En pleine période de rébellion, les ados refusent souvent l’autorité des parents.
Période de transition obligatoire marquant le passage de l’enfance à l’âge adulte, l’adolescence prend parfois des allures de raz-de-marée dans la vie d’une personne. Souvent synonyme de rébellion et d’opposition, cette étape de la vie suscite appréhension et nombre d’interrogations, y compris chez les parents. La psychologue Véronique Wan nous dit tout sur ce phénomène…
«Je suis nul.» «Je suis moche.» «Je m’en fous.» «Je fais ce que je veux de ma vie.» «Personne ne m’aime.» Si vous êtes parents d’un ado, vous avez probablement déjà entendu l’une de ces phrases au moins une fois ces derniers temps. Eh oui ! Ce n’est pas toujours facile d’être les parents d’un petit jeune surtout quand celui-ci est en pleine… crise.
L’adolescence est une période de transition délicate entre l’enfance et l’âge d’adulte. Bien plus qu’une croyance, la crise d’adolescence est un passage quasi obligatoire bien que certains professionnels soutiennent que tous les ados n’entrent pas forcément en «crise» malgré leur évolution constante. Il y a d’abord une transformation physique qui intervient avec la puberté et la croissance. Pilosité, mue de la voix, tétons douloureux pour le garçon. Règles, poitrine, hanches, pilosité chez la fille. Autant de changements morpho-psychologiques qui deviennent au fur et à mesure plus importants.
Hormis l’aspect physique, explique la psychologue Véronique Wan, la psychologie de l’ado connaît aussi d’autres mutations : «Leur personnalité s’affirme. Ils veulent découvrir de nouvelles choses, tenter de nouvelles expériences. Il y a aussi la crise identitaire. Ils ne sont plus des enfants et ne veulent plus être traités comme tels, mais ils ne sont pas encore des adultes.» Rebelle et extravertie ou au contraire effacée et repliée, la personnalité des ados connaît du coup un vrai bouleversement.
C’est aussi l’âge de l’éveil sexuel et des premières amours. Les adolescents découvrent leur sexualité, vivent leur première attirance vers le sexe opposé alors que d’autres développent une orientation homosexuelle. Accros à la mode et aux technologies, ils ne se soucient pas du regard des autres et entendent mener leur vie comme bon leur semble. Très attachés à leurs amis dont ils se sentent très proches, ils veulent suivre le trend afin de se sentir inclus dans un groupe. Face à tous ces changements, ce moment de la vie devient une étape mouvementée qui se manifeste sous forme de désobéissance, de rébellion, de trouble du comportement, de mise en danger, d’agressivité et de violence contre les autres et soi-même dans certains cas.
«Je-m’en-foutisme»
«C’est une période d’opposition et de révolte. On la qualifie comme l’âge ingrat car ils sont égocentriques, réclamant toujours plus de choses pour eux sans tenir compte des capacités financières des parents. En contrepartie, ils n’obéissent pas, ils ne sont pas serviables. C’est la nonchalance, l’insouciance, la provocation, l’excentricité, le “je-m’en-foutisme”. Ils vont souvent au-delà des espérances des parents, mais pas dans le bon sens», souligne t-elle. Et quand ils ne sont pas d’accord, ils n’hésitent pas à manifester leur colère en désobéissant, haussant le ton, claquant les portes. Face à ce genre de réactions, rien
ne vaut une bonne discussion
en toute franchise. Une fois
les esprits calmés, le dialogue
est indispensable.
Durant cette période délicate, les ados, beaucoup plus fragiles psychologiquement, se laissent aussi facilement influencer et ne savent pas forcément contrôler leurs envies, leur émotivité, leur impulsivité : «Ils sont en pleine recherche de leur identité, de leur propre territoire. Sans compter qu’ils doivent gérer en même temps les études, le stress, la pression des parents, les conflits, la rivalité avec les amis, les chagrins d’amour.» L’encadrement, l’accompagnement et la compréhension des parents sont de ce fait indispensables.
Car si dans l’immense majorité, les conséquences de cette rébellion sont sans gravité, dans certains cas elles sont bien plus graves ; des adolescents sombrent au fond du gouffre quand ils doivent par exemple gérer, en plus, leurs propres complexes – physiques ou d’infériorité –, et faire face à des conflits familiaux comme un divorce. Les manifestations de leur mal-être – boulimie, anorexie, automutilations – peuvent alors être très inquiétantes. Souvent, entrer en conflit est une manière détournée pour eux de rechercher de l’attention et de demander de l’aide. Il est donc important de rester attentif à ces signes précurseurs.
Pour gérer la crise d’adolescence, il n’y a pas de recette miracle. La relation parent-enfant doit reposer sur la confiance, la communication et le respect, entre autres. Pour un adulte, poursuit Véronique Wan, il est important de savoir respecter son enfant et son espace privé. «Fouiller dans ses affaires et dans son téléphone» n’est pas une chose à faire même si l’on veut se tranquilliser. S’il arrive à l’apprendre, il se sentira blessé et le vivra comme une trahison. L’adolescent, comme toute autre personne, a donc besoin de son espace privé. Le guider, le rassurer, le soutenir… Tout cela est essentiel.
Lui faire confiance est aussi extrêmement important tout en sachant rester ferme, imposer des limites et être attentif aux éventuels signes de mal-être. Selon Véronique Wan, tout parent doit savoir quoi faire et quoi ne pas faire avec son enfant. Par exemple, il est primordial de ne pas systématiquement donner d’importantes sommes d’argent au jeune qui ne comprend pas forcément la valeur des choses, mais plutôt lui apprendre comment gérer son argent de poche. Il est tout aussi important de ne pas céder à chacun de ses caprices et savoir le récompenser quand c’est vraiment nécessaire. «Il faut que cela vienne dans les deux sens. On récompense l’enfant quand il a bien travaillé à la fin du semestre par exemple et non pas chaque semaine», déclare-t-elle. Savoir dire non, même si dire oui quelques fois serait beaucoup plus facile, est essentiel.
