«Tout en dépénalisant l’avortement, la loi doit être stricte et ne doit pas autoriser une femme à se faire avorter par n’importe qui»
Cette semaine, une élève de 15 ans a échappé à la mort après un avortement. En décembre dernier, une jeune habitante de Bois-Marchand a succombé après avoir ingurgité une dizaine de pilules de Cytotec. L’avortement est un éternel sujet de discorde. La parole à la vice-présidente de l’Association of Chief Executives of Member Associations of the Africa Region (ACEMAAR).
Un énième cas d’interruption de grossesse a fait grand bruit cette semaine car une jeune adolescente aurait pu y perdre la vie. Votre réaction. Tout le monde sait que l’avortement qui est considéré comme un sérieux problème de santé publique, est en train d’affecter la femme et a un impact direct sur la gestion de santé de la reproduction de cette dernière. Or, nous constatons un nombre important de cas de complications enregistrés auprès de nos institutions de santé. Ces cas doivent interpeller les gens et les emmener à réfléchir sérieusement car il y va de la perte de la vie humaine. Les statistiques sont là mais tous les cas ne sont pas enregistrés, car beaucoup d’avortements se font d’une façon très confidentielle et correctement, et on n’arrive pas à les chiffrer.
Pensez-vous que si l’avortement était dépénalisé, il ferait moins de victimes ?
Si l’avortement est dépénalisé, le nombre de complications va diminuer drastiquement car ce sera un service médical avec un encadrement légal, un personnel qualifié, prêt à toute éventualité. D’ailleurs, quelqu’une qui a recours à ce service devrait impérativement avoir un dossier médical avec toutes les données et le risque de récidive de la part de cette personne sera alors contrôlé. Aujourd’hui, le fait que l’avortement est illégal, une femme peut aller d’un médecin à un autre et ne pas donner des informations correctes. Tout en dépénalisant l’avortement, la loi doit être stricte et ne doit pas autoriser une femme à se faire avorter par n’importe qui. Il doit y avoir toute une préparation, accompagnée d’information sur les dangers de l’avortement et sur l’importance de l’utilisation de la contraception, ainsi qu’un suivi psychologique.
Comment, selon vous, arriver à un consensus sur le sujet ?
J’ai toujours dit qu’il faut comprendre la femme car la décision de se faire avorter n’est pas prise de gaieté de coeur. J’écoute très attentivement ce que les chefs religieux et les médecins disent. Nous sommes très présents auprès de la population et nous connaissons la réalité qui existe. La religion est là comme point de repère – et on la respecte – pour qu’il n’y ait pas d’abus. Tout en étant croyant on peut aussi être pragmatique. L’avortement est un problème médical. Une femme – ou un couple – dans une situation difficile, qui fait face à une grossesse non désirée et ne veut pas garder l’enfant, ne va pas aller voir le politicien ou le travailleur social ou le chef religieux. Cette personne est devant un dilemme car c’est elle qui doit faire face à la vie. Si une femme en difficulté, avec l’accord de son partenaire, décide de ne pas garder l’enfant, qui suis-je pour lui imposer la maternité ? Les grands discours ne vont nullement l’aider car c’est elle qui doit faire face à la situation et mener à terme cette grossesse. Donc, on doit laisser la femme ou le couple choisir quand avoir un enfant.