«Ena ene sel sef.» Non seulement Ramgoolam l’a dit hier, mais c’est ce qu’il a tenté de démontrer à travers sa conférence de presse qui s’apparente plutôt à un exercice de communication réussi. Le PM aura bien choisi son moment. Après avoir laissé l’opposition, semaine après semaine, nourrir des spéculations sur la déstabilisation de sa majorité pendant que lui se concentrait à mettre de l’ordre dans le camp rouge, calmant les frustrés, réduisant la marge de manœuvre des «porteurs de valises» et s’assurant du soutien de son partenaire bleu, le chef du gouvernement donne aujourd’hui l’impression qu’il est redevenu le maître de l’échiquier politique. S’il a attendu son heure, prenant son temps avant de s’exprimer sur les développements et les démissions rouges que promettait l’opposition, c’était pour mieux faire ressortir les incohérences et le «bluff» de Bérenger, sa principale cible, devenu selon lui «la risée» quand il n’est pas «ridicule», entouré de ses «yes-men».
Au fond, quel message voulait faire passer Ramgoolam à la presse ? Que son gouvernement, malgré une courte majorité, n’est pas chancelante (le défi qu’il a lancé à l’opposition pour le test autour du discours-programme exprime une certaine confiance), que la prorogation du Parlement lui permet de réajuster son gouvernement PTr-PMSD sans le MSM aux structures de l’Assemblée nationale, que ce même gouvernement scrute désormais au-delà de 2015 avec un nouveau programme de 10 ans de transformation sociale et économique – comprenons donc qu’il n’y aura pas d’élections générales anticipées comme le fait croire l’opposition. Et que, lui, Ramgoolam n’est intéressé par aucune alliance.
Bien au contraire, il dit souhaiter l’accord «Medpoint 2», comme il persiste à qualifier le principe du remake Bérenger-SAJ (sachant le boulet du mot «Medpoint») pour leur donner une grande raclée, pire même qu’en 2005, précise-t-il. Et ce, sans oublier de révéler les chiffres d’un sondage créditant, paraît-il, le MSM à 2,9 %. Et il réussit là un coup en ajoutant que Bérenger (qui n’a trouvé aucune autre défense que d’annoncer son alliance avec le MSM pour le 1er Mai et les prochaines municipales au même moment) a aussi une copie de ce sondage.
Mais ce n’est pas le seul caillou que le leader des Rouges lance dans le jardin de l’opposition. En faisant ressortir que le deputy leader du MMM Jayen Cuttaree, s’est abstenu de voter, sur le principe du remake de 2000, Ramgoolam tente de semer le doute dans la tête des militants, renvoyant une image fragile de cette stratégie de la part d’un «marchand de rêves» qui en sus tente de vendre la «perception» d’un retour de SAJ alors que celui-ci lui a donné la garantie qu’il ne faisait pas de politique.
D’où la tactique de Ramgoolam qui, calculateur, a délibérément épargné le président de la République, en évitant avec lui une attaque frontale (serait-ce parce que bientôt SAJ devrait ravaler toutes ses déclarations fracassantes pour lire le discours-programme ?), se permettant toutefois quelques égratignures ici et là. Comme pour envoyer un signal clair à l’hôte de la State House qu’il préfère voir enfermé au Réduit : Oui, a-t-il expliqué, SAJ a prorogé lui-même le Parlement à plusieurs reprises dans le passé, parfois pendant de longs mois. Oui, les membres du gouvernement ont boudé la garden-party parce que la position de SAJ n’était pas claire. Oui, son ministre, Hervé Aimée tient tête au chef de l’État, mais le ministre a d’abord consulté des hommes de loi. En clair : rien ne l’obligeait à se rendre à la State House. Car oui, ena ene sel sef. Et c’est lui, Ramgoolam !