Mon premier amour, le seul amour de ma vie

Leur premier coup de cœur a été le bon. Aussi rares soient-ils, certains couples se sont rencontrés jeunes ou même très jeunes et ne se sont plus jamais quittés. Leurs histoires prouvent bien que l’amour, le vrai, ne se vit pas qu’au cinéma…

Le seul, l’unique. C’est le premier à avoir fait battre leur cœur et aujourd’hui encore cet amour perdure, défiant le temps et les épreuves. Leur premier amour est toujours le grand amour de leur vie. L’amour avec un grand A, celui qui fait frémir, qui donne des ailes, qui réchauffe le cœur, qui donne un sens à la vie. À l’heure où de nombreux mariages finissent en divorce, il y a de ces amours qui durent toute une vie. Chaque jour, ces couples conjuguent au présent La Chanson des Vieux Amants de Jacques Brel.

Loin d’être un conte de fées, l’histoire de ces hommes et de ces femmes est bien réelle. Elle a connu des hauts et des bas, des joies, des peines, et des épreuves mais jamais, pas même une seule fois, vivre sans l’être aimé n’a été une option pour l’un comme pour l’autre des partenaires. Au fil des années, ils ont su transformer leur passion et leur amitié en un amour durable, nourrissant leur couple de nombreuses aventures vécues ensemble.

C’est l’histoire même du Dr Patrick Chui Wan Cheong, 81 ans, et de la femme qui partage sa vie depuis plus de 50 ans. Pour lui comme pour elle, il s’agit du premier vrai amour. C’est en 1961 que le jeune médecin pose les yeux pour la première fois sur une jeune fille timide et réservée. Meilleur ami du frère de Jacqueline, il est invité à déjeuner chez la famille et découvre la belle dans la cuisine, s’affairant à préparer une… mayonnaise. C’est le coup de foudre. «J’ai eu un déclic en la voyant. Jacqueline était naturelle et attentionnée. Elle était aux petits soins avec moi et ça m’a touché. J’avais rencontré la bonne personne», se souvient le docteur.

Jacqueline, de son côté, tombe sous le charme du jeune médecin qu’elle trouve «gentil et amical». Très vite, ils tombent amoureux et décident de se marier la même année. Depuis, 52 ans ont passé et les tourtereaux, parents de quatre enfants et grands-parents de dix petits-enfants, s’aiment toujours autant. «Quand je pense à toutes ces années, je me demande comment nous avons pu arriver jusqu’ici», confie Jacqueline, 75 ans, ex-enseignante. Bien sûr, il a fallu traverser de nombreuses épreuves. Son époux menant une carrière de médecin, c’est elle qui s’occupait principalement de la maison et des enfants : «Il travaillait tellement qu’il n’était, pour ainsi dire, presque jamais à la maison. Il y a eu beaucoup de concessions et de sacrifices à faire et ça n’a pas toujours été facile mais c’est un bon mari, un bon père, un adorable grand-père et c’est tout ce qui compte.»

One and only

Le soutien de son épouse, qu’il considère comme le pilier de la famille, a toujours été primordial pour le médecin. «Elle m’a accepté comme je suis, ne m’a jamais reproché mon absence. En fait, je crois que l’amour est un processus continu. On ne cesse jamais de connaître l’autre, d’apprendre de lui, de se comprendre, de s’aimer.»

Si certains comme les Chui Wan Cheong sont tombés amoureux au premier regard de leur one and only, d’autres sont d’abord passés par l’amitié. C’est le cas d’Elvis et de Marie-Noëlle, tous deux âgés de 50 ans aujourd’hui et qui fêteront leurs 25 ans de mariage le 5 décembre prochain. C’est à l’âge de 19 ans qu’ils ont décidé de donner une nouvelle tournure à leur relation. À l’époque, se souviennent-ils, ils habitaient tous deux Rose-Belle et fréquentaient le même groupe d’amis. Au fur et à mesure, pour une raison qu’ils ne peuvent toujours pas expliquer, ils sont tombés amoureux l’un de l’autre. «J’ai rencontré la bonne personne au bon moment», dit Elvis.

