Entourés de leurs huit filles, Mirella et Alain sont les parents les plus heureux du monde.
Onze fois maman, Dorine est ici en compagnie des derniers de la fratrie. Vivant dans une situation précaire, elle a besoin d’aide pour s’en sortir.
Elles n’ont pas un, deux, ni trois enfants. Aussi rares soient-elles aujourd’hui, certaines femmes ont fait le choix d’avoir une grande famille. Bien que leur quotidien puisse s’avérer souvent compliqué, être entourée d’une pléiade d’enfants les rend heureuses. C’est le cas de Mirella, maman de huit filles, et de Dorine qui a onze enfants. Elles nous racontent leur histoire…
À l’époque de nos grands-parents, temps où la contraception était encore méconnue, il n’était guère étonnant de croiser des familles de neuf, dix ou douze enfants. Aujourd’hui, ce n’est plus vraiment le cas. Au fil des années, les familles nombreuses ont peu à peu disparu en raison de l’accès à la contraception, mais aussi de l’évolution du temps qui voit la plupart des femmes travailler par exemple et du coût de la vie qui n’arrête pas d’augmenter.
Ainsi, de nombreux couples préfèrent fonder une famille avec un ou deux enfants, voire trois enfants, ce qui est déjà considéré comme beaucoup. Avoir plusieurs enfants signifie autant de bouches à nourrir, de vêtements à acheter, de cadeaux à offrir, d’études à payer, de temps à accorder, et tant d’autres choses encore
Pourtant, certaines femmes ont fait le choix d’avoir une grande famille. Faisant fi des implications financières qui peuvent être énormes, elles ont d’abord fait un choix d’amour. Comme Mirella qui a toujours su qu’elle n’aurait pas un, ni deux enfants. Elle a toujours souhaité avoir une grande famille et son vœu a été exaucé ; elle est aujourd’hui une femme et une maman heureuse et épanouie.
Avec son époux Alain, ils sont les heureux parents de huit filles. Agnès, Anaëlle, Anaïs et Anielle sont les enfants biologiques du couple qui a agrandi la famille en adoptant Christina, Mélodie, Mélanie et Nadia. Après l’arrivée de leurs trois premières filles, il y a une vingtaine d’années, un événement inattendu a changé leur vie à jamais. «Une jeune voisine venait de décéder, laissait derrière elle quatre enfants dont deux filles. Nous étions très touchés. Les petites n’avaient nulle part où aller, nous avons alors décidé de les prendre sous notre aile, de les aimer et les protéger. Nous avons accueilli nos deux autres filles adoptives quelque temps plus tard», se souvient Mirella, avec émotion.
Quotidien difficile
Avoir une tribu à la maison, Dorine, une habitante de Curepipe connaît cela aussi. Elle est la maman de 11 enfants âgés entre 6 et 27 ans. «J’ai sept filles et quatre garçons», dit-elle. Sabrina, Prisca, Jordy, Dorianne, Céline, Pascal, Emmanuel, Tessila, Félicia, Ingrid, Ashley et ses petits enfants Ornella et Dylan sont ce qu’elle a de plus précieux au monde. Comme Mirella, elle a toujours voulu avoir une grande famille car elle adore les enfants même si elle ne pensait pas en avoir 11.
Déjà jeune, raconte-t-elle, elle avait arrêté l’école pour venir en aide à sa mère malade et s’occuper de ses frères et sœurs. «J’ai toujours voulu avoir beaucoup d’enfants, mais ce n’est pas facile tous les jours», confie-t-elle. Le quotidien des familles nombreuse n’est pas toujours évident. Car les dépenses sont monumentales.
Séparée du père de ses enfants, Dorine, marchand ambulant, fait comme elle peut pour subvenir aux besoins de sa famille. Le quotidien est pour elle synonyme de défi. Bien qu’elle travaille comme une forcenée et reçoit une aide sociale de l’état, sa situation financière est difficile.
Et que dire de la gestion du ménage au quotidien. Heureusement, elle peut compter sur ses grands enfants qui l’aident pour les tâches ménagères. Elle quitte la maison aux petites heures du matin après s’être occupée des petits et rentre à 18 heures après une longue journée de travail qui ne s’avère pas toujours fructueuse.
«Nous n’avons pas beaucoup d’argent. Je vends des chaussettes et d’autres produits, et des fois, je ne gagne que Rs 200 par jour. Cet argent me permet d’assurer le repas du soir. Les enfants dorment tous sur des lits superposés et se partagent tout ce qu’ils ont. Nous sommes déjà restés cinq mois sans électricité et il arrive que nous n’ayons rien à manger, mais je fais toujours en sorte que mes enfants aient quelque chose à se mettre sous la dent», souligne-t-elle. Avec le peu qu’elle gagne, Dorine limite les dépenses. Pas de sorties pas de resto, pas de voyage. Il n’y a pas de place pour les excès. Que ce soit pour le matériel scolaire, les vêtements ou autres, elle n’achète jamais du neuf et ne fait jamais de provisions pour le mois. La famille s’approvisionne au jour le jour. «Il faut une grande organisation pour pouvoir gérer tout ça», dit-elle.
