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Par Yvonne Stephen
29 avril 2020 00:38
Est-ce que vous avez tout inventé ? Est-ce que vous faites un caprice ? Est-ce que vous exagérez ? Quand l’abus est émotionnel ou psychologique, il n’y a pas de bleus pour s’assurer de n’avoir rien imaginé… De n’avoir pas fait une montagne de rien. C’est pour cela qu’il est important de reconnaître les signes et de décider ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas dans une relation. Vidhi Bekaroo estime que c’est essentiel de se poser pour savoir : «Arrêtez-vous et pensez à comment vos interactions se passent avec votre partenaire, votre ami, votre famille, ce qu’elles vous font ressentir. Si vous vous sentez blessé/e, frustré/e, confus/e, incompris/e, dépressif/ve, anxieux/euse ou sans valeur, il y a de forts risques que votre relation soit abusive.» La psychologue explique qu’il s’agit là d’une des formes d’abus les plus difficiles à reconnaître : «Il peut être subtil et insidieux ou alors visible et manipulant. Dans les deux cas, ça grignote la confiance en soi de la victime qui perd, petit à petit, l’assurance dans sa perception de la réalité.»
- L’autre a des attentes qui ne sont pas réalisables. Des exemples : demander des choses et/ou actions qui ne sont pas raisonnables – s’attendre à ce que vous mettiez tout en suspens afin de satisfaire ses besoins – demander à ce que vous passiez tout votre temps ensemble – être toujours insatisfait ; malgré tout ce que vous donnez, tout ce que vous faites, ce n’est jamais suffisant – critiquer parce que vous n’avez pas accompli certaines tâches selon ses standards.
- L’autre vous pousse à vous remettre continuellement en question. Des exemples : balayer, déformer et rendre risibles vos perceptions de la réalité – refuser d’accepter vos sentiments en définissant ce que vous devez ressentir – accuser la victime d’être trop sensible, d’être fou/folle ou d’être à fleur de peau – refuser d’accepter que vos opinions et idées soient valables – décider que vos demandes, besoins et envies sont ridicules ou alors pas mérités – affirmer que vos perceptions sont erronées en disant les choses suivantes : «Tu exagères», «Tu dramatises»…
- L’autre provoque le chaos. Des exemples : lancer des débats uniquement dans le but de se disputer – faire des déclarations confuses et contradictoires – avoir des changements de moods drastiques ou des débordements émotifs soudains – chercher la petite bête concernant vos vêtements, votre travail, vos cheveux, entre autres – avoir un comportement tellement erratique que vous avez l’impression de marcher sur des œufs.
- L’autre utilise le chantage affectif. Des exemples : manipuler et contrôler en vous faisant vous sentir coupable – humilier en public ou en privé – utiliser vos peurs, vos valeurs, votre compassion, entre autres, pour mieux contrôler les situations – exagérer vos défauts ou les mettre en lumière afin de détourner l’attention ou pour éviter de prendre la responsabilité de ses erreurs et ses mauvais choix – refuser d’admettre qu’un événement a eu lieu ou mentir à propos de ce qui s’est passé – punir en retenant de l’affection.
- L’autre se croit supérieur et pense qu’il a droit à tout. Des exemples : traiter l’autre comme un inférieur – blâmer autrui pour ses erreurs et ses échecs – mettre en doute tout ce que vous dites et tenter de démontrer que vous avez tort – faire des blagues à vos dépens – dire que vos opinions, idées, valeurs ou pensées sont stupides, sans aucune logique et ne font aucun sens – être condescendant – utiliser du sarcasme en interagissant avec vous – agir comme s’il/si elle a toujours raison, qu’il/qu’elle est plus intelligent/e, sait tout mieux que quiconque.
- L’autre tente de vous isoler et vous contrôler. Des exemples : contrôler qui vous voyez et avec qui vous passez du temps (même les amis et la famille) – surveiller vos appels téléphoniques, vos messages, vos réseaux sociaux, votre messagerie électronique – accuser la victime d’être infidèle et être jaloux de toute autre relation que vous avez – prendre ou cacher vos clés de voiture – demander où vous vous trouvez tout le temps (l’utilisation d’un GPS pour suivre tous vos mouvements) – traiter la victime comme une possession ou comme étant «sa propriété» – critiquer qui vous êtes ou se moquer de vos amis, de votre famille, de vos collègues.
