Exercice de communication du chef du gouvernement pour rassurer les Mauriciens... et ses troupes.
Le Premier ministre a tiré à boulets rouges sur le leader de l’opposition. Ce dernier multiplie les déclarations pour déstabiliser la majorité, estime le chef du gouvernement.
Dans sa ligne de mire, un homme. L’ennemi du moment, à qui il a décidé de ne laisser aucun répit : Paul Bérenger. Visage fermé, voix posée, le Premier ministre Navin Ramgoolam a décidé de mettre les points sur les i, en ce samedi 17 mars. Il est 11h20 quand le chef du gouvernement lance sa conférence de presse tant attendue. Comme prévu, il explique les raisons de la prorogation de l’Assemblée nationale et s’appesantit sur le début de la nouvelle session parlementaire, prévue pour le 16 avril (voir hors-texte). Néanmoins, c’est avec le leader de l’opposition qu’il a des comptes à régler. «Je vais dénoncer le cinéma de l’opposition et situer les responsabilités.»
Mais auparavant, le chef du gouvernement dessine les contours d’une situation difficile économiquement : «Le prix du gaz, du pétrole et des denrées alimentaires continue de monter.» Il évoque les nouveaux défis à relever : «Maintenir la croissance, malgré tout.» Et les nombreux efforts du gouvernement : «Tout le monde voit le nombre de choses que le gouvernement réalise : la modernisation de l’architecture, la sauvegarde de l’emploi, le maintien de la justice sociale, le soutien aux plus vulnérables.»
Une vue d’ensemble – avec le regard des travaillistes – qui amène Navin Ramgoolam à cette question : «Le gouvernement fait tout ce travail. Que fait l’opposition ? Donnez-moi une seule proposition qu’a faite le MMM pour l’avancement du pays. Une seule ! Il n’y en a pas.» Les boulets rouges volent et… atteignent de plein fouet Paul Bérenger : «Il fait du cinéma politique et ça doit stopper. Chacun doit prendre ses responsabilités.» Pour Navin Ramgoolam, «la population doit faire la différence entre ceux qui sont responsables et ceux qui sont irresponsables».
Les multiples déclarations de Paul Bérenger promettant de déstabiliser le gouvernement et annonçant des législatives anticipées et des «grands développements» toutes les semaines ont clairement agacé Navin Ramgoolam. L’envie de remake de 2000 du chef de file des Mauves, aussi. Et cette «nouvelle» configuration sur l’échiquier politique a provoqué une «crise» au sommet de l’État (c’est avec SAJ que s’envisage une nouvelle alliance MMM-MSM), ce qui l’a profondément irrité.
Manque de crédibilité
Mais le chef du gouvernement ne l’admet pas. Il maintient qu’il place sa confiance en SAJ. «Je ne peux pas ne pas faire confiance au président. S’il me dit que l’accord Medpoint 2 ne le concerne pas, je le crois», confie le chef du gouvernement (voir hors-texte). Pas de problème de ce côté-ci, donc ! L’homme à abattre n’est pas à la State House. Il s’agit plutôt de Paul Bérenger : « Il est le seul politicien à dire quelque chose et son contraire avec conviction en l’espace de quelques jours. Personne ne peut prendre Paul Bérenger au sérieux, aujourd’hui.»
Et ce ne sont pas les exemples qui manquent, selon le chef du gouvernement, pour démontrer le manque de crédibilité du leader des Mauves : «Le MMM a fait grand bruit autour de l’affaire Medpoint que Paul Bérenger a qualifiée de scandale du siècle. Le MMM a organisé des meetings dans les quatre coins du pays, a placardé des affiches…Tout cela en visant principalement Pravind Jugnauth et Maya Hanoomanjee. Puis, d’un coup, il y a eu un virage à 180º (...) Le scandale du siècle, c’est le blanchiment du siècle.»
En quelques semaines, après les démissions en bloc des députés MSM de l’alliance gouvernementale, «le petit crétin devient petit frère», souligne Navin Ramgoolam : «Le MMM vient sauver le MSM d’un naufrage certain. Depuis, les rencontres n’en finissent pour mettre au point des stratégies.» Mais cela ne va pas durer, poursuit le chef du gouvernement : «Dans une conférence de presse, Paul Bérenger estime que des années- lumière séparent le MMM du MSM sur des questions fondamentales.» Un froid qui ne va pas faire long feu, non plus. Trois jours plus tard, dit-il, Paul Bérenger change d’avis : «Il est plus fort que les Américains, il a envoyé une rocket qui voyage plus vite que les années-lumière.»
De plus, affirme Navin Ramgoolam, Paul Bérenger s’est allié au MSM contre l’avis de sa base militante : «Il sait que selon un sondage secret du secteur privé, le MSM ne représente que 2,9 % de l’électorat.» Le chef du gouvernement se dit donc «serein» face à tout ce ramdam politique. Il défie même Paul Bérenger au Parlement : «Il hésite à soumettre sa motion de blâme, il veut tester la majorité… Il pourra le faire avec le vote du discours-programme.» Mais aussi pour 2015 : «Mon équipe et moi, nous attendons l’accord Medpoint 2 de pied ferme, ils vont recevoir la plus grande raclée de leur vie en 2015.»