S’organiser, voilà également le maître mot de Mirella. Si elle ne connaît pas les mêmes difficultés financières que celles de Dorine, elle avoue qu’elle ne s’en sortirait pas sans un bon planning. Il y a quinze ans, après sept enfants à la maison, Mirella ne pensait pas en avoir d’autres, mais c’était sans compter la petite dernière qui a décidé de pointer le bout de son nez et de créer la surprise : «Même si cette grossesse n’était pas prévue, nous étions tellement heureux d’avoir un quatrième enfant biologique. Elle est d’ailleurs la plus gâtée.»
Sacrée organisation
Avec huit enfants sous le même toit, il faut une sacrée organisation. Par exemple, deux filles se partagent une chambre et pour les déplacements familiaux, les parents ont opté pour un van. «Aujourd’hui, il n’y a plus que six enfants à la maison et elles sont plusieurs à travailler. Il faut aussi compter les futurs gendres qui se joignent au groupe.» C’est sûr, chez Mirella et Alain, c’est joyeux.
À la maison, chaque fille a son rôle. Les tâches ménagères et les repas sont déjà définies et réparties. Pour que tout se passe bien, tout le monde met la main à la pâte. C’est la règle chez Mirella et Alain. Côté dépenses, le budget n’est pas des moindres. Les vêtements, les chaussures, le matériel scolaire, toutes les dépenses devaient être multipliées par huit quand tous les enfants allaient encore à l’école : «À un moment, j’avais sept enfants à l’école en même temps. Chaque matin, il me fallait pas moins de 12 pains. Une préparait tous les pains et une autre tous les jus et ainsi de suite.»
Pour la rentrée scolaire, Mirella s’y met plusieurs mois à l’avance afin d’être prête pour le jour J et elle s’assure que ses enfants ne manquent jamais de rien. Mais ce que Mirella aime par-dessus tout ce sont ces moments de joie et de partage ainsi que la solidarité et l’amour qui unissent sa famille : «Il arrive souvent que je me mette à discuter avec une de mes filles dans la chambre et elles arrivent toutes une à une et là c’est parti pour des heures de rigolades. Nous sommes très proches.»
Amour, partage, fraternité, c’est à tout cela que Dorine carbure aussi. Avoir ses enfants à ses côtés, c’est le plus important et c’est ce qui la motive à aller de l’avant. Malgré tous les moments difficiles, Dorine ne regrette absolument pas d’avoir mis au monde ses 11 enfants. Pour elle, comme pour chaque mère, ses enfants sont la prunelle de ses yeux. Puis, chacun l’aide du mieux qu’il le peut, surtout les plus grands. Et tous veulent s’en sortir. D’ailleurs, l’un de ses fils l’a rendue très fière en faisant son entrée dans la force policière. Et quand elle voit l’entente qui existe entre ses enfants et l’amour qu’ils lui portent, Dorine ne peut qu’être une mère de famille nombreuse très heureuse.
Le saviez-vous ?
Selon une étude française, avoir une famille nombreuse diminue la probabilité de se séparer. Eh oui, ceux qui sont issus d’une famille XXL peuvent donc se réjouir. À en croire les chercheurs, plus la fratrie est nombreuse, plus le risque de divorce est revu à la baisse. Ils affirment même que chaque frère ou sœur supplémentaire réduirait le risque de rupture de 2 %. En additionnant les chiffres, ça fonctionne pas mal.
Parole de Pro
Hema Conhyedoss, psychologue
«Il faut savoir faire l’équilibre…»
Comment un enfant trouve-t-il sa place dans une tribu ?
C’est souvent très difficile pour les enfants issus d’une grande fratrie de trouver leur place par rapport aux parents, à la hiérarchie et aux ressources de la famille. Cela peut alors être source de jalousie, de frustration, de méfiance si, par exemple, l’on favorise l’un et pas l’autre, que l’on accorde plus de responsabilités à un enfant et pas à l’autre. En fait, tout dépend des parents et de la façon dont ils gèrent leur fratrie.
Il faut savoir faire l’équilibre, mettre tout le monde au même niveau, ne pas favoriser un enfant aux dépens de l’autre, ne pas faire de comparaison, tous les traiter sur un pied d’égalité. Les parents doivent être attentifs aux besoins de leurs enfants. Certains réclament plus d’attention que d’autres, mais chaque enfant est unique et a des besoins différents. Si tout cela est respecté, ça marchera très bien.
La place occupée au sein de la fratrie a-t-elle une influence sur l’enfant ?
Définitivement. Les aînés, parce qu’ils se trouvent en haut de l’échelle, ont tendance à être beaucoup plus responsables que les autres dans leur vie d’adultes, dans leur travail, dans leur couple, dans leur foyer. Par contre, ceux du milieu, qui disent avoir manqué d’affection, n’auront pas forcément une stabilité dans leur vie future. Ils seront constamment à la recherche d’attention. Ceux qui n’ont jamais eu à faire d’effort pour recevoir des choses répéteront ce comportement une fois adultes. Ils attendront que les autres fassent des efforts pour eux.
Famille nombreuse, famille heureuse… est-ce vraiment le cas ?
Bien sûr, mais tout dépend des parents évidemment. Le bonheur ne dépend pas de la quantité, mais de la qualité. S’il y a une bonne façon de vivre, l’écoute de l’autre, un échange émotionnel, un partage des valeurs morales, l’entraide, la complicité, l’amour,
ce sera définitivement une famille heureuse.