Contrairement à leurs amis, Emilie, Mathieu et Shreshta ne sont pas accros à Facebook.
Facebook, Twitter et autres sites du genre sont omniprésents dans la vie de nombreux internautes mauriciens. Alors que certains like aussi vite que l’éclair, post et share à tout bout de champ ou tout simplement suivent de manière passive ce qui se passe sur les réseaux sociaux, d’autres – une minorité – ont carrément préféré ne pas adopter ce nouveau mode de communication. Ils nous disent pourquoi…
«En passant, tu as un compte Facebook ?» Arrêtez-vous. Prenez une seconde de réflexion. Vous êtes-vous déjà demandé combien de fois on vous a posé cette question au cours de ces dernières années ? Certainement un bon nombre de fois. Eh oui ! Aujourd’hui, tout le monde vit à l’ère du social network. Parmi la longue liste de réseaux sociaux disponibles sur la Toile – dont myspace.com, twitter, digg, Dailymotion, viadeo, flickr –, Facebook est incontestablement le plus populaire. À tel point qu’aujourd’hui, c’est devenu «normal» d’être inscrit sur le site de Mark Zuckerberg qui revendique fièrement 900 millions de comptes dans le monde. Pourtant, à l’heure où il n’est plus étonnant de croiser sur Facebook ses parents, ses tantes et oncles, voire même sa grand-mère, le jardinier, et même le chien ou le chat, certains n’ont pas adhéré à la vague bleue.
Eh oui, aussi étonnant que cela puisse paraître, de nombreux jeunes, aussi rares soient-ils, n’ont jamais créé de profil sur le site. C’est le cas de Yoveena, 21 ans, étudiante à l’Université de Maurice, qui n’a jamais jugé utile d’ouvrir un compte : «Je préfère avoir des amis que je rencontre et avec qui je discute, bref, une vraie relation amicale, au lieu d’avoir des centaines de Friends virtuels que je ne connais même pas. Je trouve ça con.» Et après avoir visionné une émission télévisée sur les dangers de Facebook, elle a été convaincue à 100 % d’avoir fait le bon choix.
C’est aussi le cas de Jean-Marie, âgé de 34 ans, qui n’a jamais jugé nécessaire de s’inscrire à Facebook, Twitter ou un autre réseau social. Si le temps, dit-il, lui fait défaut, c’est principalement parce qu’il préfère employer son temps à faire autre chose que de surfer sur la Toile. Pour lui, il n’y a rien de mieux que de rencontrer ses amis en personne au lieu de «faire des palabres et épier les autres sur Facebook».
Hansley Bachoo est, lui, accro à la technologie. Pourtant, il a souhaité jouer les abonnés absents sur le réseau social le plus populaire du monde. Une décision qu’il ne regrette pas le moins du monde. En sus de ne pas avoir assez de temps à consacrer à ce genre d’activité, cet enseignant d’anglais de 25 ans préfère, lui aussi, tout simplement appeler et rencontrer ses amis que de garder contact avec eux via Facebook : «Je suis inondé d’informations dont je n’ai pas besoin et souvent ces infos sont ridicules. Je préfère de loin discuter avec mes amis sur des applications telles que WhatsApp par exemple.»
Socialement intégré
Alors que Facebook a, selon les experts, la capacité de donner le sentiment d’être socialement intégré, Shreshta, 21 ans, elle, n’a pas souhaité s’exposer sur ce site. S’y inscrire ne l’a donc jamais tentée. Et ce n’est pas pour autant qu’elle a le sentiment d’être out. Cette étudiante de l’Université de Maurice n’aime pas le côté voyeur du site. «De nombreux utilisateurs mettent leurs moindres faits et gestes sur Internet et postent des photos de leur vie privée. Personnellement, cet aspect du site me gêne», explique-t-elle. En effet, la question des paramètres de sécurité protégeant la vie privée de l’internaute a souvent été au cœur des débats. Autour de Shreshta, ses amis n’arrêtent pas de l’encourager à se créer un profil mais il n’y a rien à faire : «Je n’en vois pas la nécessité.»
