LES lecteurs/lectrices qui ne lisent pas les pages faits divers ne s’arrêteront même pas sur son histoire. Les autres oublieront son nom dans quelque temps, le temps qu’un récit encore plus douloureux chasse celui-là. Pour les membres de sa famille, la plaie se cicatrisera difficilement. Et un jour, un petit garçon, qui aujourd’hui, n’a que sept mois, demandera pourquoi sa mère n’est plus. Elle s’appelait Zarina, avait 24 ans, était jeune maman. Régulièrement battue, cette habitante de Triolet a été brûlée vive par son époux.
Celui-ci a ensuite voulu faire croire à un accident domestique. Elle, pourtant victime, ne voulait pas le dénoncer. C’est vrai que dans le passé, même les plaintes déposées à la police pour violence conjugale, Zarina finissait par les retirer. Or, cette fois, souffrant le martyre et peut-être voyant la mort rôder autour d’elle, la jeune femme a osé parler pour dénoncer son bourreau avant de succomber à ses brûlures. Mourir à 24 ans, après avoir été un souffre-douleur, sombre destin d’une fille du sol.
Parler de Zarina ne signifie pas faire de misérabilisme, parler de Zarina, c’est dénoncer un crime, parler de Zarina, c’est dire stop à la banalisation des violences, parler de Zarina, c’est dire à toutes les femmes qui subissent en silence qu’un jour la tragédie sera au rendez-vous. Et il serait alors peut-être trop tard. Un autre exemple : celui de Madhvi qui illustre tout aussi dramatiquement l’enfer de la violence. Cette habitante de Vacoas a été, en août dernier, battue à mort. Son époux voulait faire croire à une chute dans l’escalier. L’autopsie a eu raison de ce mensonge.
Chaque jour qui passe, d’autres Zarina et d’autres Madhvi vivent dans la peur d’être frappées, violentées dans leur maison censée être des toits protecteurs. Chaque jour qui passe, des femmes, indépendamment de leur classe sociale, pleurent sur leur sort. Ambal Jeanne, directrice de SOS Femmes, disait ceci dans une interview accordée à l’express, le 25 novembre dernier : «Je vois des professionnelles, détentrices de maîtrises, se faire tabasser et l’accepter parce que ne pas se marier serait mal vu.»
Et à Ambal Jeanne de plaider pour un discours «constant et dans la durée». «Il faut déconstruire les relations et expliquer aux filles qu’elles ne doivent pas rentrer dans une relation de subordination avec un homme. Même si leur mère se comporte en subordonnée vis-à-vis de leur père, elles finiront par réaliser que ce modèle n’est pas acceptable. Ce message doit être véhiculé au primaire, au secondaire et même dans l’enseignement supérieur.»
C’est dire qu’une campagne pour dénoncer la violence faite aux femmes ne doit pas s’arrêter uniquement le temps d’une journée internationale ou le temps de 15 jours de campagne.
En 2011, selon la police family support bureau, 3 300 femmes ont porté plainte pour violence conjugale contre 2 900 en 2012. Et de janvier à juin 2013, il y a déjà 2 144 cas enregistrés. Mais ces chiffres-là, même s’ils sont alarmants, sont loin de refléter la réalité car elles sont nombreuses celles qui accusent les coups sans oser révéler leurs âmes meurtries. Par peur, par l’obsession du qu’en-dira-t-on, par envie de rester pour leurs enfants, ou tout simplement parce qu’elles aiment malgré tout leurs maris/compagnons prédateurs.
Le chantier est donc vaste pour diminuer les actes de violence. Les ONG qui y mettent leur cœur doivent se battre au quotidien pour se faire entendre et ne reçoivent pas souvent le budget attendu. D’où une nécessaire révision de la politique sociale autour de la violence envers les femmes. Il est urgent d’avoir de nouvelles structures/antennes et autres types d’accompagnement et doublés de campagnes permanentes. Tout comme il est urgent qu’on soit solidaire de ces victimes, (mortes souvent dans l’indifférence) en dénonçant vigoureusement leur insupportable vécu. Parfois elles finissent par payer de leur vie. Zarina et Madhi ne méritaient pas de mourir ainsi.