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Marie-Josée Clency : Au revoir mon Roger

La grande dame du séga évoque son compagnon et leur amour sur scène et dans la vie.

C’était une aventure avec des notes de musique, de l’amour et des enfants. La chanteuse évoque avec émotion son compagnon sur scène et dans la vie. Une belle histoire sur des mélodies de séga qui a pris fin avec le décès de Roger Clency.

L’amour, toujours l’amour. Celui de la musique, de la scène, de l’autre. Il était difficile de dissocier Marie-Josée Clency de son fameux Roger Clency. Hélas, ce dernier nous a quittés le 13 janvier, à 74 ans. Il luttait contre un sale cancer à La Réunion. Il laisse derrière lui une carrière de près de 60 ans, des tubes inoubliables (Tora tora tora, Bal rann zarico, Kilot pe desann, entre tellement d’autres), quatre enfants (Michael, Kathy, Jean-François et Jean-Alain) et sa compagne et complice de toujours, Marie-Josée, qui chantait les  incontournables Repran mo mari, Retourne et autre Gidi Gidi. Ses funérailles sont prévues mardi en l’église du Sacré- Cœur à Beau-Bassin, avant l’inhumation au cimetière de Pailles.

 

Si elle a le cœur brisé par ce départ, Marie-Josée garde d’extraordinaires souvenirs de son Roger. Leur histoire était celle d’une fusion sur scène et dans la vie. Une belle histoire qui a commencé dans les années 50. Marie-Josée avait 13 ans, et Roger 15 ans. Ils étaient voisins à Beau-Bassin où leurs parents travaillaient pour la famille Koenig.

 

«Il était beau garçon, toujours très classe, posé, il n’a jamais changé», confie avec émotion notre interlocutrice. «La musique a toujours été son truc. Déjà, à 15 ans, il jouait de la contrebasse dans un orchestre, il était aspirant crooner et grand fan d’Harry Belafonte, auteur d’Island in the sun. Il avait la même coupe de cheveux que lui ! Bref, il aimait la musique. Mais comme tout le monde savait qu’on était amoureux, on lui a mis la pression pour qu’il trouve un métier stable. À l’époque, il voulait devenir policier. Ce qu’il a fait, même s’il n’était pas du tout content qu’on lui rase la tête. Fini la coupe acter, comme avait dit le chef de la police de l’époque, monsieur McAffrey.»   

 

Bravant souvent les conventions (leur premier fils, Michael, est né quelques années avant leur mariage, en 1963), le couple se lance ensemble dans la musique. Marie-Josée apprendra tout de son époux qu’elle qualifie d’«enseignant de musique très exigeant». Au fil de leurs aventures musicales, ils se lient d’amitié avec plusieurs personnalités dont sir Gaëtan Duval et sir Seewoosagur Ramgoolam, que Marie-Josée, qui vit maintenant à Paris, dans le 20e arrondissement, appelleratoujours Chacha. «Nous avons été chanteurs dans les hôtels et lors de banquets dans les municipalités. Une fois, Roger et moi avons eu un peu peur : on a chanté du séga, une musique mal vue à l’époque, dans l’un de ces banquets, à la demande de sir Gaëtan Duval. Une danseuse a même dansé sur la table !»

 

«Il voulait vivre» 

 

Le séga, ils vont l’emmener loin. Dans bien d’autres pays, avec des concerts en Europe et ailleurs. Et le feront aussi connaître ses années de gloire ici, avec leurs potes Serge Lebrasse, Jean-Claude Gaspard, Georgie Joe. Récemment, ils faisaient revivre, avec ces derniers, leurs plus grands tubes lors des concerts Nostalgies de Geda Music, produit par leur ami Gérard Louis.

 

Leur parcours a parfois été difficile, notamment en raison d’une mauvaise reconnaissance des artistes d’hôtel : «On nous disait souvent de manger dans les cuisines. Une fois, on a tout laissé pour aller dîner avec nos musiciens chez Gool ! Roger essayait le plus possible d’être pro et exigeait de bonnes conditions de travail. Du coup, on nous a rapidement taxés d’artistes d’hôtel exigeants.» 

 

Séparée depuis peu de Roger pour des raisons qu’elle ne souhaite pas évoquer, elle a toutefois gardé de bonnes relations avec lui. «On se voyait toujours, on se parlait et, bien sûr, on était ensemble sur scène», confie Marie-Josée. Elle précise : «On se chamaillait souvent, comme n’importe quel couple, mais sur scène, c’était de l’amour, on se regardait, on se touchait, c’était beaucoup plus fort que dans la vie de tous les jours.»