Autour de nous, beaucoup sont devenus des utilisateurs compulsifs des réseaux sociaux. Pourtant, Didier, 39 ans, ne voit pas l’utilité d’y être. Si Facebook reste pour lui un bel outil de communication, c’est l’utilisation souvent abusive des internautes qui le freine. «Quelque chose me dérange avec les réseaux sociaux. Je ne comprends pas comment les gens peuvent rester connectés tout au long de la journée. C’est presque devenu une addiction et, malheureusement, souvent pour les mauvaises raisons. Je trouve qu’on est un peu dans la matrice avec Facebook. Il y a trop d’informations inutiles qui me font plus l’effet d’un bourrage de crâne», dit-il.
Pourtant, Didier passe beaucoup de temps sur l’ordinateur et sur Internet pour des raisons professionnelles mais aussi pour s’informer et se détendre : «Les gens s’étonnent quand je dis que je ne suis pas inscrit alors que je suis très branché informatique. On me dit souvent que je suis square (rires) mais j’aime protéger ma vie privée.»
Facebook, qui a fêté ses 10 ans en février, est de loin le site le plus populaire au monde et à Maurice, évidemment. Alors que Twitter, myspace.com et d’autres sites figurent tout en bas du classement des sites préférés des Mauriciens. Les adolescents sont carrément devenus accros au site américain… ou presque. Il y a quelques mois, Mathieu, 18 ans, fait le pari avec ses amis de désactiver son compte Facebook pour quelques mois. «Comme on allait entrer en période d’examens, nous avons décidé de le faire pour voir si nous pouvions nous concentrer davantage sur nos révisions», explique-t-il.
Résultat des courses : «Je réactive mon compte dès la fin de mes examens», balance le collégien. Mais pourquoi donc ? «Ça ne marche pas. En n’étant pas sur Facebook, je n’ai pas appris beaucoup plus que quand j’y étais inscrit. Je pense que c’est parce que je ne suis pas un gros utilisateur de Facebook à la base. Désactiver mon compte n’a rien changé à mon quotidien car je ne passais pas beaucoup de temps sur le site.» Contrairement à de nombreux jeunes de son âge, Mathieu dit utiliser Facebook uniquement pour chatter avec ses amis. Pour lui, hors de question de poster à tout bout de champ des photos ou ses états d’âme. «Ce n’est pas mon genre», avoue-t-il.
À 17 ans, Emilie n’est sur aucun site, contrairement à la majorité de ses copines. Elle préfère se livrer à des discussions de groupe sur Skype ou tout simplement discuter avec ses amis en personne. Ce qu’elle reproche à Facebook, c’est ce côté «je me mêle des affaires des autres». «Les gens passent trop de temps à surveiller ce que font les autres», dit-elle. À l’école, ses copines passent la majeure partie de leur temps à parler de ce qui s’est passé la veille en ligne mais ce détail ne dérange absolument pas l’adolescente.
Et quand il y a une invitation pour une sortie sur Facebook, ses amies l’appellent pour la prévenir. Pour Emilie, une chose est sûre : «Ce n’est pas parce que je ne suis pas sur Facebook que je n’ai pas d’amis.» Finalement, si vous n’êtes pas sur les réseaux sociaux et que cela vous importe peu, ce n’est pas bien grave…
Un an de déconnexion
Les confidences d’une pro de la communication
Je me suis déconnectée de Facebook pendant plus d’un an et je peux vous dire que ça ne m’a pas manqué du tout ! Je pouvais lire tranquillement ce qui me plaît, au lieu de lire tout un amas d’inutilités. Je ne pouvais plus voir le narcissisme des personnes qui s’exposent sur Facebook.
