Pour le ministre Tassarajen Pillay Chedumbrum, certaines personnes instaurent un climat de frayeur.
Dans l’arène politique, il y a ceux qui sont pour les nouveaux documents et ceux qui sont contre. Du coup, ça fait des étincelles.
Une petite pincée. Et la marmite politique est en ébullition. Mais quel est cet ingrédient spécial ? De la poudre de perlimpinpin ? Un peu de bave de crapaud ? Pas du tout ! Il s’agit de l’entrée en vigueur de l’étape de conversion vers la nouvelle carte d’identité nationale, ce mardi 1er octobre, qui a rallumé le feu sous la casserole. Et depuis, cette fin de semaine les déclarations politiques se multiplient. Les pour – en règle générale, ceux qui font partie de l’alliance gouvernementale – et les contre – les membres du Remake 2000 – débattent par conférences de presse interposées ou alors à travers des communiqués de presse.
La décision de la Cour suprême, ce vendredi 4 octobre, stipulant que Pravind Jugnauth n’a aucune obligation immédiate de fournir ses empreintes digitales et ses données biométriques jusqu’au 15 septembre 2014, a provoqué de nombreuses réactions. Le leader du MSM avait fait une demande d’injonction, en début de semaine, afin de réclamer un ordre intérimaire pour stopper le projet de carte d’identité nationale car elle entraverait le droit constitutionnel à la vie privée des Mauriciens. Dans quelques jours, il logera en cour son «main case» afin de protester contre l’inconstitutionnalité de la nouvelle carte d’identité nationale.
Ce que Pravind Jugnauth a qualifié de «grande victoire» a vite fait tiquer le Prime Minister’s Office. Quelques heures après cette décision de justice, un communiqué a été émis stipulant que l’action du leader du MSM ne changeait absolument rien à la donne. Ainsi, le processus de conversion est toujours en cours et les nouveaux documents comporteront tous les empreintes digitales et les données biométriques. Le communiqué précise également que l’injonction de Pravind Jugnauth visant à stopper le processus de remplacement des anciennes cartes a été rejetée et que ce dernier bénéficie, simplement, de l’application de l’article 10A de la National Identity Card Act «comme tout citoyen mauricien».
Néanmoins, Pravind Jugnauth n’en démord pas pour autant. Le leader du MSM estime qu’il a fait un pas de géant dans la bonne direction, celle de la démocratie et il invite chaque citoyen à «prendre sa décision» : «S’ils estiment que mon combat est juste ; que c’est un combat pour la liberté et la démocratie, il est clair que, tout comme moi, les autres citoyens ne sont pas dans l’obligation de soumettre leurs empreintes digitales et leurs photos biométriques jusqu’à septembre 2014.» Un appel à ne pas fournir certaines données qui a été repris par Paul Bérenger, lors d’un point de presse du Remake 2000, le samedi 5 octobre : «J’encourage les gens à ne pas aller prendre leurs nouvelles cartes en attendant que la Cour suprême entende le main case qui sera logé par Pravind Jugnauth.»
Le leader des Mauves a également déclaré qu’il était persuadé que le projet de carte d’identité serait décrété anticonstitutionnel. Il a expliqué, le jeudi 3 octobre, lors d’un point de presse spécial consacré à cette question, comment il est arrivé à cette conclusion : «Il y a trop d’abus et ce projet portera atteinte aux droits fondamentaux des Mauriciens. Je vois mal la Cour suprême ou le Privy Council accepter tel quel le dispositif de la nouvelle carte d’identité.» Une sortie remarquée après un long silence et un manque de réelle prise de position de la part de l’opposition sur ce dossier.
Sir Anerood Jugnauth s’est également exprimé sur la nouvelle ID card. Le leader du Remake 2000 a, lui, annoncé qu’il stopperait toutes les procédures une fois qu’il sera au pouvoir. Il s’est dit inquiet car la compagnie qui gère la banque de données est proche du PTr : «Même dans les grands pays, malgré tous les systèmes de sécurité mis en place, il y a du hacking. Il ne faut pas oublier que même Michele Obama en a été une victime.» Mais, le Bureau du Premier ministre, à travers son communiqué, «encourage fortement» les Mauriciens de 18 ans et plus à suivre les procédures selon le calendrier prévu à cet effet.
De même le ministre des TIC, Tassarajen Pillay Chedumbrum, qui a également organisé un point de presse, ce samedi 5 octobre, invite les Mauriciens à se procurer leur nouvelle carte d’identité. Il estime, dit-il, que le leader du MSM n’a rien gagné car le juge s’est simplement appuyé sur une clause de la loi applicable à tous les citoyens. Il a également confié ne pas comprendre Pravind Jugnauth : «Il avait, lui-même, parlé de ce projet lors de son dernier discours budgétaire.» Le ministre a également condamné les agissements de certaines personnes qui instaurent, selon lui, un «climat de frayeur» et qui «tentent d’entraver» la bonne marche du remplacement des anciennes cartes d’identité.
Patrick Assirvaden, président du PTr, également face à la presse, hier, estime que Pravind Jugnauth «induit la population en erreur» et que la justice lui a administré «une gifle». Il s’en est également pris à l’opposition qui joue aux hystériques et à Paul Bérenger qui, selon lui, ne donne pas des informations exactes à la population : «En Angleterre, la réforme a été stoppée à cause d’un problème de financement. Pas parce qu’il s’agissait d’une atteinte à la liberté.»
À chacun ses arguments…quand la marmite politique est en ébullition.
Il n’y a pas qu’eux !
Ça s’agite au niveau des politiciens. Mais ça fait déjà un moment que des travailleurs sociaux, des syndicalistes et des acteurs de la société civile manifestent contre la nouvelle carte d’identité nationale. En plus d’une pétition, regroupant 70 000 signatures, remise au bureau du Premier ministre par intérim, Rashid Beebeejaun, une plainte a été déposée en cour par un des membres de la Plateforme No to New ID Card afin de dénoncer l’inconstitutionnalité de la nouvelle carte d’identité nationale. La bataille s’est donc déroulée en Cour suprême cette semaine avec des affidavits et des contre-affidavits de l’État et des contestataires. Demain, lundi 7 octobre, la Cour suprême fera connaître sa décision suite à la motion des plaignants.