Alors, comme ça, subitement, le ministère de l’Environnement vole au secours des habitants de Flic-en-Flac et vient d’émettre un «stop order» contre le Shotz pour pollution sonore. De la même manière, un autre ministère, celui du Travail, découvre soudainement les conditions de vie des travailleurs étrangers et menace depuis, de sanctionner les esclavagistes des temps modernes. Ces exploiteurs sans scrupule de la main-d’œuvre bon marché venue de Sri Lanka, de Bangladesh et de ces pays plus bas dans l’océan Indien, où l’île Maurice est l’Eldorado qui fait rêver. Du côté de la police, l’on apprend qu’elle a réuni ses meilleures unités pour traquer le dénommé Jimmy Colosso, soupçonné d’appartenir à un gang de trafiquants de drogue, après le passage à tabac du naïf «Pablo Escobar» local. Sans rire, au final, il y aurait donc du bon dans le reportage de M6. En termes de retombées !
Au-delà de la polémique et des débats enflammés suscités par l’émission de lundi dernier : image caricaturale, méconnaissance du pays et de sa complexité plurielle, journalisme approximatif naviguant entre reportage bâclé et inexactitude de l’info, non-protection des sources, des révélations déjà vues (oui, on est d’accord), on retient malgré tout qu’il aura quand même fallu d’une émission étrangère pour que les autorités se réveillent. Prenons la drogue par exemple. En quoi est-ce que le sujet proposé par M6, qui nous a plutôt donné à voir une nouvelle version de flics en délire, jouée cette fois par des membres de l’ADSU, est plus instructif que le palpitant documentaire Paradi an dey proposé par Jameel Peerally en 2010 ? Pourtant, l’on se souvient des tracasseries qu’avait subies le réalisateur dont la démarche était salutaire. Une prise de conscience sur l’abus des drogues. Sauf que le film étant fait par un Mauricien, et en l’absence de télé privée, il fut censuré et le réalisateur interrogé par une police plus soucieuse de l’obtention d’une autorisation du fameux classification board que de la sensibilisation des Mauriciens, à travers un documentaire très proche de la réalité, aux méfaits des drogues.
Même constat pour les travailleurs étrangers. Combien de visites dans leurs dortoirs ont débouché sur des articles de presse dénonçant leurs conditions de vie, leurs droits violés, leur dignité bafouée ? Quel mauvais traitement envers ces expatriés de dernière catégorie, n’a pas dénoncé le syndicaliste Faizal Ali Beegun, celui-ci se faisant même qualifier d’antipatriote ? Une émission de M6 et le changement d’attitude est venu dès le lendemain de la diffusion de Rêves, fortunes et trafics au soleil. D’abord un coup de fil inattendu du ministre du Travail Shakeel Mohamed à Faizal Ali Beegun, ensuite des promesses de sanctions et de poursuites aux compagnies qui ne respecteraient pas les normes internationales des droits des travailleurs. À Flic-en-Flac, le scénario est identique. Les habitants après avoir vainement dénoncé la pollution sonore et ayant fini par apprivoiser le bruit de Shotz viennent de constater avec étonnement qu’il a suffi d’une émission étrangère pour sortir le ministère de l’Environnement de son hibernation.
C’est dire tout le bien que peuvent nous faire les journalistes de télé privée étrangère s’ils continuent à mettre leur nez dans nos affaires. Imaginons un instant une suite de l’enquête exclusive sur, pêle-mêle, le scandale Medpoint sous l’angle les amnésies des protagonistes, l’affaire Khamajeet et ses postes à pourvoir, les marchands de briani privilégiés de Quatre-Bornes, suivi des transferts punitifs des policiers, les véritables raisons de départ de Konrad Morgan et l’ingérence politique, la corruption quotidienne et ordinaire, etc.
Un seul souhait : M6, revenez…