Comment j’ai été embarquée dans cette aventure : «Je pense avoir décroché le rôle quand ils m’ont demandé si je connaissais le monde carcéral et que ma réponse a été : «My closest acquaintance to prisons was Prison Break.» Blague qu’ils ont adorée car nous allions être confrontés à une dure réalité et il fallait y aller en étant vrai et authentique, afin d’établir une confiance avec les prisonniers. J’ai été prise comme traductrice pour le Recce et le tournage. Mais mon rôle ne s’est pas arrêté là. Nous avons tous travaillé sur le Recce qui est l’étude en amont visant à comprendre le contexte, la réalité des prisons, les démarches auprès des autorités et avoir un premier contact avec les prisonniers.»
Une expérience inoubliable : «Cette expérience était un challenge, un ascenseur émotionnel. Un mélange de frayeur, d’appréhensions, de doutes, d’émotions fortes et touchantes, de questionnements et de belles leçons de vie et d’eye opening. Ma plus grande surprise était de voir et de ressentir autant d’humanité. À travers le regard de la société et des médias, nous ne voyons souvent que des criminels et les actes commis. Nous oublions que ce sont des êtres humains, avec une histoire, un vécu, une famille, des croyances. Et dans les cellules individuelles ou les dortoirs, ce sont des choses que l’on ne peut ignorer. Nous voyons des photos des êtres chers, des bibles, des corans et autres reliques. C’est là que l’on se rend compte qu’ils s’attachent à ceux qu’ils aiment et à leurs croyances pou manz ar li. J’ai vu beaucoup de jeunes en prison et étant une formatrice qui travaille souvent avec des jeunes, cela me fend le cœur.»
Ce qui m’a marquée : «Voir certains à qui l’on apprend un métier, dans l’espoir de les munir d’un moyen de réinsertion une fois sortis. Par exemple, l’histoire inspirante du jeune pâtissier Winley Barbe qui a reçu son certificat avec la meilleure mention en étant en prison, qui est déjà sorti et pe tras so lavi comme promis. Je garde aussi cette image des prisonniers qui font les 400 pas dans leurs cellules, d’autres qui tournent dans tous les sens. J’ai écouté des prisonniers raconter leurs histoires avec regrets et amertume, et d’autres, comme Nasseeruddin Tengur, raconter leurs crimes sans scrupule à vous donner des frissons. Devoir transcrire mot à mot son crime était la partie la plus difficile, lui qui a écopé d’une peine à perpétuité. Après notre entretien à la prison de Phoenix, j’avais l’impression que mon âme était souillée ; les mots qui étaient sortis de ma bouche étaient la confession de viols, de violences incroyables et de crimes atroces commis sur des femmes. J’ai beaucoup prié ce soir-là pour pouvoir m’endormir et trouver la force de continuer l’aventure.»
Ma rencontre avec Raphael Rowe : «On s’est très vite bien entendus avec Raphael et l’équipe de production. Raphael est une personne inspirante, courageuse, empathique et juste. Il est simple, avec une vision impressionnante de la vie, ayant été emprisonné pour un crime qu’il n’a pas commis. On a beaucoup discuté lors du tournage et j’admire sa façon de transformer cette épreuve difficile pour montrer au monde une autre facette du monde carcéral, une lutte pour la vérité. Il m’a aidé à voir les choses autrement. En dehors du tournage, il a beaucoup apprécié notre île, particulièrement notre dol pouri.»
Ce que j’ai appris : «En prison, il y a de vrais méchants : violeurs, pédophiles, tueurs sanguinaires. Mais j’ai décidé de m’accrocher à ce qui est porteur d’espoir, à ce que j’ai vu de beau et touchant. J’ai vu de bonnes personnes ayant fait de mauvais choix. Toutes avec leur histoire, leur passé, leur vécu, qui ont sans doute fait d’elles ce qu’elles sont aujourd’hui. Ce parcours a réitéré mon désir d’aider les gens, les jeunes, à travers mon métier : la formation.»