Un fils attentionné, un époux aimant, un papa affectueux, un frère protecteur et un ami fidèle ; ce sont là tant de rôles qu’endossait Shameem Dewanuth. Une semaine s’est écoulée depuis que cet habitant de la capitale, employé comme receveur d’autobus pour la compagnie United Bus Service Ltd, a quitté ce monde. Victime d’un accident de la route le samedi 16 novembre, il a rendu l’âme à l’hôpital le lendemain ; un départ si brusque, si soudain, que les membres de son entourage ont encore du mal à le réaliser. «Lorsque quelqu’un tombe malade, cela nous donne le temps de nous préparer à sa mort. Pou li, tou finn pas telman vit ki sa pann donn nou letan konpran ki nou pe viv. Tou dimoun ankor dan sok», confie sa sœur Shaheen, tremblante d’émotions. Elle a du mal à se faire à l’idée que cette année, pour la toute première fois depuis très longtemps, elle ne lui offrira pas sa paire de chaussures haut de gamme pour son anniversaire. «Il aurait eu 37 ans le 10 décembre. Chaque année, je lui offrais une bonne paire de chaussures pour qu’il la porte toute l’année pour travailler. C’était devenu un rituel ; c’était le seul cadeau qu’il me réclamait tous les ans», lâche-t-elle avec regret.
C’est peu après 14 heures, le samedi 16 novembre, que Shaheen a reçu un coup de fil de quelqu’un lui annonçant que son frère avait été victime d’un accident de la route. Elle était alors chez ses parents, à Port-Louis, venue leur rendre visite comme à chaque week-end. Ne souhaitant pas les inquiéter, elle s’est précipitée vers l’hôpital Dr A. G. Jeetoo accompagnée de l’un de ses neveux. «Lorsque l’ambulance est arrivée, j’ai immédiatement reconnu mon frère grâce à ses vêtements. Il portait son uniforme. Il avait toujours connaissance mais se tordait de douleur. Les médecins l’ont tout de suite soumis à des examens pour déterminer la gravité de ses blessures. Lorsque l’un d’eux s’est adressé à moi une heure plus tard, linn dir mwa fer boukou lapriyer. Apre sa, mo pann santi mwa kapav get mo frer. Monn kit lopital, monn dir mo papa vinn get li». Ce dernier a été tout aussi choqué en se rendant compte de l’état de santé critique du trentenaire. «Li ti panse ki li pa grav, ki so lebra inn zis kase», relate Shaheen, émue.
Ces graves blessures, Shameem Dewanuth les a subies après avoir perdu le contrôle de son deux-roues sur la Nationale, à Port-Louis. D’après les informations glanées par les forces de l’ordre, le trentenaire aurait perdu l’équilibre pendant qu’il tentait de se faufiler entre un poids-lourd sur la voie lente et un autre véhicule sur la voie rapide. La scène a été capturée par les images des caméras Safe City situées à proximité. Ayant subi d’atroces blessures, il a été conduit à l’hôpital par le Service d’Aide Médicale Urgente (SAMU). Sa sœur relate que les examens pratiqués par le personnel de l’établissement avaient démontré que ses séquelles étaient internes : il avait eu les côtes fracturées, le poumon perforé et avait perdu beaucoup de sang. Elle avait lancé un appel sur les réseaux pour des dons de sang mais c’était sans compter que le trentenaire pousserait son dernier soupir moins de 24 heures après son hospitalisation. «Les médecins ont fait de leur mieux pour le soigner. Me se lao-la kinn deside.» L’autopsie pratiquée par le Dr Maxwell Monvoisin a attribué son décès au choc de ses multiples blessures.
La nouvelle de sa mort a été dure à encaisser pour les membres de sa famille. Marié, papa de deux garçons de 8 ans et 4 mois, il laisse derrière lui des proches bouleversés, affligés. «Li pa fasil pou so madam ki ti abitie dan enn lakaz kot so misie ti la toultan. Monn dir li, li bizin res for pou zot de zanfan. Kan so madam ti pe sorti avek zot pli gran garson, se li ki ti pe res lakaz pou okip bebe. Cela lui permettait, par la même occasion, de passer du temps avec notre mère vu qu’ils vivent sous le même toit», confie sa sœur. Elle raconte que le trentenaire et elle avaient le même lien fort. «Ena kou li ti pe sonn mwa pou dir mwa avoy li enn kart. Li pa ti pe met kas zame lor so telefonn. Ouswa sak fwa li ti pe trouv mwa, li ti pe rod enn ti kas ek mwa ou dir mwa li ti pe gagn faim. Li ti koumadir enn ti zanfan avek mwa. Ena dimoun ti pe dir mwa mo koumadir enn deziem mama pou li», se remémore-t-elle en souriant. Quelqu’un de calme, doux, généreux et aux petits soins, aussi bien avec les membres de sa famille qu’avec des étrangers ; c’est comme tel que ceux qui ont côtoyé Shameem Dewanuth le décrivent. Désemparés, ils tentent chacune de faire leur deuil à leur manière. Même son fils aîné, relate Shaheen, «a du mal à exprimer ce qu’il ressent à son âge mais nous savons qu’il comprend ce qui se passe. Lorsque j’ai demandé à mes proches si je pouvais leur ramener quoique ce soit il y a quelques jours, mon neveu m’a répondu innocemment ‘amenn mo papa’. Cela m’a fendu le cœur».
Les funérailles de Shameem Dewanuth ont eu lieu le même jour, soit le dimanche 17 novembre, dans l’après-midi. Les jours suivants, relate sa sœur Shaheen, «je recevais encore des appels d’internautes ayant vu ma publication et voulant faire don de leur sang à mon frère. Morisien inn bien ed mwa». L’épreuve douloureuse que ses proches et elle ont traversée est, pour la jeune femme, une véritable leçon de vie. «Fode pa ki bann dimoun res ankoler avek enn pros. Nimport ki moman kapav perdi kikenn. Nous devons chérir nos êtres chers tant que nous en avons l’occasion car nous ne savons pas quand ils nous quitteront.» En ce qui concerne l’enquête policière, son entourage préfère «less tou dan lame lapolis. Monn fini perdi mo frer, pena nanye ki pou retourn li. Mo zis espere ki si sofer-la antor, li fer pli atension a lavenir pou ki lot dimoun pa perdi lavi koumsa». Elle lance aussi un appel aux usagers de la route pour qu’ils redoublent de vigilance.