… En attendant la fin du confinement. Parce que, comme l’indique la psychologue, «vous n’avez pas à vivre ainsi». Elle rappelle de faire confiance à son instinct : «Vous saurez que ce n’est pas normal ce qui se passe.» Découvrez des pistes, plus bas, qui vous aideront à survivre. Néanmoins, précise la professionnelle, si la situation devient dangereuse pendant la période de confinement, trouvez de l’aide au plus vite : «Contactez des membres de votre famille, des voisins et les autorités le plus vite possible.»
Acceptez que l’abus, ce n’est pas votre responsabilité. Rien ne peut excuser un comportement destructeur. Alors, ne prenez pas sur vous une responsabilité qui n’est pas la vôtre : «Malgré tous vos efforts, vous ne pourrez pas changer une personne qui est émotionnellement abusive en étant différent/e ou en faisant les choses différemment. Rappelez-vous que vous ne pouvez contrôler ses actions et que vous n’êtes pas à blâmer pour ses choix. La seule chose que vous pouvez faire, c’est gérer vos réactions.»
N’essayez pas de raisonner votre abuseur ; vous ne pouvez pas le «réparer». Ce n’est simplement pas possible : «Il/Elle a fait un choix, celui d’agir abusivement.» En tentant de lui faire comprendre les choses, vous perdrez votre précieuse énergie : «Vous voulez sûrement aider et essayer d’arranger la situation mais c’est très peu probable qu’il/qu’elle va briser le schéma de son comportement sans une aide psychologique. Et chercher de l’aide pour changer, c’est également sa responsabilité.» Si une personne abusive tente d’argumenter avec vous, commence à vous insulter, vous demande des choses ou est en colère à cause de sa jalousie, ne lui donnez pas ce qu’il attend : «N’essayez pas de vous expliquer, de le/la calmer, de vous excuser pour des choses que vous n’avez pas faites. Prenez de la distance : walk away ! N’oubliez pas que plus vous expliquerez, plus vous parlementerez, plus vous essaierez de satisfaire ses besoins, plus vous vous perdrez. Rien ne fonctionnera. Vous ne serez jamais assez.»
Prenez de la distance et construisez des barrières. Protégez-vous ! Pour cela, il est essentiel de ne pas rentrer dans le jeu de l’abuseur : «Décidez que vous n’allez pas réagir à l’abus ou alors vous engouffrer dans des discussions stériles. Tenez bon ! Et gardez vos distances autant que possible.»
Prenez le temps de guérir. Oui, il faut reconnaître les blessures et trouver la force de les affronter : «Demandez de l’aide à des amis, de la famille, des proches qui vont vous soutenir. Trouvez un thérapeute pour vous aider à aller de l’avant.»
Travaillez sur un «exit plan». C’est une décision difficile à prendre mais parfois il n’y en a pas d’autre : «Si votre partenaire, votre ami/e ou un membre de votre famille n’a aucune intention de changer ou de travailler sur son comportement, il n’est pas possible de rester dans une relation abusive pour toujours. Car ça va finir par vous affecter mentalement, moralement et physiquement.» Alors que faire ? Se préparer à partir : «Tout dépend de votre situation mais si vous sentez que c’est invivable, il faudra prendre des mesures pour en finir avec la relation. Mais toute situation est différente, alors discutez de vos pensées et vos idées avec un conseiller/thérapeute ou un membre de votre famille.»
Si on ne voit pas les bleus, les blessures existent quand même. Elles sont psychologiques, bien sûr. Mais aussi physiques. Elles fragilisent l’équilibre d’une victime : «Quand l’abus émotionnel est sévère et a eu lieu pendant longtemps, les victimes peuvent perdre le sens de leur personne. Au fil du temps, les accusations, les agressions verbales, le name-calling, les critiques, le gaslighting grignotent la perception que la victime a d’elle-même, la poussant à ne plus pouvoir se voir, s’entendre et se comprendre. Du coup, elle adopte l’avis de l’abuseur : elle devient critique envers elle-même. Et s’enferme dans cette relation, pensant qu’elle n’est bonne à rien et pour personne.» Les plaies sont souvent invisibles : manque de confiance en soi, l’impression de ne valoir absolument rien, le sentiment de se détester… De ce fait, «les recherches indiquent que les conséquences de l’abus émotionnel sont tout aussi sévères que celles des abus physiques».
L’abus émotionnel ne vient pas toujours tout seul : «Il est souvent accompagné d’autres abus : sexuels, financiers ou physiques.» Mais attention, il n’est pas nécessaire de le marier à d’autres violences pour qu’il «compte» : «C’est déjà bien assez grave pour vous motiver à prendre des actions.»
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