Alors très proche du frère de sa belle, il se rend tous les jours chez celui-ci à bicyclette, un prétexte pour voir sa dulcinée. «Il venait me voir tous les jours. On se rencontrait souvent à Mahébourg, sur le bus stop de Kong. J’allais chez ma grand-mère et lui chez sa sœur. Il n’arrêtait pas de passer devant sa maison sur sa bicyclette et c’est là que je suis tombée sous son charme», se souvient Marie-Noëlle avec émotion.

«Je savais que c’était lui...»

Au-delà des sentiments, c’est aussi, selon eux, les circonstances de l’époque qui les ont poussés à se fréquenter : «À l’époque, nous n’avions pas d’Internet, pas de Facebook pour faire des rencontres. C’est à la sortie de la messe le dimanche, à la boutique du coin, dans le groupe d’amis de la région que nous trouvions l’amour», relate-t-elle. Si son époux et elle avaient connu quelques flirts avant, c’est à travers leur rencontre et leur amitié qu’ils ont connu leur premier et véritable amour. «Je ne sais pas pourquoi lui et pas un autre, mais je savais que c’était lui. C’était une évidence», dit-elle. Après six ans ensemble, ils décident de franchir le pas du mariage en 1988, une union qui verra la naissance de leur fils David.

Toujours aussi proches que dans leur jeunesse, ils ont tout fait pour garder leur amitié intacte, faisant de l’amour et de la patience la base de leur union. Comme tous les couples, ils n’échappent pas aux crises et aux disputes mais, aujourd’hui, ils prennent les choses avec beaucoup plus de recul et de lucidité : «Avec le temps, nous apprenons à mettre de l’eau dans notre vin, à faire des concessions. Quand l’un campe sur ses positions, l’autre cède. Et puis, il faut beaucoup de patience et savoir rester unis pour pouvoir face aux pires épreuves.»

«Pour moi, c’est le seul»… La réponse de Shalinee, 30 ans, est sans équivoque. Kévin, à qui elle a dit oui, il y a cinq ans, est le premier homme de sa vie, le père de son enfant. Cela fait 12 ans qu’ils sont ensemble. Leur rencontre a été d’abord virtuelle. En 2000, Shalinee reçoit un texto d’un inconnu qui s’est vraisemblablement trompé de numéro. De conversation en conversation, les jeunes se lient d’amitié et finissent par tomber amoureux. Un an plus tard, ils décident de sortir ensemble contre l’avis des parents de Shalinee. Très vite, la jeune femme quitte la maison de ses parents pour s’installer avec son prince charmant : «Il me fallait choisir et j’ai fait ce choix. C’est quand nous avons commencé à vivre ensemble qu’on s’est vraiment découverts. J’ai tout de suite aimé sa liberté d’esprit, son autonomie, sa façon différente de voir les choses», explique la jeune maman. Des qualités qu’elle chérit encore aujourd’hui.

Il y a aussi cet amour de jeunesse qu’on n’oublie jamais, qui fait pleurer et souffrir quand on n’est pas avec l’être aimé et qu’on ne partage pas sa vie. C’est justement le cas de Shameer Abdul Raman, mannequin très connu du paysage local, qui n’a jamais oublié son amour de jeunesse. C’est à l’âge de 16 ans, alors qu’il est étudiant au collège St Joseph, qu’il tombe amoureux d’une belle étudiante du collège Lorette de Curepipe répondant au nom de Viveka Babajee. Top model et actrice, la Mauricienne a été Miss Maurtitius World en 1993 et Miss Mauritius Universe un an plus tard avant de mettre le cap sur l’Inde pour faire carrière. En 2010, l’île Maurice apprenait avec stupeur la mort de la jeune femme, retrouvée pendue dans sa maison de Mumbai.

Cette histoire d’amour, raconte Shameer, a changé sa vie à jamais. Ensemble, ils ont fait leur première expérience du mannequinat : «Nous avons défilé ensemble lors du Fashion Show de l’école. Elle était belle, une vraie reine de beauté, elle m’a ébloui. Nous étions amis mais moi je l’aimais secrètement. Je savais au fond de moi que c’était ma moitié.» Timide et impressionné, le jeune adolescent qu’il est n’ose pas dévoiler son amour : «J’avais peur. Elle était tellement belle. Et puis, un jour, je ne pouvais plus garder ça pour moi et je lui ai tout dit. Elle n’a pas eu l’air surprise. Elle m’a juste demandé pourquoi j’avais mis aussi longtemps à le lui dire.»