Certains postent des photos d’eux, «regarde comme je suis belle/beau», d’autres postent des écrits, «lis comme je suis intelligent», d’autres des citations, «vois comme je suis sage et philosophe», les autres leurs idées politiques, «c’est moi qui ai raison», ou, plus vulgairement, l’état de leur vie sentimentale. C’est le grand étalage...
Finalement, chacun donne une image idéalisée de lui même, qui souvent ne correspond pas à la personne réelle. Je n’y trouvais aucun intérêt et y perdais beaucoup de temps. Il y a tout de même quelques exceptions, des posts qui me régalent notamment ceux de Priscilla Moothien et des débats, si on saute pas mal de commentaires bien creux.
Le seul avantage de Facebook avait été de retrouver des amis d’adolescence que j’avais perdus de vue et avec qui je suis en contact maintenant, mais en «vrai». Je suis revenue de nouveau sur le site après plus d’un an pour des besoins professionnels, et je suis essentiellement abonnée à des sites d’information. J’ai des tas d’amis, mais pour lesquels j’ai mis des spécifications afin de ne pas voir leur fil d’actualité. Il faut dire que Facebook est aussi pratique pour contacter quelqu’un dont on n’a pas les coordonnées, puisque tout le monde, ou presque, y est.
Parole de pro
Aisha Seedat
psychologue
«Les jeunes peuvent se sentir rejetés»
Est-ce qu’aujourd’hui ne pas être sur Facebook
est anormal ?
Aujourd’hui, tout le monde est branché Facebook mais la normalité est très subjective. Certains jeunes sont très renfermés socialement parlant et dans leur cas, les relations virtuelles sont beaucoup plus faciles à gérer. Les timides, par exemple, trouvent beaucoup plus facile de s’exprimer sur un réseau social que dans la vraie vie et ça les aide à s’ouvrir aux autres. D’autres n’ont tout simplement pas besoin de cela et se portent très bien sans. Cela dépend de la personnalité de tout un chacun.
Comment expliquer l’absence d’un jeune de Facebook ?
Certains jeunes ne sont tout simplement pas attirés par ce mode de communication. Ils n’ont pas envie de tout partager sur la Toile, soit parce que ça ne les tente pas, soit par parce qu’ils veulent protéger leur vie privée. D’autre part, il faut aussi tenir en ligne de compte que certains jeunes ne sont pas sur les réseaux à cause de leurs parents qui ont encore une très mauvaise opinion concernant ces sites Web.
Cela peut-il poser un problème d’intégration ?
Chez les jeunes certainement, beaucoup moins chez les adultes. Le jeune peut se sentir rejeté par son groupe d’amis car il n’est pas forcément au courant ce qui se passe, de ce qui se discute en ligne. Il peut se sentir délaissé et manquer certaines informations. Par exemple, Facebook est aujourd’hui un moyen de communication pour les cours. Les profs postent souvent des devoirs et, forcément, celui qui n’est pas inscrit n’aura pas accès à ces informations. D’un autre côté, certains ne ressentent pas ce besoin de contact social virtuel car ils ont déjà une vie très remplie et c’est tout à fait compréhensible.
Le saviez-vous ?
Facebook ne rend pas plus heureux ! Bien au contraire. Selon une étude réalisée récemment par des chercheurs de l’Université du Michigan, aux États-Unis, «au lieu d’améliorer le bien-être des gens, l’utilisation de Facebook a l’effet inverse : elle l’empire», générant souvent des sentiments d’envie, de colère et de frustration. Pour aboutir à ce constat, Ethan Kross, psychologue et principal auteur de cette étude, a suivi pendant deux semaines un groupe de 82 jeunes adultes qui disposaient tous d’un profil sur le réseau social et d’un smart phone. Le constat est étonnant comme l’explique le spécialiste : «Quand vous êtes sur Facebook, vous vous comparez socialement aux autres. Peut être aussi que cela vous empêche de participer à d’autres activités qui seraient bénéfiques, comme sortir, faire de l’exercice ou interagir avec des gens dans la vraie vie.»