Publicité
27 mai 2024 20:41
C’est le dernier grand virage avant les élections. Maintenant que le 1er Mai est passé, la prochaine échéance qui retient l’attention est celle du 7 juin, date à laquelle le dernier Budget du gouvernement MSM avant les prochaines législatives sera présenté.
Aux yeux de nombreux observateurs politiques, membres de la société civile et citoyens, le gouvernement de Pravind Jugnauth, qui a en ligne de mire un nouveau mandat, se lancera dans un exercice labous dou afin de séduire le maximum de Mauriciens. Un Budget faisant la part belle aux mesures populaires serait aussi fidèle à la stratégie de ce gouvernement qui s’est lancé, ces derniers mois, dans une opération séduction avec des allocations en tout genre, l’augmentation des aides sociales, de la pension de vieillesse et de toutes les autres prestations sociales, sans oublier la hausse du salaire minimum.
Face à la tentation du populisme pour s’attirer les faveurs de l’électorat, le ministre des Finances préfère, lui, rester dans la retenue en évoquant la résilience sociale. Lors de sa dernière déclaration à la presse après les consultations pré-budgétaires, Renganaden Padayachy a dit se reposer sur la situation économique actuelle avec une prévision de croissance de 6,5% cette année, un taux de chômage à 6% et une dette publique en dessous de la barre des 75% du PIB. Optimiste, il assure que sa philosophie est basée sur l’humain et que ce Budget sera celui de la continuité qui fera la part belle au social en s’appuyant sur le capital humain afin d’améliorer la vie des Mauriciens. «Nous allons mettre en place un ensemble de mesures et d’idées afin d’améliorer notre résilience économique, sociale et environnementale. C’est notre concept. Certains appellent ça labous dou, nous nous appelons ça de la résilience sociale.»
Cependant, face au spectre d’un Budget populiste, certains tirent la sonnette d’alarme et remettent les pendules à l’heure, rappelant les priorités et les vrais besoins de la population. Si les acteurs économiques redoutent des largesses et des cadeaux sans véritable projection de financement et espèrent que le gouvernement saura faire preuve de responsabilité en évitant d’alourdir le taux d’endettement, les syndicats, les associations des consommateurs et les petites et moyennes entreprises, entre autres, espèrent que cette générosité ne se fera pas au détriment des vraies priorités du pays.
Pour Maya Sewnath, vice-présidente de la SME Chambers, offrir une aide et un soutien accrus aux PME est une priorité absolue. Aujourd’hui, les entrepreneurs locaux, dit-elle, ont urgemment besoin d’un coup de pouce économique. «Je ne dis pas que le gouvernement ne fait rien pour les PME, mais depuis la Covid, nous avons tellement de problèmes et ils n’ont fait que donner des choses bout par bout, ce qui ne nous aide pas. Nous avons besoin d’un grand coup de main. Le PM a lui-même dit qu’il est le bolom nwel. Nous attendons donc qu’il nous fasse un grand cadeau.» Lors des dernières consultations pré-budgétaires, la SME Chambers a fait de nombreuses propositions afin d’alléger le fardeau des entrepreneurs. «Nous demandons de write-off nos dettes car depuis la Covid, c’est très difficile d’assurer le remboursement, sans compter que ça nous bloque quand on va chercher un nouveau loan. Ça impacte sur notre crédibilité. Nous demandons un meilleur accès au marché. Le fret ne cesse d’augmenter. Il faut mettre en place quelque chose de spécial en se basant sur la positive discrimination. Que le gouvernement nous aide avec un grant pour rehausser la technologie au sein des entreprises.»
Le manque de main-d’œuvre, souligne Maya Sewnath, est un autre problème qui rend la tâche des PME compliquée. «Trouver de la main-d’œuvre est devenu très difficile. Maintenant, on nous interdit de travailler avec des Bangladais et des Népalais, on nous demande de nous tourner vers Madagascar. On nous met des bâtons dans les roues sans arrêt.» Pourtant, affirme-t-elle, le rôle que joue les PME dans l’économie est indéniable. «Nous sommes l’avenir de l’économie. Nous attendons une mesure extraordinaire qui serait une bouffée d’air pour les PME. Nous ne demandons qu’à participer à la création des richesses et à aider l’État.»
Privilégier la continuité en maintenant les allocations qui ont été récemment offertes est, estime Suttydeo Tengur, président de l’Association for the protection of the environnement and Consumers (APEC), est une priorité. «Le ministre des Finances doit prioritairement consolider les acquis, notamment les hausses des pensions et autres prestations sociales ainsi que le salaire minimum aux jeunes en adoptant une politique rotin bazar contre les hausses vertigineuses des prix. À commencer par les denrées de base tels que les grains secs, les papiers hygiéniques, les produits de consommation courante et, surtout, les médicaments dont les prix ne cessent de prendre l’ascenseur. À titre d’exemple, le papier toilette qui se vendait durant la période pré-Covid 19 à Rs 280 (pack de 24 rouleaux) se vend aujourd’hui dans les supermarchés et hypermarchés à près de Rs 500. C’est aberrant.» Pour lui, il est primordial que le Grand argentier mette en marche tout un processus pour déterminer les coûts réels des produits importés.
Prendre en ligne de compte l’avenir du pays d’une façon durable. C’est ce dont le pays a vraiment besoin, estime Radhakrishna Sadien, président de la State Employees Federation. «La sécurité alimentaire est une priorité. Cela fait des années qu’on parle d’autosuffisance alimentaire, mais le dossier n’a pas avancé. En 2024, on dépend encore de l’étranger pour les oignons, les pommes de terre, l’ail et d’autres légumes. Nous ne pouvons plus continuer comme ça et des mesures doivent être prises dans ce sens.» En ce qu’il s’agit de la fonction publique, Radhakrishna Sadien s’attend à ce que le Budget fasse provision pour remplir les postes vacants depuis longtemps. Il est aussi important, ajoute-t-il, qu’il y ait un ajustement des salaires afin de corriger les distorsions salariales causées par l’augmentation du salaire minimum. Selon le syndicaliste, il est important que le Budget règle le problème de gaspillage des fonds publics afin de permettre une meilleure utilisation des ressources. «La Corporate Tax doit aussi être revue à la hausse pour les grandes compagnies et les salariés à revenu moyen doivent être mieux protégés en termes de taxes directes.»
Comme souvent ces dernières années, la Confédération des Travailleurs des Secteurs Publique et Privé (CTSP) a fait de nombreuses propositions au ministre lors des consultations pré-budgétaires. Un point crucial sur lequel le gouvernement devrait s’attarder, estime Reaz Chuttoo, est le contrôle des prix. Que chacun puisse avoir accès aux nécessités de base est, dit-il, une priorité. «Aujourd’hui, c’est flagrant que les consommateurs sont soumis aux prix abusifs des matières premières. Certains sont parfois victimes de fausses publicités proposant des prix attractifs et bon marché.» Il est grand temps, dit-il, que le gouvernement présente une nouvelle loi sur la protection des consommateurs.
Publicité
Publicité
Publicité