Nicolas Soopramanien
Deepa, étranglée et découpée au grinder par son époux Ashish, Selvina, poignardée par son ex-concubin, Rachel, 21 ans, tuée de 31 coups de couteau par son ex-petit ami. Cette semaine, le pays a connu trois crimes atroces commis sur des femmes. Nicolas Soopramanien, psychologue-clinicien, donne son avis sur ces actes de violence.
Trois crimes atroces en une semaine. Quelle analyse faites-vous de ces faits divers ?
C’est vrai que ces faits divers interpellent. Déjà, de par la violence qui émane de chacun de ces cas, les histoires qui entourent ces crimes mais aussi du fait que toutes les victimes sont des femmes. Ce qui attire l’attention aussi, c’est la façon dont ces actes ont été commis. Il ne s’agit pas là d’un coup de bouteille ou d’un échange de quelques coups. Dans un des cas, par exemple, le suspect a utilisé un grinder, après son crime, pour faire disparaître le corps de sa victime. C’est quelque chose qu’on n’a pas l’habitude d’entendre et rien que le fait d’avoir utilisé un tel appareil, de s’être déplacé pour aller se le procurer, je dirais que cela relève de la psychiatrie.
Tuer, c’est condamnable, mais les différents cas de cette semaine, nous amènent à constater que la façon de procéder pour tuer a grandement évolué. C’est fait avec haine et je dirais que cela renferme peut-être de la frustration. On a là tendance à se poser des questions. Est-ce que les gens s’inspirent de ce qui se fait ailleurs ? Est-ce qu’il y a l’influence de films ? Quoi qu’il en soit, c’est normal d’être interpellé, car ce genre d’acte suscite forcément le choc, l’exaspération, la colère et l’incompréhension. Et en ce début d’année, avec trois crimes en une semaine, les Mauriciens se posent bien des questions. Qu’est-ce qui se passe dans notre pays ? Qu’est-ce qui se passe dans notre société ? Pourquoi les gens n’arrivent-t-il pas à se contrôler ?
Dans les trois cas, les victimes sont des femmes. Comment interpréter cet état choses ?
Ces cas indiquent peut-être qu’il y a toujours cette mentalité qui prône que l’homme est supérieur à la femme. Malheureusement, il y a encore des hommes qui pensent que la femme est leur propriété, ce qui résulte en des actes de violence lorsque ces derniers voient que leur femme échappe à leur contrôle
Qu’est-ce qui provoque, selon vous, ces actes de violence ?
Chaque cas est différent. Dans certains cas, il semble que ces personnes ont un problème par rapport à l’autorité. Ils ont peut-être tout le temps refusé de se conformer à des règles ou à des lois et pensent que tout leur est permis. Devant chaque obstacle, ils ne trouvent rien de mieux que d’utiliser la violence pour résoudre leur problème. Ils pensent que c’est eux qui décident et la violence est la meilleure façon pour eux de tout gérer. Certes, il y a aussi l’environnement ou encore les conditions familiales qui peuvent entrer en jeu pour expliquer ce genre d’agissement.
Est-ce que tous ces faits divers sont des signes que notre pays est malade ?
En ce moment, les gens ont le sentiment qu’il y a un manque d’autorité dans le pays, que chacun fait son chemin comme il l’entend. Certes, il y a des lois, mais les gens doivent aussi sentir qu’il y a une autorité, qu’il y a une présence pour faire régner la loi, qu’il y a un «concern» pour améliorer les conditions de vie. On peut croire qu’il y a en ce moment plus de scandales mais qu’il y a un manque d’«incentives» pour changer la vie des gens face au coût de la vie ou encore pour faire reculer le chômage. Un rien peut provoquer la colère. Cela peut générer un ras-le-bol ou encore de la frustration qui à tout moment provoquer une explosion de colère.
Que faudrait-il faire pour faire reculer cette tendance ?
Il faudrait miser sur l’éducation, il faut que tout le monde comprenne, et cela depuis très jeune, que l’homme et la femme sont égaux. Et c’est pour cela que je suis, pour ma part, pour la mixité dans les écoles et les collèges, pour que depuis très tôt, tous comprennent que l’homme et la femme sont égaux dans la société.