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L’Alliance Lepep, le MSM et Pravind Jugnauth : l’équipe sortante face à son avenir

Le Premier ministre sortant a choisi le silence ; ses alliés de l'élection de 2024, eux, ont distillé quelques informations.

Se remettre en selle ? Ce n’est, visiblement, pas à un ordre du jour qui a été pris par le leader du Mouvement socialiste militant (MSM), cette semaine. C’est plutôt l’ère de la non-communication, du silence. Et, peut-être, dans les coulisses, du post-mortem d’une écrasante défaite. 

Le temps du retrait. De la réflexion, peut-être. Mais ce que vit actuellement Pravind Jugnauth n’appartient qu’à lui ; il l’a décidé. Il a préféré prendre de la distance, apprend-on, même de ses plus proches collaborateurs. Une déconvenue qu’il vit dans l’intime, au cœur de lui-même. Car depuis l’acceptation de sa défaite à Quartier-Militaire–Moka, le lundi 11 novembre, l’ex-Premier ministre s’est fait plus que discret. Pour qu’il s’empare de l’actualité, il a fallu une rumeur d’interpellation à son domicile à Angus Road et d’arrest on departure, démenties finalement par la police. Ses proches ne communiquent pas. Ses députés sortants, non plus. Enfin, en tout cas, pas sur la situation au MSM. Pas sur l’avenir. Pas sur l’après. L’allié d’hier a, lui, précisé sa position ; le Parti mauricien social-démocrate (PMSD) a quitté l’Alliance Lepep. Ceux d’avant-hier laissent planer le doute. Alan Ganoo, Kavy Ramano, Ivan Collendavelloo et Steven Obeegadoo continuent à broder un peu (voir hors-texte). Alors, what’s next pour l’Alliance Lepep, pour le MSM et pour Pravind Jugnauth ?

 

Pour l’instant, estime Shafick Osman, docteur en géopolitique (Paris-Sorbonne), dont les prises de position contre l’Alliance du Changement ne sont pas passées inaperçues sur les réseaux sociaux, il faut la regarder en face, cette défaite. Un 60-0 n’est pas anodin ; au contraire, il parle d’une voix tonitruante : «C’est l’ampleur de la défaite qui surprend réellement même si j’avais prévu cette option dimanche soir. J’ai eu l’occasion de le dire et je le répète : à mon avis, tout s’est joué samedi dernier, voire samedi soir ou dans la nuit de samedi à dimanche.» Il énumère les facteurs qui ont assombri, selon ses observations, la route de Lepep lors de cette campagne : l’argent distribué par le Changement, «l’attaque frontale de la Voice of Hindu contre Kobita Jugnauth», la «diffusion des écoutes téléphoniques illégales» et aussi le ban sur les réseaux sociaux.

 

Aujourd’hui, même si cela est encore difficile, les regards orange doivent, néanmoins, se tourner vers l’avenir. Mais pas tout de suite, estime un des collaborateurs du leader du MSM. Chaque chose en son temps : «Pravind Jugnauth a pris un coup. Ce serait mentir que de ne pas le reconnaître. Il n’est pas le premier à qui cela arrive, non ? Que va-t-il en faire ? Comment va-t-il rebondir ? Il nous le fera, bientôt savoir. Bann dimounn sinser pa pou kit li, li bien kone. Alors un mauvais jour, ce n’est pas la fin de l’histoire. Surtout pas en politique.» C’est un point de vue. Mais ce n’est pas le seul, parce que certains.es MSM attendent des directives, des encouragements. Un nécessaire ralliement autour de la défaite, de la tristesse, du choc.

 

Que les instances du parti soient là même en eaux troubles, que ceux.celles qui sont restés.es, qui ont voté Lepep, soient entendus.es, reconnus.es. Ils.elles ne doivent pas se retrouver orphelins.es, selon notre interlocuteur, un membre de la vieille garde du MSM : «De nombreuses personnes ont voté pour l’Alliance Lepep ; elles ont juste été moins nombreuses», précise-t-il. Selon les chiffres de la Commission électorale, Lepep a obtenu 639 372 voix, soit 27,8 % des votes (rappelons que l’Alliance du Changement est à 62,5 % avec 1 438 333 voix). Il ne faut pas laisser le silence prendre la place, poursuit-il : «Pour moi, bizin bouze ! Pa less sa fre! Une défaite, ça arrive ; c’est la suite qui compte. Nou pou revini, nou. Nou pa pou atann 10-zan kouma travayis. Pour ça, le travail ne doit pas s’arrêter.»