Aujourd’hui, le chef du gouvernement se dit à l’aise avec son équipe : «Je ne suis intéressé par aucune autre alliance. Mon alliance avec le PMSD fonctionne très bien ! Nous avons la même vision pour le pays.» Pas de remaniement ministériel non plus en vue. Mais comme le précise le Premier ministre lui-même : «Personne ne sait ce qu’il y a dans ma tête…»
Prorogation : «C’est une chose courante…»
Rien de plus normal ! Selon Navin Ramgoolam, la prorogation d’une session parlementaire est une «chose courante dans le système Westminstérien», appuyant son propos en citant de nombreux exemples de cette pratique par sir Anerood Jugnauth. C’est dans la soirée du mardi 13 mars qu’il a annoncé sa décision de mettre fin à la session parlementaire actuelle à travers un communiqué. «Je pensais le faire juste après la démission en bloc des députés MSM. Néanmoins, j’ai décidé de repousser l’échéance. À l’époque, nous avions un budget à présenter, des dossiers importants à gérer», explique-t-il.
Pour la rentrée parlementaire, prévue pour le 16 avril, le chef du gouvernement et son équipe sont en train de travailler sur le nouveau discours-programme de l’Alliance de l’avenir qui aidera le gouvernement à faire face aux enjeux économiques actuels, tout en inscrivant dans le programme «transformation du pays» qui s’étalera sur dix ans. Au menu de cette nouvelle orientation (ou presque) : des mesures en cours et des nouveaux projets mais aussi un point sur la réforme électorale, entre autres.
La lecture du discours-programme sera faite par sir Anerood Jugnauth. «Comme prévu», précise Navin Ramgoolam, comme pour faire taire les rumeurs de démission du chef de l’État. De plus, le 16 avril verra aussi l’élection d’un nouveau Deputy Speaker et la reconstitution des différents comités parlementaires, entre autres.
Ses relations avec sir Anerood Jugnauth
Tout va bien dans le meilleur des mondes. C’est ce que laisse entendre le Premier ministre concernant ses relations avec le président de la République, sir Anerood Jugnauth. Ce dernier a, semble-t-il, rassuré le chef du gouvernement quant à sa probable démission pour aller faire un remake de l’alliance de 2000. Il n’est pas question de come-back en politique pour le chef de l’État, affirme Navin Ramgoolam.
Le départ imminent de SAJ de la présidence ne serait qu’une rumeur. Mais elle était de plus en plus persistante depuis la prétendue annulation de son voyage en Inde… Néanmoins, le bureau de la présidence a fait une précision à ce sujet dans un communiqué. Navin Ramgoolam aussi : «C’est moi qui devais être l’invité d’honneur des célébrations au Bihar. Mais j’ai précisé que je ne pourrais être sur place.»
L’absence du Premier ministre et des ministres – ainsi que des députés – de la majorité à la garden-party du mardi 13 mars a également alimenté cette rumeur. Navin Ramgoolam a expliqué pourquoi. Après le départ du président seychellois, il a décidé de préparer la prorogation le soir même : «J’ai préféré faire les choses ainsi ! Sinon, on allait m’accuser d’avoir pris ma décision au moment de recevoir les questions de l’opposition pour le Parlement.» En ce qu’il s’agit de la non-présence de ses députés, il dira : «Ils étaient peut-être dans le flou concernant la position de SAJ.»
Et concernant la décision d’Hervé Aimée de ne pas rencontrer le Président pour discuter du Local Government Bill, il déclare : «Il n’y a qu’un seul chef à Maurice.»
En bref…
- Un 1er Mai moderne ! C’est ce qu’aurait souhaité Navin Ramgoolam : «Je voulais organiser un grand congrès où les gens peuvent s’asseoir, ont quelque chose à boire et un petit gajack au lieu de rester au soleil pendant des heures.» Néanmoins, le chef du gouvernement dit préférer s’abstenir : «Certaines personnes diront que le gouvernement a peur ! Alors, j’irai de l’avant avec mon grand meeting qui se tiendra très probablement à Vacoas.»
- Navin Ramgoolam, en parlant de la réforme électorale, a maintenu qu’il en faudrait une où le citoyen mauricien n’est pas obligé de décliner son appartenance à telle ou telle communauté.
- Air Mauritius : André Viljoen, directeur exécutif par intérim d’Air Mauritius, sera bientôt nommé.
- Selon Navin Ramgoolam, les émissaires de l’opposition approcheraient les ministres, les backbenchers, les Private Parliamentary Secretaries (PPS) en leur proposant des postes de ministres, de vice-Premier ministre… «mais aussi de Premier ministre».
L’opposition a son mot à dire
S’allier pour les élections municipales et les activités politiques du 1er Mai. Paul Bérenger persiste et signe : le remake 2000 se concrétise. C’est à l’issue de la réunion des parlementaires du MMM et du MSM, hier samedi 17 mars, qui s’est tenue après la conférence de presse du Premier ministre, que le chef de file des Mauves en a dit plus concernant une alliance MMM-MSM, sur les ondes d’une radio privée.
Pravind Jugnauth, le leader du parti soleil, s’est également exprimé. Concernant les propos du Premier ministre sur un sondage secret qui stipule que le MSM n’a que 2,9 % d’électorat, Pravind Jugnauth a invité le chef du gouvernement à se mesurer à son parti lors d’une joute électorale pour connaître sa réelle valeur.
Plus tôt, ce samedi-là, alors que Navin Ramgoolam animait sa conférence de presse, Paul Bérenger en faisait de même. Selon lui, le gouvernement ne tiendra pas jusqu’à la rentrée parlementaire du 16 avril. Il a prévenu que des bouleversements politiques importants auront bientôt lieu.