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Comprendre l’incompréhensible

Les uns voient en elle une héroïne, symbole des enfants victimes de violences sexuelles. Les autres sont troublés par cette histoire, où il y a eu mort d’homme et se demandent s’il faut applaudir un crime. Entre les deux positions, la justice a décidé que la fillette de 10 ans qui a avoué un meurtre, est exempte d’une accusation provisoire. Ce fait divers-là n’est pas banal. Et il traduit notre difficulté à comprendre l’incompréhensible.

Mais il aura fallu, encore une fois, un drame pour gratter le papier glacé de notre carte postale. Et pour qu’une spirale infernale nous explose en pleine figure. Ici, il s’agit d’une famille aux conditions de vie difficiles : le papa, ancien porteur de légumes, n’arrive plus à travailler après une fracture à l’épaule et se fie à une pension de l’État, la maman est femme au foyer. Ils ont cinq enfants, dont un est handicapé. Et ils ont accueilli sous leur toit, celui qui a été tué, Jocelyn Veerasamy, un ami du père. Dans leur modeste maison : trois petites pièces, une cuisine, un salon qui fait aussi office de chambre à coucher pour les parents, et une chambre où dorment les cinq enfants ainsi que Jocelyn Veerasamy.

Pourquoi est-ce que des parents permettent à un homme de 51 ans, de dormir dans la même chambre que leurs enfants, d’autant que la fillette de 10 ans s’est confiée plusieurs fois autour d’elle sur les harcèlements subis ? Beaucoup aujourd’hui mettent en cause l’entourage familial qui n’aurait pas assez protégé cette fillette.

Au-delà de ce cas particulier, il faut aussi reconnaître que souvent la parole des enfants est ignorée. Surtout dans des cas de dénonciations de harcèlement/sévices/violences sexuelles. Elle est ignorée parce que les adultes ne prêtent pas souvent foi aux dires des enfants, elle est ignorée parce que des parents ne mesurent pas toujours la grande souffrance que vit l’enfant. Elle est ignorée aussi parce que ceux dénoncés font souvent partie de l’environnement immédiat de la victime. Ici, c’est un ami, là-bas un oncle, un beau-père et dans quelques cas, le papa lui-même. Combien d’enfants, victimes de prédateurs, de pédophiles, gardent le silence par peur de briser la cellule familiale ou par peur de ne pas être pris au sérieux ? Combien de petits garçons vivent toujours avec leurs lourds secrets ? Combien de jeunes femmes, des fillettes d’autrefois, font des cauchemars les ramenant encore et toujours au statut de victimes démunies, face à leurs bourreaux ?

Ce n’est pas toujours le cas, mais il n’est pas rare que les raisons financières l’emportent sur d’autres considérations, si graves soient-elles. Dans le cas de la fillette de Forest-Side, l’on apprend d’un proche même de la famille que le présumé bourreau aidait à «faire bouillir la marmite». Est-ce que les parents ont délibérément fermé les yeux à cause de ces raisons ?

En attendant que la police poursuive son enquête, en attendant que les Mauriciens digèrent le choc, en attendant que notre justice se penche sur le cas d’enfants criminels, l’on devrait s’interroger sur l’avenir de cette fillette. Après le soulagement de sa non-inculpation, qu’adviendra-t-il d’elle ? De quel encadrement psychologique/social bénéficiera-t-elle ? Est-ce que son nouvel environnement (elle a été recueillie par sa tante) sera propice à une certaine stabilité ? Comment gérera-t-elle ce drame? Qui l’accompagnera dans son travail de reconstruction de sa personne ? Et l’école ? En cinquième cette année, cette fillette devrait donc, l’an prochain, prendre part aux examens du CPE. Est-ce que les adultes autour d’elle s’en soucient ?

Autant de questions qui méritent que l’on s’y attarde sérieusement…

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