Duval est un homme heureux : d’un acquis il devient enfin l’objet des convoitises sur l’échiquier politique. Voilà un ministre des Finances qui, après un exercice budgétaire, réussit le tour de force de dévier les critiques vers son allié Ramgoolam. Voilà le leader d’un parti dont le poids est plutôt faible et qui soudainement se métamorphose en une force insoupçonnable grâce à une indécente lèche de l’opposition.
Voilà donc Xavier Duval qui retrouve le sourire avec, d’un côté le Premier ministre forcé de le caresser publiquement dans le sens du poil – «Dire qu’il y a une fracture entre le VPM et moi est un non-sens et révèle la profondeur de leur ignorance» – et de l’autre, une opposition qui, par la voix de Rajesh Bhagwan, lui déroule le tapis rouge (sur Radio One), et l’invite à rejoindre le navire du remake. C’est ce même Bhagwan qui avait exprimé sa reconnaissance envers Duval pour l’enveloppe accordée à la rénovation du Plaza dans le Budget. On aura tout vu ! Oublié du coup Maurice Allet !
La question reste donc posée : est-ce qu’il y a un fond de vérité dans cette rumeur qui enfle sur un éventuel rapprochement remake-PMSD ? La politique étant ce qu’elle est, une question d’intérêts, difficile de savoir si quelques discrets contacts orange-bleu déboucheraient sur une entente quelconque.
Le PM a bien dénoncé des judas et des traîtres et d’aucuns supputaient qu’il visait les membres du PMSD après avoir pris connaissance de certaines rencontres. Le leader de l’opposition avait jugé bon à la veille du Budget, de préciser que le MMM n’irait pas en alliance avec le PTr comme pour envoyer un signal à qui de droit. Toutes les décisions impopulaires du Budget furent imputées au Premier ministre car, entre-temps, Bérenger était devenu un spécialiste du «body language» du leader des Bleus. La PNQ de Bérenger adressée à Duval sur un conglomérat qui ne respecterait pas les conditions de la FSC fut d’une rare courtoisie à l’Assemblée nationale et mardi dernier, les membres de l’opposition qui avaient boudé le discours de Ramgoolam sont revenus dans l’hémicycle pour écouter le ministre des Finances.
Duval-Bérenger sur la même plateforme donc ? Du coup, ça rappelle le ‘front commun chaussettes’ des années 70, réunissant Duval père et le leader des Mauves. Bérenger réussira-t-il avec le fils ce qu’il n’a pas été capable de faire avec le père ?
Si les interrogations sont légitimes, c’est parce que tout ça arrive sur une toile de fond particulière : le froid Bheenick/Duval, la déclaration plutôt sympathique du Bleu Khodabaccus dans une édition du Défi («Il faut laisser à l’équipe MSM/MMM le temps de gérer la municipalité de Port-Louis.») envers les conseillers de Port-Louis, les surprenants tirs d’Aurore Perraud en direction de Mireille Martin, le déjeuner Ramano-Henri… Ce week-end, c’est l’absence de Xavier Duval qui fait jaser car il rate le Festival Kreol organisé par Michael Sik Yuen, celui-là même qui, après avoir obtenu la tête de Desveaux, est devenu le plus rouge de la basse-cour bleue, ce qui rend son leader encore plus frustré.
Mais ça se saurait si la frustration débouchait nécessairement sur une démission en politique. Quoi qu’on en dise, ce sont les intérêts qui primeront sur les décisions. À l’heure du choix, c’est le nombre de tickets obtenus, la hiérarchie dans le front bench qui pèseront lourd dans la balance du chef bleu. En attendant, Duval peut savourer son plaisir : car si tout ce jeu ne fut qu’une stratégie de sa part pour engraisser sa force de marchandage, il n’aurait pas mieux fait…
PS : Le chanteur Nitin Chinien entame ce dimanche son 18e jour en prison alors que le travailleur social Jameel Peerally y a passé sa quatrième nuit hier soir. Leurs délits : poster des vidéos qui contiendraient des menaces envers le Premier ministre et le directeur de la MBC. Certes, la liberté d’expression n’excuse pas tout et la loi (ICT Act) doit être appliquée pour tous. Du reste, Jameel Peerally, lui-même, ne s’était pas privé de faire une déposition à la police quand il s’était senti menacé (toujours sur Internet) par un facebooker en août 2012. Cela dit, et au-delà de l’opinion que nous pouvons avoir de Jameel Peerally et de Nitin Chinien, au-delà de leur crédibilité (ou pas), fallait-il les envoyer à Alcatraz, haut lieu des grands bandits ? Faut-il les priver de leur liberté pendant tout ce temps ?