancé par un de ses présumés complices.
Ce dernier, Seewoosing Dayal, plus connu comme Ashish, un habitant de Quatre-Bornes, avait été arrêté le 12 juillet à Péreybère avec, en sa possession, 7 kg d’héroïne d’une valeur de Rs 105 millions. Interrogé sur la provenance de cette drogue, il a affirmé qu’elle appartenait à Dereck Jean-Jacques qui est, allègue-t-il, son patron. Depuis, ce dossier qui est entre les mains de l’Anti-drug and Smuggling Unit (ADSU) a connu bien des rebondissements (voir hors-texte).
Toutefois, pour sa famille, Dereck Jean-Jacques est tout sauf un baron de la drogue. Son père Louis Roger, 65 ans, ne supporte pas le fait que son benjamin se retrouve derrière les barreaux. «Mon fils n’est pas un baron de la drogue. Il gagne sa vie en tant que mécanicien. Il a trimé pour avoir son propre business. C’est à la sueur de son front qu’il peut vivre à son aise aujourd’hui», dit-il, haut et fort. Le sexagénaire déplore que sa maison à trois étages, sans doute la plus grande maison de la cité, soit la cible de commentaires «déplacés».
«On regarde la maison et on tire des conclusions. Si un créole a une grande et jolie maison, il ne peut pas l’avoir construite à la sueur de son front. Il faut absolument qu’il soit trempé dans des histoires de drogue. En tout cas, cette maison est la mienne. Elle n’est pas au nom de Dereck. J’ai travaillé pendant des années à la municipalité de Port-Louis. Puis, j’ai démissionné pour prendre de l’emploi chez Cargo Handling où je gagnais Rs 32 000 mensuellement. J’ai mis dix ans à construire cette maison. Elle ne s’est pas faite en un jour comme le prétendent les mauvaises langues», s’insurge Louis Roger.
«Pas une brute»
Né le 30 juin 1985, Dereck Jean-Jacques, qui a aujourd’hui 27 ans, a grandi à la cité Richelieu aux côtés de son frère aîné et de ses parents. Une enfance plutôt tranquille, souligne son père. Il fera sa scolarité primaire à l’école du gouvernement de la localité mais échouera au niveau du CPE. «Nous l’avons ensuite inscrit à l’école IVTB de Bambous. Il y est resté pendant deux ans. Puis il s’est lancé dans la mécanique avant de se mettre à son propre compte», poursuit notre interlocuteur. Par la suite, il fera la connaissance d’une jeune femme, avec qui il aura un fils. Mais les deux finiront par se séparer.
Il y a quatre ans, Dereck Jean-Jacques tombe sous le charme de Mélanie François, alors âgée de 15 ans. Cette dernière, une habitante de la même localité, ne résiste pas aux charmes du jeune homme et s’installe au domicile de son amoureux en 2010. De cette relation naîtra leur fils Darrel, aujourd’hui âgé de 2 ans. «Nous avons emménagé ensemble un an après notre rencontre. Dereck n’a rien d’une brute, d’un homme hautain ou gran noir, comme le disent certaines personnes. Il a un grand cœur et est très sensible aux malheurs des autres. Je vis un enfer depuis son arrestation. Je ne dors presque plus. Il n’est pas trempé dans des délits de drogues. J’en mets ma main à couper», soutient Mélanie François.
Elle ajoute que tous les surnoms attribués à son mari ne font qu’en ajouter à ses malheurs. «On l’appelle Gros Dereck. Ou encore Golden Boy. Il s’appelle tout simplement Dereck. On veut tout ternir son image. Il n’y a que ceux qui sont jaloux de son succès qui peuvent dire du mal de lui.» Pour Louis Roger, son fils a définitivement un grand cœur : «Il est quelqu’un qui tend la main à ses voisins quand ils viennent solliciter son aide. Il n’hésite jamais à les aider dans la mesure du possible.»
S’il reste pour ses proches quelqu’un d’irréprochable, Dereck Jean-Jacques est plus que jamais dans le viseur des membres de l’ADSU. Affaire à suivre…
Les rebondissements de l’affaire…
Les indications fournies par Seewoosing Dayal à l’ADSU concernant le modus operandi pour faire entrer de la drogue à Maurice se sont avérées justes jusqu’ici. Depuis que ce dernier a été arrêté, il collabore pleinement avec les éléments de cette unité de la police. Après avoir balancé son présumé patron, Dereck Jean-Jacques, il a donné à l’ADSU des indications qui ont permis à celle-ci de mettre la main sur un colis d’héroïne estimé à Rs 75 millions. La drogue qui était enfouie sur un terrain boisé à Forbach, a été retrouvée dans la soirée du mercredi 1er août. Par ailleurs, Ashish Dayal a, lors d’un interrogatoire enregistré, expliqué aux enquêteurs que la drogue arrivait par bateau et qu’une fois que celui-ci accostait le port, les colis étaient tout simplement balancés par-dessus bord avant que des plongeurs ne les récupèrent pour les placer dans différents endroits de l’île.
Dans le sillage de cette affaire, un skipper au nom de Westley Casimir a été arrêté le 2 août. C’est lui qui aurait pour mission de collecter l’héroïne en mer à bord de sa pirogue à moteur, le Rapid Angel. Il n’a toutefois pas encore consigné sa déposition, son avocat n’étant pas disponible. Par ailleurs l’Independant Commission Against Corruption et la Mauritius Revenue Authority s’intéressent aux biens de Dereck Jean-Jacques et procèdent actuellement à un inventaire de ceux-ci. À ce jour, deux luxueuses BMW qui appartiendraient au jeune homme ont été saisies. Plusieurs voitures soupçonnées de servir au gang du présumé parrain de la drogue, dont l’une était utilisée par Seewoosing Dayal, font également l’objet d’une enquête très serrée. Ces véhicules auraient cependant tous un point en commun : celui d’être enregistré au nom d’un businessman habitant la région de Quatre-Bornes. Tout laisse croire qu’il sera interrogé cette semaine concernant ses liens avec Dereck Jean-Jacques.