 

Shafick Osman estime, lui, que Pravind Jugnauth a d’autres défis auxquels il doit faire face, d’abord : «Comme ça a commencé, il y aura une persécution sur la personne de Pravind Jugnauth et de son entourage dans les jours et les semaines à venir, et dans ce sillage, le leader du MSM et de l’Alliance Lepep n’aura pas de temps et d’énergie, à mon avis, pour se consacrer à la chose politique dans le sens de la reprise.» Il imagine un retour communiquant et effectif l’année prochaine : «Dépendant du déroulement des événements, il est à prévoir que le MSM va rebondir après la fin de l’année, soit au début de 2025 seulement. Cela dit, c’est un gros travail de remise en forme que le MSM devra faire et il faudra aussi voir si l’Alliance Lepep sera toujours là ou pas.»

 

Sur les braises, encore incandescentes, il est difficile de tirer des leçons valables ; il faut attendre que la température redescende, pour remuer les cendres et en ressortir les messages essentiels qui n’ont pas été pris dans le brasier des événements qui s’enchaînent et flambent, pour avoir la sagesse d’en retirer quelque chose. Au MSM, on n’y est pas encore. Surtout qu’il semblerait que l’heure est aux récriminations : pour expliquer, pour justifier cette débâcle électorale. Le feu des conflits internes devra s’apaiser quelque peu avant qu’un peu de sérénité permette un souffle renouvelé.

 

Pour réussir un retour qui s’inscrive dans la durée, pour entamer le chemin de la reconstruction, Shafick Osman conseille. D’abord, il faut regarder les choses en face : «Une autopsie de la défaite est importante et, de là, revoir les objectifs et, surtout, le mécanisme de fonctionnement du parti. Il y aussi une purge à faire après une défaite de cette ampleur.» Viendra ensuite la mobilisation pour l’accompagnement et la remotivation : «Les partisans et partisanes du MSM ont peur aujourd’hui des représailles, et certains font déjà face à des actes d’intimidation et de harcèlement. Il faudra réunir les bases et les fidèles dans toutes les circonscriptions, puis, avoir un message d’avenir pour eux, tout en gardant la proximité avec les habitants de ces circonscriptions.» Et cela ne se fera pas du jour au lendemain : «C’est un travail assez lourd mais aussi très courageux qu’il faudra entreprendre.»

 

Courageux et ardu. Surtout qu’au sein de l’Assemblée nationale et de l’opposition parlementaire, le MSM a un rôle des plus minimes, avec Joe Lesjongard, leader de l’opposition sans réelle équipe. Comment le MSM-Alliance Lepep trouvera sa dynamique ? L’avenir et le temps le diront…

 

L’Alliance Lepep s’effrite

 

D’abord le PMSD, récent allié, a claqué la porte. Xavier-Luc Duval a communiqué : «Le 10 novembre, les électeurs de Maurice ont exprimé un choix indiscutable, clair et sans équivoque.» Les Bleus soutiendront, donc, le leader de l’opposition et ont retrouvé leur «indépendance», a précisé le Joe en chef. Alan Ganoo du Muvman Patriot Morisien s’est confié sur la défaite : «Se akoz bann fakter ki an deor nou kontrol ek ki nou pa ti responsab ki finn inflians komportman lelektora de nou pei dan zot swa.» Il a également évoqué son «plan pour l’avenir» en teaser : des annonces devraient suivre dans quelques jours. Kavy Ramano a, lui, appelé à la mobilisation : «Notre travail sur le terrain doit continuer. Nous avons une responsabilité vis-à-vis de l’électorat ; notre ambition pour une société meilleure reste notre objectif.» Ivan L, du Muvman Liberater, n’a pas signifié son intention de quitter l’Alliance Lepep. Steven Obeegadoo, de la Plateforme Militante, non plus.

 

PS : L’Alliance Lepep était composée du MSM, du PMSD, du Muvman Liberater, du Muvman Patriot Morisien et de la Plateforme Militante.

 

C’est le silence !

 

De l’état-major du MSM aux candidats battus : aucune ligne de communication, apprend-on. Ils.elles seraient dans le flou et l’expectative. Cette semaine, nous avons tenté de joindre plusieurs anciens ministres, également candidats aux législatives 2024, pour en savoir plus sur leur marche à suivre, sur l’avenir. Aucun n’a souhaité répondre à nos questions. En fin de semaine, Vikram Hurdoyal a posté des photos de lui dans un verger ; Tania Diolle a sorti une nouvelle profile picture et il y a eu une démission des rangs du MSM, celle de Gilles L’Entêté…

 

Steven Obeegadoo : «Pour une redéfinition en janvier 2025»

 

Après la première réunion de la Plateforme Militante, membre de l’Alliance Lepep, ce samedi 16 novembre, l’ancien vice-Premier ministre évoque un temps de réflexion avant d’envisager l’avenir, qu’il soit avec le MSM ou pas.