 

Son sourire disparaît tout à coup. Il est temps d’évoquer les derniers moments de l’artiste, du compagnon. «Vers novembre, Roger se plaignait de quelques douleurs. Il avait une petite glande sous le bras. On devait chanter pour le Festival Kreol mais il était absent lors des répétitions, chose qu’il ne faisait jamais. Mais le jour du Festival, il a chanté comme si de rien n’était, même s’il semblait un peu fatigué. Peu après, nous sommes allés chanter dans un restaurant à Grand-Baie, et il s’est arrêté après seulement trois chansons, alors qu’il aimait prendre son temps et inviter les gens à venir danser avec lui.»

 

Marie-Josée commence à s’inquiéter. Une cousine de Roger, qui travaille dans le secteur de la santé, palpe la glande et conseille à celui-ci de faire plusieurs tests. «J’ai dit à Roger d’y aller, car la santé passe avant tout», dit notre interlocutrice.

 

Le 23 décembre, le chanteur se décide enfin à aller faire des tests à La Réunion. La nouvelle tombe : il y un caillot de sang cancéreux. Roger commence tout de suite la chimiothérapie. «Le médecin n’a pas eu le temps de réunir toute la famille, il fallait commencer d’urgence», explique Marie-Josée. L’état de Roger se détériore. «À un moment, on l’a fait transférer d’urgence d’un hôpital à un autre par hélicoptère. Mais les médecins m’ont dit qu’ils ont rarement vu un patient se battre autant. Il voulait tellement vivre. Et quand j’allais le voir, il avait un peu de mal à articuler à cause de la chimio, mais disait toujours qu’il voulait voir ses enfants.» 

 

Le cancer se propage et atteint la moelle épinière. «Le médecin nous a très vite dit que ses jours étaient comptés.» Le mercredi 13 janvier, Marie-Josée vit ses derniers instants avec lui. «Il était sous respiration artificielle. Je me suis rapproché de lui et lui ai dit “Pars sans regret, mais attends juste encore 15 minutes, ta fille et Jean-Alain arrivent.” Ses larmes ont coulé. Il est alors parti paisiblement, je ne savais même pas qu’il nous avait quittés. Peu de temps après, son visage est redevenu celui du Roger qu’on connaissait tous, sans souffrance, sans rides, paisible.»Dix minutes après, sa fille et son fils Jean-Alain arriveront trop tard de l’aéroport.  

 

«Roger voulait qu’on soit tous réunis autour de lui, nos quatre enfants et moi. Mais nous n’avons pas pu avoir ce moment. Je me console en me disant que mardi, nous serons tous ensemble pour lui dire un dernier adieu», murmure Marie-Josée, qui contient difficilement ses larmes. Ce sera dur de continuer sans lui. «Nous avions toujours une petite place pour nous, chez nous, puis et surtout sur scène, mais il n’y a pas encore de place pour nous deux là où il est.»

 

Mardi, ce sera le dernier au revoir à un grand artiste qui est parti mais restera à jamais présent à travers ses bonnes vieilles chansons qui nous feront vibrer encore et encore…

 


 

L’hommage des artistes

 

Le séga, c’était la vie de Roger Clency. Ses pairs, jeunes et moins jeunes, parlent de leur relation avec lui et de son héritage musical... Les artistes s’étaient aussi réunis vendredi, au Plaza, pour lui rendre hommage.

 

Gérard Louis

«Il était comme un père»

«Entre nous deux, c’était comme une relation père-fils. Je l’avoue, on se bagarrait souvent (rires), et des fois sur des choses tellement bêtes ! Mais musicalement, il y a toujours eu beaucoup de respect. Mon père est parti…»

 

Sandra Mayotte

«Un homme important»

«C’était un gars très sympa, plein de dignité aussi. Mais surtout un artiste qui a contribué énormément au développement de l’île Maurice. Roger est quelqu’un d’important et une source d’inspiration pour moi, dans sa façon de composer et de chanter.»

 

Serge Lebrasse  

«Un bosseur qui s’amusait»

«Mon amitié avec Roger remonte aux années 60. On a fait bien du chemin ensemble, chantant ici et ailleurs. Il y a tellement à raconter. C’était quelqu’un qui était très pro et aimait mettre la faya. Pour résumer sa vie, il a bien chanté, il était bien fatigué, mais il s’est bien amusé !»

 

Alain Ramanisum  

«La perte d’un pionnier» 

«Roger Clency est pour moi l’un des pionniers du séga. J’ai grandi avec cet artiste, avec ses chansons. Depuis tout petit, des morceaux comme Tora, tora, toraet Bal rann zaricom’ont bercé. C’est dire l’impact qu’il a eu.»