La sauvagerie gratuite gagne du terrain. Elle devient presque ordinaire. On tue à coups de marteau, on agresse à l’aide de tournevis. Pas une semaine ne passe sans un nouveau fait divers tragique, traduisant un degré supplémentaire dans l’intensité de la violence. Encore trois femmes en ont fait les frais cette semaine. L’une d’elles y a laissé sa vie (voir en page 8) alors qu’on devine les deux autres marquées à vie. Des exemples d’une certaine banalisation du crime sont révélés chaque semaine. Il y a quelques jours, une femme laboureur de 49 ans a été violée et assassinée à Palmar par un jeune de 19 ans tandis qu’à Rodrigues, une habitante de Montagne-Fanal a été battue à mort par son concubin.
L’on assiste à une trop grande généralisation des agressions. Et quand elle n’est pas physique, la violence est verbale. C’est celui qui crie ou insulte plus l’autre qui remporte la bataille. Quelle bataille ? Celle qui consiste à jouer au plus fort. Comme c’est le cas sur nos routes entre les conducteurs, par exemple. Souvent, les coups de klaxon abrutissants ne suffisent pas. Combien de fois n’avons-nous pas affaire à ces chauffeurs qui, pour nous faire payer d’avoir eu une demi-seconde de retard à démarrer aux feux, nous doublent en nous insultant copieusement. Car tout le monde est pressé, tout le monde est en retard, tout le monde a les nerfs à vif. Et le ton monte pour des peccadilles. De plus en plus, la population semble vivre sous pression. À la question ‘comment ça va ?’ l’on nous répond une fois sur deux, «fatigué, stressé».
Partout : au bureau, à la maison, en famille, souvent les disputes ont raison des discussions. Serait-ce la précarité au travail – lieu où l’on tend à confondre facteur humain et robot dans une éreintante course à la poursuite du toujours plus face à la compétition –, la fragilité du couple (où l’on préfère de plus en plus expédier les affaires courantes au lieu de se parler, de converser), le difficile dialogue parents-enfants qui en sont la cause ? En attendant les conclusions d’un état des lieux social dont le gouvernement devrait se soucier de toute urgence pour prévenir l’escalade, l’on ne peut qu’émettre des hypothèses. Les repères se perdent, la vie n’a plus la même valeur ni le respect le plus élémentaire pour certains d’entre nous.
Et le drame éclate à la moindre occasion. Malheureusement, ce sont les enfants, innocentes victimes, qui se retrouvent déchirés entre les parents. La jeunesse n’est pas en reste. Elle se sent délaissée, incomprise. Le rajeunissement des suicides impliquant des ados n’est pas un hasard. L’absence de l’éducation sexuelle fait aussi du tort à nos jeunes, sexuellement actifs à un âge précoce mais qui ne savent pas comment gérer leur sexualité. Dans notre édition de la semaine dernière, nous rapportions le troublant témoignage d’une jeune fille de 13 ans. Quand sa mère a découvert sa grossesse, elle a déclaré avoir été violée par deux fois par un neveu de la famille. En octobre, cette jeune étudiante donnera naissance. L’âge du père du bébé ? 14 ans. Peut-on continuer à fermer les yeux devant tous ces maux qui traduisent un dysfonctionnement social ? Mais qui s’en soucie ?