Sekev était fiché à la police pour vols.
Liu Yuk Chong Liu Lin Sive avait été arrêté le mercredi 20 novembre. Lundi dernier, son corps sans vie a été retrouvé dans sa cellule. Le rapport d’autopsie révèle qu’il est mort suite à une asphyxie due à la pendaison. Sa famille, elle, est dans le flou quant aux circonstances de ce drame, mais compte entamer des poursuites contre l’Etat pour «négligence».
Marie-Rose Liu Lin Sive, 49 ans, ne souhaite qu’une chose : connaître la vérité sur les circonstances de la mort de son époux, Liu Yuk Chong Liu Lin Sive, plus connu comme Sekev. Ce dernier, âgé de 50 ans, avait été arrêté le mercredi 20 novembre, soupçonné de faire partie du gang des voleurs encagoulés. Cet habitant de Cité-Vallijee était incarcéré à la prison de La Tour Koenig. Toutefois, le lundi 25 novembre, aux alentours de 21h15, son corps sans vie a été découvert dans sa cellule.
Selon le rapport d’autopsie, Sekev est décédé des suites d’une asphyxie due à la pendaison. Du côté de la police, l’on avance que le prisonnier aurait fabriqué une corde à l’aide du tissu recouvrant son matelas. Les proches de la victime, eux, récusent la thèse de suicide. De plus, ils envisagent d’entamer des poursuites contre l’État pour «négligence». Pour ce faire, ils ont retenu les services des Mes Ashwin Kandhai et Nushuni Balgobin (voir hors-texte).
Bradley, le fils cadet de Sekev, est catégorique : «Je ne crois pas que mon père s’est suicidé.» Selon lui, son père n’a cessé de clamer son innocence depuis son interpellation : «J’ai eu l’occasion de lui rendre visite lorsqu’il était en détention. Li ti dir nu fer la pryer pu li pu li retourn lakaz vit. Li ti dir li inosan.»
Bradley a vu son père pour la dernière fois vers 7 heures, le lundi 25 novembre. «Comme chaque matin, je suis allé le voir. Il m’a parlé normalement et m’a demandé de dire à ma nièce et à mon neveu, qui sont actuellement en vacances à Maurice, qu’il allait vite rentrer pour les emmener faire une balade. Li pa ti dan okenn leta depresif», assure-t-il. Ce qui l’amène à penser que son père ne s’est pas suicidé.
Il y a plusieurs zones d’ombre s’agissant du «suicide» de son père, soutient-il. «Comment quelqu’un qui est en détention peut-il déchirer le fourreau de son matelas pour fabriquer une corde et se pendre sans faire de bruit ? Ce, en quelques minutes seulement.»
Intrigué
Le soir du drame, il s’était rendu au poste de police pour déposer quelques effets appartenant à son père. Et là, quelque chose l’avait intrigué : «La veille et l’avant-veille, je n’ai pu parler à mon père face à face, les policiers s’y étant opposés. Il me parlait à haute voix sans me voir. Mais le soir du drame, mon père ne disait rien. Les autres jours, il y avait d’autres détenus dans sa cellule. Bizarrement, il n’y avait personne en sa compagnie le soir du drame. C’est du moins ce qu’on peut lire dans l’Occurrence Book du poste de police.»
Selon le contenu de l’Occurrence Book du poste de police de La Tour Koenig, un officier aurait vérifié la cellule de Sekev vers 21 heures. Quinze minutes plus tard, ceux présents auraient entendu du bruit émanant de la cellule du suspect. C’est à ce moment-là que les policiers auraient retrouvé Sekev suspendu à une corde. Selon l’Occurrence Book toujours, le suspect respirait encore lorsqu’il a été transporté à l’hôpital Jeetoo. Il aurait vomi en cours de route. Une fois à l’hôpital, vers 21h40, les médecins n’ont pu que constater son décès. C’est par le biais des policiers que Bradley et les siens ont appris la terrible nouvelle.
Sekev avait été arrêté suite à l’arrestation de Steven Ritta, le mardi 19 novembre. Ce dernier, un habitant de La Tour Koenig, serait le cerveau du gang des encagoulés. La police avance qu’elle a élucidé au moins sept cas sur une douzaine de cambriolages commis par ce gang. Sekev avait été interpellé un peu plus tard le même jour, soupçonné d’être un membre de cette bande de cambrioleurs. Il avait été autorisé à rentrer chez lui dans l’après-midi du mardi 19 novembre, mais avait été appelé à se rendre à nouveau aux Casernes centrales, le lendemain, pour une inculpation provisoire de vol. Il avait comparu devant le tribunal de Port-Louis le jeudi 21 novembre. Toutefois, la police avait objecté à sa remise en liberté sous caution, arguant que l’enquête n’était pas encore bouclée.
Sekev, qui était sans emploi, laisse derrière lui trois enfants, âgés de 25 ans, 20 ans et 13 ans, et deux petits-enfants. À en croire ses proches, il gagnait sa vie en faisant des paris sur les matches de foot étrangers ou encore en jouant aux courses et à de nombreuses parties de cartes.
Le quinquagénaire était déjà fiché à la police pour vols. Il avait recouvré la liberté au début de 2012, après une peine d’emprisonnement pour larcin. Son départ laisse un grand vide dans le cœur des siens.
Du côté des Casernes centrales, nul n’a souhaité commenter cette affaire, une enquête étant déjà en cours.
Me Ashwin Kandhai : «Pourquoi la police a-t-elle arrêté mon client ?»
L’avocat des Liu Lin Sive persiste et signe : «Il y a eu faute grave de la part de la police qui n’a pu assurer la sécurité de la victime. De plus, il y a plusieurs zones d’ombre à éclaircir.» Selon Ashwin Kandhai (photo), «la famille est outrée par les circonstances de l’arrestation et de la mort de Sekev». «Je ne sais toujours pas pourquoi la police a arrêté mon client. L’a-t-on arrêté suite à des allégations ou sur la base de certaines ‘‘forensic evidence’’?» se demande l’avocat. Et d’ajouter : «Je voudrais savoir comment quelqu’un peut fabriquer une corde en déchirant le tissu de son matelas et mettre fin à ses jours dans une cellule en 15 minutes. Nous allons entamer des poursuites après les conclusions de l’enquête policière.»