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Emilie Rivet, docteure en psychologie clinique : «Notre souhait est qu’à terme, tous les établissements scolaires puissent avoir des équipes de postvention... »

Chaque année, la journée du 10 septembre vise à attirer l'attention sur la question du suicide. Emilie Rivet, docteure en psychologie clinique et Chief Operations Officer de Konekte (nom de marque de l’entreprise Action for Integral Human Development), qui a récemment rencontré un groupe de jeunes pour en parler, nous explique pourquoi il est important que ce sujet soit abordé en milieu scolaire. Elle nous parle également de la publication prochaine d'un manuel sur la gestion des suicides/tentatives de suicide en milieu scolaire.

Vous avez, avec une collègue, Caroline Grenade, rencontré des jeunes autour d’un sujet très sensible : le suicide. Pourquoi cette initiative ?

 

Le suicide est un sujet souvent considéré comme tabou, difficile à aborder, qui peut être source de souffrance et susciter divers sentiments : peur, honte, culpabilité, tristesse, colère. Et pourtant, un décès sur 100 est dû à un suicide (OMS, 2023). Le suicide est un grave problème de santé publique mondial, touchant des individus et des communautés à travers le monde dans tous les milieux sociaux. L’objectif de la rencontre avec des jeunes était d’aborder ouvertement ce sujet, de les encourager à en parler librement, de partager leurs expériences, ressentis, préoccupations et questions dans un cadre de confiance et de non-jugement. Faire entendre leur voix sur ce sujet est essentiel et précieux. Nous pensons connaître ce qu’ils.elles vivent, ressentent et pensent, sans toujours adopter le réflexe de les écouter sur des sujets importants.

 

Comment s’est passée la rencontre ?

 

Nous avons rencontré 15 jeunes, de 10 établissements scolaires, accompagnés de membres du personnel. Nous avons été touchées par leur capacité à parler ouvertement de ce sujet, à partager en toute authenticité certaines de leurs difficultés, leurs questions et leurs inquiétudes. Cette démarche d’aller à leur rencontre rejoint le thème choisi par l’Association internationale pour la prévention du suicide (IASP) en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour les trois années à venir, qui est : «Changer de discours sur le suicide.» Sortons du silence, libérons la parole autour du suicide, parlons-en !

 

Pourquoi les jeunes doivent-ils s’intéresser à ce sujet ?

 

Le suicide est la quatrième cause de décès chez les 15-29 ans (OMS, 2023). Pour chaque suicide, on estime qu’entre 6 et 28 personnes sont touchées (Séguin, M et al., 2020). Les jeunes sont directement ou indirectement touchés par ce sujet. Lors de cette rencontre, une jeune a partagé qu’une amie de classe s’était donné la mort par suicide. «Je n’ai pas compris pourquoi elle a fait cela, la veille elle était en classe et paraissait bien.» Un autre jeune a partagé comment un membre du personnel s’était donné la mort par suicide, et que la date du premier anniversaire de sa mort approchant, ils se posaient des questions sur comment faire mémoire de cette personne qu’ils.elles appréciaient. Tous.tes ont souligné l’importance de pouvoir parler ouvertement du suicide. Cet espace de parole a permis de sensibiliser les jeunes sur certains aspects, par exemple : expliquer que le suicide est multifactoriel et qu’il n’existe pas une cause précise qui pousse une personne à se donner la mort, transmettre le message que le suicide est évitable et souligner l’importance de transformer nos perceptions et de changer de discours autour du suicide, d’oser en parler. Il s’agit de passer d’une culture de silence et de stigmatisation à une culture d’ouverture, de libération de la parole, d’empathie, d’entraide et de soutien en matière de santé mentale et de suicide.

 

Qu’est-ce qui ressort de cette rencontre ? Quelles sont les préoccupations des jeunes par rapport à ce problème de société ?

