Est-ce qu’il faut oublier ? Du moins, faire en sorte d’y arriver ? Est-ce qu’il faut laisser tomber, tourner la page ? Est-ce qu’il faut apprendre à vivre avec ? Les victimes de pédophiles se posent souvent ce genre de questions, tourmentées par des interrogations depuis que leur enfance leur a été volée par un adulte malintentionné.
K. fait partie de ces enfants qui n’ont pas pu se défendre lorsqu’un membre de leur famille (dans son cas, il s’agit d’un oncle) a commencé à abuser de leur innocence. Elle avait alors 11 ans. Et c’est sur la page Facebook Pédostop-Contre la pédophilie à Maurice qu’elle raconte sa terrible histoire : «Je viens sur cette page pour apporter mon témoignage, ce qui n’est pas une chose facile tant cela me replonge dans mes cauchemars. J’ai aujourd’hui 34 ans, et je n’arrive pas à trouver la stabilité, ni la paix, ni le bonheur tellement je me sens brisée et injustement comprise d’autant plus que beaucoup de gens dans mon entourage sont au courant mais n’ont d’autres conseils à me donner que d’oublier (…) parce que cela arrive à des milliers de gens.»
Et si aujourd’hui, elle a souhaité partager son cauchemar, c’est pour que d’autres victimes réalisent que ce n’est pas normal et qu’il faut venir de l’avant pour dénoncer ces prédateurs sexuels. Sur la page Facebook, K. raconte ainsi son calvaire: «Il s’est mis à côté de moi (…) Puis, il a commencé à me chatouiller (…) Je lui ai dit d’arrêter, je savais que ce n’était pas normal, je me sentais mal. Je me suis mise à pleurer, et quand j’ai voulu crier, il a mis violemment sa main sur ma bouche en me disant que si je criais et persistais, il me frapperait. Je suis restée paralysée. Il m’a longuement attouchée avec son regard vicieux, de pervers que je n’oublierai jamais.»
Puis, il y a eu ces autres fois : «Il me montrait des photos pornos», «Vers mes 14 ans, il m’a entraînée dans un bois… » Et un autre jour, il est passé à l’acte : «Cette fois-ci, il m’a drogué pour abuser de moi.»
Si dans son témoignage, K. donne beaucoup de détails sur les sévices qu’elle a subis, c’est parce que, dit-elle, «les victimes de ce prédateur sont nombreuses» : «Combien de vies a-t-il brisé et va-t-il encore briser ? Je n’ai pas le droit de garder tout cela pour moi et surtout, je n’en ai plus la force. Ma vie est ponctuée de périodes de dépression, d’automutilation, d’insomnie et de phase d’alcoolisme pour m’engourdir. Je suis passée par des cures, des tentatives de suicide, de longues hospitalisations, des thérapies… Je suis simplement fatiguée et à bout… »
Le témoignage de K. a poussé une autre victime à venir de l’avant. Comme une thérapie, comme un besoin de se libérer, J. a aussi tenu à raconter sa traumatisante expérience sur la page de Pédostop : «J’envoie aussi mon témoignage pour, à mon tour, essayer de sauver d’autres jeunes filles qui sont sans doute aussi des victimes.»
Si elle a aujourd’hui 30 ans, J. n’avait que 12 ans lorsque son cauchemar a commencé : «Je me rappelle qu’une fois pendant la nuit, il est venu me réveiller pour me faire des choses…encore… » Et des souvenirs horribles comme cela, J., en a beaucoup d’autres. Aujourd’hui, elle veut avancer, se libérer : «Pendant 18 ans, j’ai vécu avec ce secret. Je l’ai enfoui dans ma mémoire. J’ai bloqué ces images en espérant ne jamais les revisiter (…) J’ai perdu mes années d’ado, mais j’ai encore toute ma vie d’adulte devant moi.»
Grâce à Pédostop, l’heure est maintenant à la reconstruction pour ces deux jeunes femmes qui invitent tous ceux et celles qui ont été abusés comme elles, à contacter l’ONG qui se propose de les aider à briser le silence.
Alexandra Schaub : «Si elles souhaitent porter plainte, nous les orientons vers des conseillers légaux.»
Un petit pas vers la reconstruction. Pour Alexandra Schaub de Pédostop, il est très important pour une victime de pédophilie de raconter ce qu’elle a subi w: «Briser le silence est le premier pas vers la reconstruction des victimes de pédophilie et d’inceste. Nous encourageons les victimes à prendre la parole, ce qui les libère du secret, leur permet d’être soutenues, comprises, et d’avancer vers leur reconstruction.» La page Facebook de Pédostop est là, précise-t-elle, pour tous ceux et celles qui souhaitent se confier : «Plus il y aura de témoignages, et moins les pédophiles auront de marge pour agir ! Chaque témoignage en entraîne d’autres, car la peur diminue et le courage reprend le dessus. Pour une victime, c’est très important de lire les témoignages d’autres victimes, ou d’assister à un groupe de parole. Nous avons près de 3 000 personnes qui suivent notre page et participent à ce combat. C’est une vraie communauté de partage et de soutien qui s’est créée. Cette prise de conscience collective, c’est un grand pas qui est en train d’être franchi.»
L’ONG est aussi là pour encadrer les victimes par rapport aux démarches suivant la dénonciation de leur agresseur : «Si elles souhaitent porter plainte, nous les orientons vers des conseillers légaux, si elles souhaitent un suivi psychologique également.»