 

Penser et panser. «Notre direction nationale s’est rencontrée. On a partagé les avis des uns et des autres par rapport à la défaite tout en réfléchissant à ce qui va suivre. Nous allons poursuivre notre exercice d’analyse dans la dimension de la critique et de l’autocritique comme dans la tradition militante. Nous allons voir et constater nos erreurs et nos faiblesses ; cela impliquera une remise en cause. Aujourd’hui, la priorité est la mise à jour de notre projet politique, de notre structure et de notre mode de fonctionnement.»

 

L’avenir avec le MSM. «Le travail sur la redéfinition de notre stratégie politique va se poursuivre jusqu’à la rentrée de janvier 2025.»

 

Félicitations. «Nous acceptons pleinement les résultats et nous constatons que l’organisation des élections sous la supervision de la Commission électorale, avec les mêmes procédés, a pleinement fonctionné, comme en 2019, comme en 2014. Des élections ne peuvent pas être truquées à Maurice.»

 

Temps de grâce. «Nous félicitons tous les élus et souhaitons bonne chance au Premier ministre, au gouvernement qu’il va mettre en place et au pays, qui l’a choisi. Il aura droit à un temps de grâce – ce qui nous a manqué en 2019. Le temps que son équipe et lui trouvent leurs marques. Je me tiens, comme à mon habitude, à la disposition de mes successeurs, pour une passation en bonne et due forme.»

 

Ils s’en vont, d’autres arrivent

 

En mode pass balye. Après la conquête du pouvoir, il est venu le temps de faire le vide dans les nominations du précédent régime. Si certains ont décidé de s’en aller d’eux-mêmes, d’autres ont eu besoin d’un petit coup de pouce (alors que certains attendent les directives avant de faire un move). Navin Ramgoolam a invité ces nominés, proches de l’ancien gouvernement, à quitter leur poste dans les plus brefs délais. Cette semaine, plusieurs d’entre eux l’ont fait. Qui sont ceux qui ont lev pake ale et qui sont ceux qui les ont remplacés ?

 

La MBC sans lui. Une correspondance et le voilà démis de ses fonctions avec effet immédiat. Le vendredi 15 octobre, le contrat du directeur général de la radio-télévision nationale, Anooj Ramsurrun, a été résilié. Par la suite, c’est Rama Armoogum qui a été nommé Officer in Charge de la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) on a temporary basis.

 

Banque de Maurice : enter Rama Sithanen. L’ancien ministre des Finances rouge se retrouve gouverneur de la Banque centrale. Le vendredi 15 novembre, Harvesh Seegolam avait confié, lors d’un point de presse, qu’il avait décidé de s’en aller dès qu’un nouveau boss serait nommé.

 

Yes he Ken! Ken Arian a décidé de s’en aller de lui-même. L’ancien Chief Executive Officer d’Airport Holdings Ltd a fait une correspondance en ce sens au Bureau du Premier ministre.

 

La FCC sans directeur général. Navin Beekarry a démissionné de son poste de directeur général de la Financial Crimes Commission (FCC). Concernant cette institution (qui a remplacé l’Independent Commission Against Corruption), l’Alliance du Changement a promis une refonte en profondeur.

 

Mais aussi. Le Dr Roshan Boodhoo a quitté la Financial Services Commission où il occupait le poste de Chief Executive ­– Raouf Gulbul a dit bye-bye au poste de président du conseil d’administration de l’Airports of Mauritius Ltd et de l’Airport Terminal Operations Ltd – Vikram Jootun a quitté la Mauritius Film Development Corporation, Dick Ng Sui Wa, l’Information and Communication Technologies Authority, Rajiv Servansingh, la State Trading Corporation, Gérard Louis, la Mauritius Society of Authors, Jitendra Bissessur, la Mauritius Investment Corporation.

 

Le président s’en va. Le mandat de Pradeep Roopun, président de la République, ainsi que celui d’Eddy Boissézon, vice-président, se termine le 2 décembre. Who’s next pour ces postes constitutionnels ? Plusieurs noms circulent pour l’instant…