Dans les moments de grande difficulté, souligne la psychologue, les parents se doivent de chercher de l’aide auprès de professionnels. «C’est normal de passer par cette période de crise qui doit être passagère. Il ne faut pas que ça se prolonge dans le temps car ça risque de se transformer en un conflit perpétuel entre l’enfant et le parent», dit-elle.
Dialogue constructif, discussion franche, explication claire, échange, partage, complicité… Voilà autant de règles de conduite que doivent adopter les parents pour traverser ce cap tumultueux sans encombre.
Confessions…
Shamima : «Je suis surprotectrice, anxieuse, possessive»
Avec mon fils, nous avons une relation très fusionnelle. On parle de tout. Mais, ce n’est pas toujours facile. Comme tout ado, il me fait aussi, par moments, sa petite «crise». Des fois, ce sont des chantages pour avoir plusieurs choses en même temps. Un iPhone 4, ensuite un iPhone 5, des gadgets technologiques qui ne coûtent pas un sou. À mon époque, c’était différent. On avait peur de demander des choses à ses parents et on savait déjà que ce serait non. Mais aujourd’hui, les ados se croient tout permis. Il faut qu’ils aient ce qu’ils ont demandé tout de suite. Ils ne peuvent pas attendre. Une fois qu’on leur a donné ce qu’ils cherchent, il y a aussitôt une nouvelle demande.
Des fois, je cède pour avoir la paix, mais souvent, je résiste et là, il n’est pas content. Je lui fais comprendre que ce n’est pas possible de tout avoir dans la vie. Il y a aussi les sorties entre copains. Je sais qu’il ne fume pas, mais qu’il boit raisonnablement un verre d’alcool dans les fêtes. D’ailleurs, c’est arrivé que je sente l’odeur d’alcool sur lui et là, il m’en parle. De plus, je ne fais aucune concession sur les études. C’est ce qu’il y a de plus important et on ne rigole pas avec ça. Il n’est pas toujours d’accord avec mes réflexions et il tente de se défendre. On se dispute et après 15 minutes, on se parle, on rigole. Comme beaucoup de mamans, j’aime sans concession. Je suis surprotectrice, anxieuse, possessive et lui, il déteste ça. Je ne réalise pas vraiment qu’il grandit et qu’il devient un jeune homme. Je réalise qu’il se sent écrasé par cet amour féroce. Il veut se débrouiller tout seul.
Priya : «Côté sortie, je suis assez flexible»
Sans grande prétention, je suis une maman assez cool. Peut-être que c’est parce que je suis une jeune maman. J’essaie autant que possible d’être proche de mes enfants et de ne pas incarner l’image de la maman stricte et sévère. Je ne suis pas sur leur dos à longueur de journée. Je leur accorde une certaine liberté tout en ayant les yeux ouverts. Ils ne se rebellent pas encore, mais comme chaque adolescent, ils ont leurs petites «crises» de temps en temps et là, je gère la situation du mieux que je peux.
Ils ont des sautes d’humeur. Des fois, après une mauvaise journée à l’école, ils sont d’une humeur massacrante. Ils vont directement dans leurs chambres et boudent. Mais ils reviennent toujours à de meilleurs sentiments après et on en parle posément. Je les laisse exprimer leur colère et se défouler, avec une limite bien sûr, et ensuite, c’est à moi de m’expliquer. Il faut leur donner un peu d’espace et les respecter. Des fois, ça peut chauffer. Côté sortie, je suis assez flexible du moment que je sais où ça se fait et avec qui. Quand l’explication est claire, je n’ai aucun problème. La confiance et la communication sont importantes. Avant qu’ils ne sortent, je leur parle et une fois qu’ils sont partis, je les appelle plusieurs fois. Je leur fais bien comprendre que s’ils brisent la confiance qu’il y a entre nous, ce seront eux les perdants.
Sharon : «Ça m’est arrivé de les suivre…»
Pendant l’adolescence de mes deux filles, c’était difficile de parler avec elles, mais je n’ai jamais désespéré, je n’ai jamais baissé les bras car la communication est très importante. Des fois, je parlais avec douceur, d’autres fois avec fermeté.
Il y a eu des conflits, surtout quand elles voulaient sortir entre amis. J’avais peur, je voulais savoir où et avec qui. Il m’est arrivé de les suivre pour m’assurer qu’elles étaient en sécurité. Sinon, je n’arrête pas de les appeler au téléphone pour savoir si tout va bien. Les jeunes veulent se retrouver entre eux et n’aiment pas se sentir étouffés, et la constante surveillance des parents amène des conflits. Une fois, ma benjamine a voulu aller vivre avec ses amis. Elle était bien décidée à quitter la maison. J’ai eu un tel choc. Je ne pouvais pas le croire.
Pour tous les parents, l’adolescence est une étape difficile. Il faut leur parler, les écouter, les guider, mais ce n’est pas toujours facile. Les jeunes manquent de repères, ils sont perdus, surtout quand il y a des problèmes dans le couple. Quand on devient parent, on n’est pas forcément préparés à tout ça. On apprend avec l’expérience de la vie. Selon moi, il y a un vrai manque au niveau des institutions pour gérer, guider et aider les jeunes ados en difficulté à Maurice.