«Vis ta vie»

Le couple vivra une belle histoire d’amour en toute discrétion jusqu’au jour où Viveka Babajee se voit proposer d’aller en Inde pour faire carrière. «Elle m’a parlé de cette proposition en me demandant mon avis. Évidemment, je l’ai encouragée et soutenue car elle était destinée à une belle carrière. Je lui disais toujours : “Vas-y et vis ta vie”. On se mariera à 70 ans», raconte le mannequin avec difficulté. Les années passent et la distance finit par avoir raison de leur relation. Cependant, bien que chacun avait refait sa vie, leur amour, lui, était demeuré intact et ils étaient restés très proches : «Nous ne nous sommes jamais vraiment séparés. J’ai toujours su que c’était elle et pas une autre.»

Pourtant, en 2010, la vie de Shameer bascule. L’annonce de la mort de l’amour de sa vie lui fait l’effet d’une bombe. Il se rend en Inde pour ses funérailles, incapable d’accepter cette dure réalité. Pour lui, le monde s’écroule et il vit la période la plus sombre de sa vie. Petit à petit, grâce au temps qui passe, le jeune homme reprend goût à la vie, s’accrochant à l’idée qu’un ange gardien veille désormais sur lui… Quoi qu’il en soit, son amour continue à vivre. Un amour qui défie le temps, les épreuves et même la mort… Premier amour, amour toujours.

Parole de Pro

Sabrina Puddoo-Boolauky, psychologue clinicienne

«Le sentiment amoureux est dynamique, il change»

S’aimer comme au premier jour est-il possible ?

Parmi les couples qui ont fêté leur 50e anniversaire de mariage, la majorité vous dira que leur amour a évolué et qu’il ne ressemble en rien à celui de leurs 20 ans. Le sentiment amoureux est dynamique, il change. Cela débute par une passion pour l’autre, des émotions intenses. Il est fréquent que nous voyons et entendons principalement ce que nous désirons voir et entendre. On a alors tendance à minimiser les défauts de l’autre. Bien sûr, cet état est éphémère. Le sentiment amoureux prend alors un autre visage, celui de la tendresse, du respect mutuel et de l’envie de se réunir autour d’un projet commun. Mais l’épanouissement sexuel perdure. L’amour est là mais sous une forme et une intensité différentes en fonction de l’histoire, du vécu des partenaires.

Croyez-vous que l’on n’a qu’un seul grand amour dans la vie ?

Tout dépend de ce qu’on appelle «grand amour». Une chose est certaine, c’est qu’il existe des amours qui répondent à des besoins différents au cours de la vie, et ces amours peuvent être vécus au sein d’un même couple qui évolue ensemble ou à travers différents couples.

Est-il possible d’aimer la même personne pour toujours ?

Il est légitime de se poser cette question, surtout dans un contexte où le nombre de divorces ne cesse d’augmenter. Le couple d’aujourd’hui n’est plus le même que celui du temps de nos grands-parents. Aujourd’hui, les hommes et les femmes sont plus indépendants, ils peuvent subvenir à leurs besoins seuls. Du coup, on attend plus du couple qu’un simple confort matériel, il doit être une source de bonheur, d’épanouissement personnel. Ce qui contribue à intensifier la pression sur les partenaires dans la durée. Mais dans le principe, OUI, il est tout à fait possible d’aimer la même personne toute une vie, à condition de le VOULOIR ! Beaucoup pensent que le temps tue l’amour mais il est surtout indispensable pour que l’amour puisse naître et s’épanouir.

Le couple qui dure a-t-il un secret ?

Le couple qui dure a su intégrer quelques principes de base :

- l’autre ne m’appartient pas, JAMAIS.

- découvrir l’autre en permanence.

- savoir se parler de tout et de rien, de choses profondes et de choses futiles.

- avoir la volonté de passer sa vie avec l’autre.