Beaucoup s’interrogent sur la formule qui est appelée à remplacer la CPE.
Depuis l’annonce, dans le dernier discours budgétaire, qu’une nouvelle formule viendra bientôt remplacer le Certificate of Primary Education (CPE), de nombreuses positions ont été exprimées. Certaines sont pour, d’autres contre. Quelques familles qui ont des enfants en primaire nous donnent leur avis sur le sujet.
Entre doute et attente… les cœurs balancent ! Le sujet qui suscite actuellement tant d’interrogations est le Nine-year Schooling, que Xavier-Luc Duval, le ministre des Finances, a annoncé comme la formule qui remplacera bientôt le CPE, lors de la présentation du Budget 2014, le 8 novembre.
Très vite, cette annonce a provoqué de vives réactions, venant de professionnels qui évoluent dans le milieu de l’éducation, ou encore de la part de l’opposition et autres syndicalistes qui ne voient pas cette formule d’un bon œil.
En ce qui concerne les quelques familles mauriciennes que nous avons interrogées, cette proposition divise. Pour Aleem Oozeerally, qui dirige une multinationale spécialisée dans l’informatique, et qui est aussi papa de Rabbaani, en Form III au collège du
St-Esprit et d’Imaan, en
Std V à l’école primaire Sir Veerasamy Ringadoo, à Quatre-Bornes, trop de zones d’ombre entourent cette nouvelle formule : «Je ne pense pas que cela peut être appliqué à la va-vite. Certes, en venant de l’avant avec cette éventualité, le ministre de l’Éducation, Vasant Bunwaree, a lancé un débat. Mais je ne pense pas que cette formule devrait devenir une réalité de sitôt.»
Aleem Oozeerally, ne demande, dit-il, qu’à être convaincu : «Est-ce que cette formule pourra vraiment améliorer notre système éducatif actuel ? Je suis moi-même issu du système actuel et je peux dire que j’ai bien réussi ma vie, que ce soit professionnellement, socialement ou familialement. Je n’ai pas de soucis avec le système en place.»
«Le meilleur
pour eux»
Pour ce père de famille, Maurice a un système éducatif qui a fait ses preuves : «J’ai vécu, à un certain moment, à l’étranger, au Bahreïn plus exactement, et une des raisons pour laquelle je suis rentré au pays, c’est à cause de notre système éducatif. Ici, nos enfants, ont une ouverture sur plusieurs langues, notamment sur l’apprentissage de l’anglais et du français.» Mais depuis l’annonce de l’arrivée du Nine-year Schooling, de multiples interrogations le taraudent : «Il y a beaucoup de questions qui méritent d’être éclaircies. D’abord, je me demande si le pays dispose d’infrastructures pour procéder à ce changement drastique dans notre système éducatif ? Est-ce que cela ou se faire dans le même bâtiment ou est-ce que les enfants devront changer d’environnement ? Il faut aussi savoir si les jeunes enfants vont être confrontés à des adolescents
si jamais ils ont à changer d’institution après leur Std VI ?»
Une de ses préoccupations est la formation des enseignants. Car pour lui, les environnements sont très différents dans les deux cycles : «Je me demande si les profs du primaire vont bénéficier d’une préparation pédagogique pour pouvoir évoluer dans un environnement différent, c’est à-dire, là où étudient de jeunes ados ?» Mêmes doutes pour Wendy Moutoo, qui travaille dans le secteur bancaire et qui est maman du petit Alexander, trois ans et demi : «Quand on est parents, une des choses qui nous tient à cœur, c’est l’éducation de nos enfants. On veut le meilleur pour eux. Et depuis que j’ai entendu l’annonce, je me suis tout de suite sentie concernée.»
Tout comme Aleem Oozeerally, cette mère de famille attend d’avoir plus de détails sur ce «concept» : «Comme on n’a pas beaucoup de détails sur ce qui a été annoncé, je suis un peu dans le flou. Pour ma part, je trouve que le système actuel permet d’évaluer nos enfants. À 11 ans, après six ans passés sur le banc de l’école, c’était une bonne façon de voir leur niveau. J’ai donc quelques doutes : est-ce qu’en Form III, ce n’est pas trop tard pour évaluer un enfant à travers un examen national ?»
Si beaucoup sont sceptiques, il y a aussi ceux qui attendaient cela depuis longtemps. À l’instar de Belinda Manikam-Naïken, maman de deux enfants : Keshni, 16 ans, et Natarajan,
9 ans. Elle se dit séduite par cette proposition : «J’ai toujours trouvé difficile de mettre autant de pression sur le dos d’un enfant de 11 ans. J’ai toujours dit que ce n’était pas normal de préparer un examen national si jeune. Par contre, avec la nouvelle proposition, nos enfants pourront prendre part à un examen à un âge plus avancé, en étant plus mature. Je me dis qu’ils pourront plus profiter de leur enfance et n’auront pas à se tourner vers les leçons particulières très tôt. J’attends avec impatience le changement.»
Entre doute et attente, voilà une formule qui fait balancer les cœurs !
Un débat qui fait rage
La tension était vive. À tel point que le speaker a dû lancer un appel au calme à plusieurs reprises, hier, au Parlement, suite à la PNQ sur l’introduction du Nine-year Schooling.
«Tout est toujours flou», a répliqué Paul Bérenger, le leader de l’opposition, qui s’est montré irrité par les réponses de Vasant Bunwaree, le ministre de l’Éducation. Suite à une question du leader du MMM, le ministre de l’Éducation a déclaré que la nouvelle formule devrait être introduite d’ici 2015 et que plusieurs aspects doivent d’abord être considérés. Il a aussi annoncé que les travaux pour la mise en pratique du système ont déjà commencé.
Lors d’une précédente déclaration sur le sujet cette semaine, Vasant Bunwaree devait déclarer que l’actuel système ne «favorise pas un développement harmonieux des enfants» qui doivent faire face au stress et à une compétition féroce. Lors d’une conférence de presse, jeudi dernier, Steeve Obeegadoo, le reponsable du dossier éducation au MMM a, lui, soutenu que le «Nine-year Schooling est dépassée». Depuis que le sujet a été évoqué lors des assises de l’éducation, en octobre dernier, beaucoup de voix se sont élevées contre, à l’instar de Suttyhudeo Tengur de la Government Hindi Teachers Union : «Il y a déjà eu trois rapports publiés sur le sujet. En 1990, en 1995 et en 1998. Ces rapports ont tous quelque chose en commun : ils ont trouvé que la formule ne convenait pas à notre système éducatif. Non seulement cette proposition ne mettra pas fin au taux d’échecs au primaire, mais elle ne pourra pas non plus réduire le stress sur nos enfants.»
Haniff Peerun, de la Government Urdu Teachers Union, est, quant à lui, tout a fait pour : «Depuis que le CPE est en vigueur, il n’y a pas eu de changement majeur dans le système d’évaluation au primaire. Or, le pays évolue, les choses bougent et il est grand temps de revoir tout le système pour permettre à nos enfants de bénéficier d’une éducation de qualité.»