 

Cette rencontre a été très intéressante et touchante, tant en termes de partages profonds et authentiques de leurs expériences autour du sujet, de leurs perceptions, de leurs questions et interpellations. Par exemple, un jeune partageait comment certains de ses amis en difficulté avaient du mal à en parler et étaient réticents à demander de l’aide à un proche. Une jeune témoignait du fait qu’ils.elles s’intéressaient à des sujets différents et «avaient des conversations profondes contrairement à ce que les adultes pouvaient penser.» Elle exprimait son souhait que les adultes s’intéressent davantage à eux, pas seulement à leur réussite académique. Un des aspects de cette rencontre qui m’a profondément touchée est leur capacité à se soucier et à être attentifs aux personnes qui les entourent. Beaucoup ont partagé qu’ils.elles se rendaient disponibles pour écouter les autres élèves. «Il faudrait développer et cultiver la gentillesse entre nous, et être plus gentils les uns envers les autres», a mentionné une jeune. C’est tellement juste ! En effet, une société plus solidaire, attentive et bienveillante permet de prévenir le suicide. Une société où chacun.e se sent précieux.se, où chacun.e se sent vu.e, considéré.e, valorisé.e, aimé.e.

 

Vous travaillez sur la publication d’un manuel sur la gestion des suicides/tentatives de suicides en milieu scolaire. Pourquoi est-ce nécessaire ?

 

Au cours des dernières années, plusieurs établissements scolaires ont dû faire face à une hausse des comportements suicidaires – pensées/tentatives/mort par suicide – chez les élèves et membres du personnel. La direction et l’ensemble du personnel, souvent en état de choc, peuvent se sentir impuissants, démunis, ne sachant quoi faire, ni comment intervenir et gérer ces événements traumatiques. En milieu scolaire, les conséquences du suicide peuvent être encore plus grandes, avec un risque d’augmentation significative d’autres suicides ou de tentatives de suicide parmi les élèves. L’effet d’entraînement possible est un phénomène inquiétant. À la suite du décès par suicide d’un.e élève, on estime que le risque augmente de trois fois les probabilités qu’un autre suicide survienne dans l’établissement scolaire fréquenté par cet.te élève, notamment dans les trois semaines suivant le décès. De multiples recherches indiquent que 50 % des adolescent.e.s exposé.e.s à un suicide présentent un risque de 2 à 4 fois plus élevé de se donner la mort et que de 1 à 4 % des suicides d’adolescent.e.s surviennent dans un espace-temps limité (Séguin, M et al., 2020).

 

Que peut-on faire pour renverser cette tendance ?

 

Pour contrer ce phénomène, il importe de prévoir une stratégie d’intervention comprenant une série d’activités planifiées en amont dans le milieu où le suicide/tentative de suicide a eu lieu. Cette stratégie, impliquant des mesures qui permettent d’agir à la fois sur le milieu et les individus touchés par les comportements suicidaires, est nommée postvention. Dans le cadre de l’un des projets de l’entreprise sociale Konekte, les services d’écoute en milieu scolaire, des professionnelles en psychologie ont développé un parcours de formation depuis juillet 2018 pour les membres du personnel et des professionnel.le.s de l’écoute/en psychologie. Depuis le mois de mai, ces personnes formées, en équipes selon les établissements, sont officiellement présentées dans l’établissement scolaire, comme membres d’une Équipe de Postvention (EPV). En octobre, un manuel de postvention en milieu scolaire sera publié par Konekte avec l’objectif que chaque établissement scolaire ait un guide détaillé pour aider dans la gestion de ces événements traumatiques, accompagné d’une équipe formée, pour la mise en place d’interventions spécifiques. Notre souhait est qu’à terme, tous les établissements scolaires à Maurice puissent avoir des équipes de postvention et accès au manuel pour aider à la gestion des comportements suicidaires en milieu scolaire. Car c’est tous.tes ensemble que nous pouvons et devons œuvrer à prévenir le suicide. Pour plus d’informations, merci de contacter info@konekte.mu