Imaginons que les radios libres n’existaient pas, imaginons que chaque matin, l’unique fenêtre d’infos radiophoniques fût la MBC radio.
Et imaginons la couverture médiatique par cette seule chaîne en période électorale ou lors des grands sujets qui ont secoué le pays cette année : inondations, accident de Sorèze, affaire Soornack, etc. La liberté des radios libres illustre cruellement le retard de l’avènement de la télé privée et cette absence renvoie à l’image d’un pays arriéré. Alors que certains pays d’Afrique ont pris une sacrée avance sur nous. La proposition de Ramgoolam d’une télé privée sans infos ne relève pas d’une démocratie éclairée et équilibrée, mais d’une énième tentative de mettre sous tutelle, encore une fois, l’information. Pour que cette information ne soit pas plurielle. Mais bigrement singulière…. pour servir ses intérêts.
Certes, Ramgoolam a tenté de rectifier le tir (pour gagner du temps ?) vendredi dernier, en annonçant que les news pourraient être envisageables dans un deuxième temps alors que la télé docu/divertissements/sports arrivait «soon». Mais Bérenger (qui, soit dit en passant, est tout aussi coupable de n’avoir pas donné vie à la télé privée quand il était Premier ministre) a raison de dire que le Premier ministre insulte l’intelligence des Mauriciens. Car c’est de cela qu’il s’agit quand le PM affirme «qu’il faut faire attention avec la télé privée.» Parce que, dit-il, «nous savons ce qui se passe avec les stations de radio privées. De fausses nouvelles sont diffusées chaque jour». Une affirmation balancée à la cantonade sans la moindre trace de preuve.
Que Ramgoolam nourrisse une aversion pour la presse parlée et écrite indépendante, qu’il tente régulièrement de discréditer les journalistes, qu’il ait une vision très particulière du rôle de l’information, qu’il préfère la propagande de la MBC qu’il peut contrôler, ça on l’aura compris. De là à prendre des téléspectateurs ou des auditeurs pour des imbéciles – en estimant que nous n’avons pas droit à des chaînes privées locales alors que des dizaines de milliers de familles, pour ne pas s’abêtir, ont cessé de regarder les bulletins d’infos de la MBC au profit des chaînes satellitaires – il y a un pas qu’il franchit un peu trop allègrement. Et ça on ne le lui permet pas.
Car bien que la presse ne soit pas irréprochable, et qu’il y ait eu effectivement quelques dérapages sur les ondes des radios privées, il n’est pas vrai de dire que les radios diffusent de fausses nouvelles chaque jour. En disant cela, le PM induit la population en erreur, diffuse lui-même une fausse nouvelle et donne l’impression que les radios fonctionnent sans aucun cadre légal et que l’IBA avec Dulthumun ne sévit pas. Dans cette affaire du nécessaire avènement de la télé privée, avec infos libres, il ne s’agit pas de ce que Ramgoolam aime/n’aime pas ou de son aversion pour les médias/journalistes qu’il place souvent sur le banc des accusés. Autant qu’on le sache, le pays n’appartient pas au gouvernement et encore moins à Ramgoolam.
Dans cette affaire, il s’agit plutôt de liberté d’expression, de démocratie, d’un pays qui respecte ses citoyens, et qui croit en sa maturité, en son intelligence. Car de toute manière, on voit mal un projet de télé privée sans cahier des charges/code de déontologie/respect des téléspectateurs. Bien sûr, il existera toujours des risques de dérapage, et l’exemple de l’erreur en France de TF1 sur la visite de Hollande à Oyonax, en début de semaine, en est la preuve. C’est dire que même les télés des démocraties dérapent, mais ce n’est pas pour autant que l’État les musèle. Et ce n’est pas parce que les risques existent que nous devons être privés de chaînes privées télé locales. Il y a des lois, le IBA-cerbère qui veille au grain mais dans une seule direction, un cahier des charges et des tribunaux au cas où…
Que le Premier ministre arrête de trouver des prétextes pour son comportement dictatorial. Et de grâce, qu’il arrête d’insulter l’intelligence des Mauriciens… Callikan le fait suffisamment tous les soirs à 19h30.